Cette semaine, nos experts ont analysé l’évolution des prix des marchés de l’énergie (électricité, gaz, CO2, pétrole et charbon) pour vous apporter un éclairage sur l’évolution des marchés et accompagner vos choix. Cette analyse peut ainsi vous permettre de trouver la meilleure option pour vos contrats d’énergie. Retrouvez notre analyse pour la semaine du 28 février 2022 ci-dessous :
Marché de l’électricité
La guerre en Ukraine continue de fortement perturber le marché
C’est à nouveau une semaine compliquée sur les marchés énergétiques européens. La guerre en Ukraine s’enlise et l’offensive qui ne devait durer que quelques jours pour le Président russe se voit repoussée par une forte résistance du peuple ukrainien. Les sanctions imposées au Kremlin ne semblent pas faire douter Vladimir Poutine, et les conséquences économiques pourraient s’avérer très fortes aussi bien pour la Russie, que pour le reste de l’Europe et du Monde.
Le sommet de Versailles : vers une solution commune au niveau européen ?
D’un point de vue français, le président Macron convoque un sommet d’urgence les 10 et 11 mars prochains à Versailles pour discuter du soutien à apporter à l’allié ukrainien et pour débattre de la nouvelle ère dans laquelle l’Europe est en train d’entrer. En effet, l’indépendance énergétique de l’Europe (gazier essentiellement, mais également pétrolier) atteint un point critique ces derniers jours. La stratégie d’approvisionnement doit être revue et diversifiée, le marché de l’électricité devrait faire l’objet de réformes (comme le demande la DG d’Engie, Mme Mac Gregor), le mix énergétique devra être refondue pour laisser une plus grosse part encore aux énergies renouvelables (à moyen terme) et au nucléaire (à long terme). Dans tous les cas, la situation est plus que jamais tendue et incertaine.
L’incertitude reste permanente
Sur les marchés, cette incertitude constante sur l’avenir de l’approvisionnement russe apporte une volatilité et une flambée des prix extraordinaire. Les achats de panique sont nombreux depuis le début de la crise, alors même que les flux gaziers transitant par Nord Stream I ne faiblissent pas, voire progressent certains jours. Néanmoins, l’inflexibilité du Président russe et les multiples menaces militaires (l’usage de l’arme nucléaire n’est pas à écarter comme le rappelait le Ministre de l’économie Bruno Le Maire) sont loin de rassurer les acteurs du marché.
Les prix sur le court et long terme restent très volatiles
Ainsi, sur la courbe de long terme, les variations des prix des contrats calendaires français restent importantes. Le contrat pour l’année 2023 gagne 31,88 €/MWh d’un vendredi à l’autre, soit une hausse de 18,31 % pour atteindre un prix de 206 €/MWh le vendredi 4 mars.
Pour les années 2024 et 2025 les prix sont plus mitigés et se sont établis, respectivement, à 122,99 €/MWh et 105,85 €/MWh soit une baisse moyenne d’environ -4,21 % en une semaine. Ces variations mettent en lumière le caractère exceptionnel de la conjoncture et l’incertitude forte quant à l’avenir énergétique général.
Les perspectives restent pessimistes. L’inflation du prix de l’électricité, à court terme (livraisons jour+1 et mois+1) comme à long terme (année+1) est forte. La guerre est bien présente et semble devoir durer. L’Europe ne peut se passer du gaz, du pétrole, du charbon russe, du moins pour le moment et le changement de paradigme prendra du temps. Il nous parait plus que jamais important de sécuriser l’approvisionnement énergétique pour les années à venir.
Loic ARILAZA, analyste pricing
Marché du gaz
Le gaz, une ressource nécessaire en Europe
C’est du côté du gaz naturel que le bas blesse dans cette situation géopolitique très tendue. Le gaz représente pour l’Europe une alternative vitale au charbon (très émetteur de CO2) pour atteindre l’objectif d’une Europe la plus décarbonée possible d’ici à 2050. Or, la dépendance, comme nous le disions précédemment et comme on peut l’entendre ou le lire dans la presse, reste très forte.
