Découvrez dans cet article l’analyse de nos experts concernant toute l’actualité sur le marché de l’énergie (gaz, électricité, pétrole, charbon…) pour la semaine du 6 juin 2022. Ils vous livrent également leurs perspectives d’évolution pour les semaines à venir.
L’électricité à la baisse, quand les autres énergies continuent sur leur tendance haussière
Cette semaine, la courbe de long terme sur les marchés de gros de l’électricité en France et en Europe s’est corrigée à la baisse. En effet, les prix du contrat CAL 23 ont diminué de -15,17 €/MWh (soit une baisse significative de -4,84 % sur la semaine). Les prix des contrats CAL 23 ont alors dépassé à la baisse le support de 300 €/MWh qui régissait depuis le 10 mai 2022 en clôturant à 298 €/MWh le vendredi 10 juin. En cause principalement : une diminution de la demande ainsi qu’une part importante de production d’électricité renouvelable dans le mix-électrique de la France.
Le vendredi 10 juin, la production électrique nationale s’établissait à 52,5 GW de puissance injectée à son plus haut point sur la journée, dont 35 % provenant de sources renouvelables (notamment via le solaire photovoltaïque et l’hydroélectrique). A l’inverse, les prix des différentes sources d’énergies primaires n’ont pas suivi de tendance baissière. Le gaz naturel (contrat PEG CAL 23) a connu une hausse sur une semaine, clôturant à 74 €/MWh. Le pétrole brut quant à lui a clôturé au-dessus du corridor de prix dans lequel il semblait varier depuis quelques mois : le Brent (mois +1) a clôturé la semaine à 122,01 $/bbl. Le lundi 13 juin, le prix spot de l’électricité en France pour une livraison le lendemain (France baseload day-ahead) a clôturé à 218,50 €/MWh.
Marché de l’électricité
Le nucléaire au coeur des discussions
En France plus particulièrement, le risque de baisse de la disponibilité des centrales nucléaires inquiète toujours et le marché de l’électricité reste tendu à moyen et long terme. Outre les annonces à répétition des arrêts prévus de réacteurs nucléaires pour maintenance, l’arrivée de l’été et de ses températures élevées entrave le fonctionnement de l’ensemble des capacités de production nucléaire. En effet, EDF annonçait jeudi 9 juin de nouvelles restrictions de production de sa centrale nucléaire de St Alban (2,7 GW) à cause du faible débit sur le Rhône. Parallèlement, la centrale de Tricastin (3,7 GW) est sujette à des investigations en raison de potentielles dissimulations d’incidents.
Nous rappelons que les prévisions de production nucléaire sont historiquement basses en France (prévisions d’environ -25% de production cet été) impliquant une situation d’importations nettes d’électricité. Au vu de la flambée des prix de l’électricité sur le marché, la CRE souhaite pousser le volume ARENH à 130 TWh pour 2023. Bien que cette proposition soit motivée par la baisse des factures des consommateurs en diminuant le taux d’écrêtement potentiel, elle est contestée par les syndicats de l’énergie. Face aux contraintes de production nucléaire, EDF envisage de repousser les arrêts prévus cet hiver de 7 réacteurs (représentant un total d’environ 8 GW).
Le prix de l’électricité en baisse la semaine dernière
Ainsi, sur la courbe de long terme, les contrats en baseload pour une livraison en 2024 (CAL 24), 2025 (CAL 25) et 2026 (CAL 26) en France se négocient respectivement quant à eux à 203,87 €/MWh (-16,26 €/MWh), à 182,63 €/MWh (-11,82 €/MWh), et à 151,63 €/MWh (-6,87 €/MWh) le vendredi 10 juin. La tendance haussière de la semaine précédente s’est donc retournée cette semaine avec une augmentation de la production d’électricité renouvelable et une baisse de la demande (suivant alors une figure « épaule-tête-épaule ».
Il est possible que le passage en-dessous des 300 €/MWh ait engendré des prises de profits pour des acteurs positionnés à la hausse avec des ordres de ventes (« stop loss ») poussant alors davantage les prix à la baisse à court terme. Cependant, l’épisode caniculaire prévu dans les prochains jours devrait augmenter sensiblement la demande d’électricité et relancer les prix à la hausse à court terme. La tendance à la baisse des prix de l’électricité initiée cette semaine pourrait ainsi rapidement repartir à la hausse en plus du manque de disponibilité nucléaire et des conséquences de l’embargo européen.
Tristan BAUDU, Analyste Pricing
Marché du gaz
Le marché se stabilise cette semaine
La courbe de long terme sur le marché du gaz naturel semble s’être stabilisée cette semaine avec des prix restant au-dessus du support à 70 €/MWh. Les contrats pour une livraison en 2023 (PEG CAL 23) se négociaient à 74 €/MWh le vendredi 10 juin, soit une hausse de +0,024 €/MWh (+0,03 %) en une semaine. Les prix pour une livraison le lendemain (prix spot) s’établissaient à 80,30 €/MWh en moyenne le lundi 13 juin.
Plusieurs évènements tirent l’offre à la baisse
Le contexte géopolitique avec la Russie est toujours tendu et l’avenir des importations de gaz russe reste incertain. Pour l’heure, le géant gazier russe Gazprom a coupé les flux de gaz avec la Pologne, les Pays-Bas, le Danemark, la Bulgarie et la Finlande en raison du désaccord concernant la devise d’échange. Comme nous l’avons indiqué récemment, la France ne semble pas subir les sanctions de Gazprom à date à la suite d’un accord avec Engie afin de continuer à payer les importations de gaz en euros.
