Nos experts de l’énergie décryptent cette semaine l’évolution des prix du marché de l’énergie. Découvrez leur analyse et leurs perspectives de progression pour les semaines à venir.
Marché de l’électricité
Une production nucléaire française historiquement basse
Cette semaine a vu les marchés européens de l’énergie repartir largement à la hausse, dans un contexte d’étude du sixième paquet de sanctions prises par l’Union Européen à l’encontre de la Russie et d’une indisponibilité nucléaire française toujours inquiétante. Même si EDF s’est voulu rassurant, notamment par le biais de son directeur financier, il n’en reste pas moins que la production pour l’année 2022 sera vraisemblablement historiquement basse (si on considère ces 30 dernières années). Les dernières estimations d’EDF parlent d’une fourchette de 295-315 TWh d’ici la fin de l’année. Les contrôle de sécurité sur l’ensemble du parc nucléaire se poursuivent, et ils devront se terminer d’ici fin 2023. Actuellement, environ 20 % du parc est en cours d’examen. Ces prochaines semaines, les vérifications devraient commencer sur les sites de Bugey 3 et 4.
Le sixième paquet de sanctions à l’encontre de la Russie est en discussion
Par ailleurs, la guerre continue de faire rage en Ukraine, et les sanctions prononcées envers la Russie ne cessent de s’intensifier, dans l’espoir de faire renoncer le président russe et trouver ainsi une issue « pacifique » au conflit. Même si le sixième paquet de sanctions doit encore être validé par les Etats membres pour entrer en vigueur, la tendance est claire : faire peser la plus grosse pression économique et financière possible à la Russie. En milieu de semaine, Ursula von der Leyen annonçait au nom de la Commission européenne interdire progressivement les importations de pétrole brut d’ici 6 mois, et des produits raffinés d’ici la fin de l’année.
Les négociations sont en cours à propos du dispositif ARENH
En France, le Conseil d’Etat a rejeté la demande des syndicats de l’énergie de suspendre la hausse du volume d’électricité ARENH à bas prix. Sans le bouclier tarifaire annoncé, les prix auraient bondi bien plus encore que la hausse constatée aujourd’hui. Pour cette raison, EDF avait déjà dû céder 20 TWh de supplémentaire au titre des volumes ARENH pour l’année 2022. Les discussions sont d’ailleurs encore en cours pour rehausser de manière réglementaire les volumes annuels d’ARENH alloués. La décision finale est néanmoins loin d’être prise.
Les prix de l’électricité subissent une hausse très significative
Ainsi, sur la courbe de long terme, les contrats pour une livraison en 2023 (Cal 2023 FR baseload) en France se négocient à 302,00 €/MWh le vendredi 6 mai, soit une variation de +43,50 €/MWh (+16,83 %) en une semaine. Pour les années suivantes, les contrats pour une livraison en 2024, 2025, et 2026 se négocient respectivement quant à eux à 215,19 €/MWh (+29,83 €/MWh), à 185,90 €/MWh (+28,42 €/MWh), et à 142,63 €/MWh (+6,78 €/MWh) le même jour. Sur les marchés, les hausses significatives des prix du gaz naturel, mais également du charbon, ont largement soutenu les prix de l’électricité à la hausse.
Après avoir connu cette semaine de très fortes variations, les prix de marché devraient se calmer légèrement cette semaine. En tout cas, c’est la tendance qui semble se dégager ce lundi 9 mai. Toutefois, l’imprévisibilité du marché reste élevée, et chaque nouvel élément doit être pris en compte, et peut influer fortement sur le cours des énergies. La situation est plus que jamais tendue.
Loïc ARILAZA, Analyste Pricing Team Leader
Marché du gaz
Un marché à la hausse
Concernant les marchés européens du gaz naturel, la tendance est également à la hausse, même si elle est plus modérée que pour les marchés électriques. L’ensemble des produits, à court comme à moyen terme, sont clairement à la hausse avec les risques de coupures d’approvisionnements en gaz russe toujours présents, et un prix du charbon en forte hausse. Néanmoins, la consommation française de gaz naturel est en baisse, avec des températures plutôt clémentes, et les stocks continuent de se remplir à une bonne cadence (environ 70% plus élevés que l’année précédente à la même période).
L’afflux de GNL en Europe, couplé à ces éléments, a semble-t-il permis tout de même de limiter les hausses de prix trop importantes. La volatilité reste forte de manière générale, d’autant plus que les acteurs semblent vouloir chercher des sources d’approvisionnements autres que la Russie, sans doute en prévision des évolutions futures du conflit en Ukraine.