Quelles alternatives au gaz russe pour l’Europe ?
Si nous voulions faire sans le gaz russe, la facture énergétique s’élèverait à des niveaux encore jamais vus, bien au-delà de ce que nous connaissons actuellement. Dans l’immédiat, il ne semble pas y avoir d’alternative sérieuse au gaz importé de Russie, en tout cas à court terme. En effet, même si la France reste un des pays de l’Union la moins dépendante vis-vis du gaz russe, l’Europe importe encore près de 40 % de son gaz de Russie (environ 175 milliards de m3). Pour s’en passer, il faudrait se tourner massivement vers le charbon (qui de son côté a déjà connu une flambée des prix fin 2021 et début 2022), le temps d’améliorer encore le parc installé renouvelable et de construire de nouvelles centrales nucléaires.
Des prix records
Ainsi, en une semaine, le contrat français 2023 gagne 14,02 €/MWh soit une variation de +22,83 %. A court terme, un record historique est atteint le vendredi 4 mars, avec un prix de 213,895 €/MWh pour une livraison avril 2022 sur le hub néerlandais (TTF ICE avril 2022). La volonté affichée de la Commission européenne d’accroître considérablement les capacités de stockage cet été (à près de 90 % d’ici octobre) pour faire face à l’hiver prochain a mécaniquement fait monter les prix d’été 2022, au détriment de l’hiver 2022.
Un embargo sur les exportations gazières russes n’est pas à écarter, même si cela plongerait durablement l’Europe dans une situation difficile. La guerre s’intensifie de jour en jour, et une sortie diplomatique ne semble plus si proche comme elle pouvait l’être il y a quelques semaines. Les stocks gaziers restent quant à eux faibles et l’été reste incertain concernant leur reconstitution. Les perspectives sont pessimistes, à l’image des acteurs du marché. La volatilité devrait rester forte ces prochains jours.
Loic ARILAZA, Analyste Pricing
Marché des émissions
Le CO2 poursuit sa dégringolade pour atteindre des niveaux constatés en octobre 2021. La chute est déjà historique. Le vendredi 4 mars, le contrat de Dec, 22 clôture à 65,10 €/t (soit -23,03 €/t depuis le vendredi précédent). La volatilité devrait rester très forte, suivant l’évolution de la guerre en Ukraine. Les acteurs spéculatifs devraient avoir soldées leurs positions avec la chute entamée la semaine passée, et il ne devrait rester majoritairement plus que les acteurs obligés aux quotas. Néanmoins, la chute des prix pourrait se poursuivre si la rupture d’hydrocarbures en provenance de Russie s’opère effectivement. Les perspectives restent donc globalement mauvaises.
Marchés du pétrole et du charbon
Les prix du pétrole atteignent des sommets
Le prix de l’or noir continue son envolée fantastique pour atteindre un plus haut le vendredi 4 mars avec un prix de clôture de 118,11 $/bbl (Brent mois+1). La situation en Ukraine fait peser toujours plus de pression sur l’approvisionnement pétrolier mondial et les autres gros producteurs de l’OPEP ne semblent pas ouvrir les vannes suffisamment pour absorber la demande. Un embargo russe de la part des Etats-Unis semble par ailleurs imminent et le prix du baril tutoie son record historique de 2008 (147 $).
Le charbon se positionne sur les devants de la scène mondiale
Sur le charbon, même son de cloche pour les prix mondiaux. La Russie est le 6ème producteur mondial de charbon (5 % de la production mondiale) et le risque de coupure dans l’approvisionnement semble plus proche que jamais. Or, le charbon sera vraisemblablement essentiel pour faire face à un potentiel manque de gaz naturel en Europe. La compétition mondiale pour remplacer le charbon russe est au plus haut, les prix mondiaux repartent logiquement à la hausse.