Nous rappelons que l’Europe dispose de sources d’approvisionnements variées, notamment grâce à l’utilisation du GNL. Cependant, la deuxième usine de GNL des Etats-Unis – Freeport LNG – a subi une explosion à la suite d’un incendie qui s’est déclaré mercredi dernier. Cet évènement devrait suspendre les exportations de GNL américains pendant au moins trois semaines (le terminal GNL de Freeport LNG exportait environ 70% de sa production à destination de l’Europe) : cela devrait être un facteur haussier des prix du gaz naturel sur les plateformes européennes. De même, cela pourrait impacter le marché de l’électricité à la hausse en raison du manque de disponibilité nucléaire en France.
Même si la demande baisse, l’offre risque de ne pas être suffisante
La demande en gaz naturel du secteur industriel a baissé d’environ 10% en un an en France. Cette baisse de la demande devrait se poursuivre à court terme avec l’arrivée de l’été. Cependant, l’approvisionnement en gaz reste un sujet majeur de crise pour la prochaine période hivernale. L’AIE a communiqué sur la possibilité d’un rationnement en gaz naturel cet hiver dans le cas où aucune mesure radicale en matière d’efficacité énergétique ne serait prise. En effet, face à la hausse des prix de l’énergie, l’efficacité énergétique et la sobriété énergétique sont des solutions efficaces pour réduire la consommation, et par extrapolation le prix de l’énergie. La reprise économique de la Chine, bien que modérée en raison de son reconfinement partiel, aura certainement un impact important sur le marché du gaz.
La stratégie de stockage durant l’été progresse
Du côté du stockage, le taux de remplissage des réserves atteint près de 54 % en France pour un volume cumulé de 71 TWh. Cette stratégie des pays membres de l’Union Européenne de refonte des stocks de gaz à hauteur de 80% de leur capacité permettra de sécuriser une partie de l’approvisionnement en gaz cet hiver dans le cas où la situation énergétique internationale s’aggraverait.
Les prix du gaz restent élevés
Ainsi, sur la courbe de long terme, les contrats PEG pour 2024 (CAL 24) et pour 2025 (CAL 25) se négociaient respectivement à 59,35 €/MWh (+4,12 %) et à 47,142 €/MWh (-3,40 %) le vendredi 10 juin. La tendance reste mitigée mais les prix devraient rester élevés avec une disponibilité affaiblie du parc nucléaire français cet été malgré une baisse naturelle (saisonnière) de la demande en gaz. Le contexte d’approvisionnement reste très tendu, l’offre diminue sur le marché mais la demande aussi permettant de stabiliser le prix du gaz.
Cette semaine, la tendance semble mitigée à court et à long terme. A court terme, l’explosion de la centrale de méthanisation Freeport LNG diminue fortement l’offre de gaz naturel sur le marché alors même que l’approvisionnement en GNL semble être la solution alternative face à la situation avec la Russie. A long terme, l’avenir de l’approvisionnement gazier en Europe reste en revanche une source d’inquiétude principale, et les prix de marché devraient plutôt s’orienter à la hausse.
Tristan BAUDU, Analyste Pricing
Marché des émissions
Le marché des émissions a connu une forte baisse en une semaine, et s’est stabilisé cette semaine avec un prix restant en-dessous de 82 €/t. Les trois premiers textes du paquet climat « Fit for 55 » ont été rejeté par le Parlement européen : la création du fond social pour le climat, la réforme du système de quotas carbone (ETS) et la mise en place du mécanisme carbone aux frontières. . Ce vendredi 10 juin, le contrat de référence DEC.22 se négociait à 81,86 €/t, soit une variation de -5,01 €/t (-5,77 %). Les prix du CO2 se sont retournés en raison du vote d’amendements sur la réforme du marché carbone.
Marchés du charbon et du pétrole
Les prix du charbon sont à la baisse
Du côté du charbon, les prix de long terme (RotterdamAPI 2 Cal 2023) suivent une tendance baissière, même si ils restent au-dessus du support de 210 $/t. . Avec la reprise économique chinoise à venir, la potentielle augmentation de la demande asiatique, notamment pour la production d’électricité, devrait apporter un fort soutien aux prix d’ici à l’été 2022. Ainsi, le vendredi 10 juin, le contrat API 2 Rotterdam (CAL 2023) clôturait à 214,72 $/t, soit -6,48 % en une semaine.
Les prix du pétrole continuent leur envolée
Les prix du pétrole brut poursuit sa tendance haussière, étant restés dans un corridor de prix compris entre 100 $/bbl et 120 $/bbl pendant plusieurs semaines, ils sont passés au-dessus des 120 $/bbl cette semaine. Depuis le début de l’année, les prix du brut suivent nettement une tendance à la hausse. Le Brent (mois +1) a clôturé à 122,01 $/bbl le vendredi 10 juin, représentant une hausse de +2,29 $/bbl en une semaine (soit +1,91 %). Comme nous l’indiquions, le marché du brut subit une forte pression actuellement en raison de l’embargo européen sur les importations de pétrole russes.
La réaction de l’OPEP+ afin de réguler le marché ne s’est pas fait attendre : le cartel a annoncé doper sa production de 50% cet été. Ajouté à cela, il faut noter que les Etats-Unis ont débloqué les exportations de pétrole en provenance du Vénézuela, permettant d’augmenter encore le volume de production sur le marché. Malgré cela, le prix du pétrole est repassé au-dessus de 120 $/bbl. En Chine, la politique sanitaire continue d’impacter la demande avec de nouveaux confinements. Il faut s’attendre à ce que la reprise économique chinoise ait de lourdes conséquences sur le prix du brut. En France, le prix des carburants à la pompe ont atteint des records durant la semaine dernière selon le ministère de la Transition Ecologique (plus de 2,10 €/L pour le SP95 malgré l’exonération de 0,18 €/L mise en place par le gouvernement).
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