Les différentes pressions du côté de l’offre comme de la demande, inquiètent
À court terme, les injections n’ont pas tant été impactées que cela, mais le souhait clairement affiché de certains acteurs majeurs de chercher du gaz ne provenant pas de Russie a fait peser une pression sur la demande. L’offre, quant à elle, pourrait à moyen-long terme être impactée si la décision d’interdire le gaz russe au niveau européen est prise. Nous n’y sommes pas encore, mais la simple idée ou la possibilité qu’un tel scénario survienne suffit à inquiéter le marché.
L’Union Européenne s’organise face aux volontés russes
Concernant le paiement du gaz russe en rouble, comme le désire le géant russe Gazprom, la Commission européenne prépare toujours des consignes pour répondre à cette exigence russe. Pour l’heure, il ne semblerait pas qu’un nombre important d’entreprises aient ouvert un compte en roubles chez GapromBank. Cela irait en effet à l’encontre des sanctions déjà prononcées par l’Union européenne.
Pour l’heure, l’UE ne connaît pas de coupures d’approvisionnement immédiat, et commence déjà à préparer l’hiver en visant l’objectif de remplissage des stocks stratégiques à hauteur de 80% de la capacité maximale d’ici le 1er novembre. Un texte de loi pourrait d’ailleurs entériner cette stratégie à long terme. C’est en discussion. Quoi qu’il en soit, les marchés du gaz naturel demeurent très volatiles, et restent sous l’influence de l’évolution du conflit russo-ukrainien.
Les prix du gaz sont à la hausse
Sur un horizon lointain, les contrats pour une livraison en 2023 (PEG Cal 2023) se négociaient à 78,04 €/MWh le vendredi 6 mai, soit en hausse de +4,27 €/MWh (+5,79 %) en une semaine. Sur les années 2024 et 2025, le prix de négociation est respectivement de 63,87 €/MWh (+7,73 %) et à 52,12 €/MWh (+5,35 %).
Les prix de court et de long terme pourraient bien corriger à la baisse cette semaine. Il est malheureusement de plus en plus difficile d’anticiper les cours futurs, quelque soit l’horizon, mais il est peu probable que l’on constate une baisse très importante du prix du gaz naturel. Les nouveaux fondamentaux apportés par la guerre ont bouleversé les équilibres pour un bon moment.
Loïc ARILAZA, Analyste Pricing Team Leader
Marché des émissions
Sur le marché européen du CO2, le prix des quotas remonte sensiblement cette semaine, comme le reste du complexe énergétique européen. Le paiement en roubles demandé par la Russie, et un futur embargo européen sur le pétrole russe et les produits raffinés ont continué d’orienter le prix des EUA à la hausse. Le vendredi 6 mai, le contrat de référence Dec.22 se négociait à 91,54 €/t, soit 7,09 €/t de plus en une semaine. La volatilité journalière du prix des contrats est par ailleurs très forte. Les acteurs spéculatifs sont bien présents et le prix devrait continuer de fluctuer autour des 90 €/t.
Marchés du charbon et du pétrole
Un embargo européen sur le pétrole russe se profile
L’or noir connaît une forte volatilité cette semaine pour atteindre 112,39 $/bbl (Brent mois +1) le vendredi 6 avril, +3,05 $/bbl en une semaine. Les discussions européennes pour un embargo sur le gaz russe d’ici à 6 mois a fait peser une pression sur les prix en début de semaine. Par ailleurs, l’offre mondiale reste toujours limitée et la demande reste mitigée entre un redémarrage fort de l’économie et les restrictions sanitaires liées au Covid-19 en Chine. La volatilité est forte dans un contexte de course entre récession et réduction de l’offre, chaque facteur prenant tour à tour l’ascendant sur l’autre. Si l’embargo européen sur le pétrole russe est adopté, et même si une partie des exportations basculent vers l’Asie, l’intégralité des barils ne serait pas redirigée vers les acheteurs asiatiques.
Le prix du charbon de nouveau à la hausse
Concernant le charbon, la tendance haussière se poursuit au niveau mondial, dans un contexte de forte demande au regard du prix élevé du gaz, d’un embargo européen sur le charbon russe, et de vagues de chaleur en Asie. La demande asiatique pour la production d’électricité est en hausse depuis plusieurs jours, ce qui exerce des pressions sur la demande mondiale. Le vendredi 6 mai, les contrats API 2 Rotterdam pour une livraison en 2023 atteignait 247,60 $/t, soit 37,67 $/t de plus par rapport au vendredi précédent. La tendance ne devrait d’ailleurs pas s’inverser cette semaine.
Pour recevoir notre Hebdo de l’Energie en exclusivité directement dans votre boite mail, cliquez sur le lien ci-dessous :