Découvrez dans cet article l’analyse de nos experts concernant toute l’actualité sur le marché de l’énergie (gaz, électricité, pétrole, charbon…) pour la semaine du 6 juin 2022. Ils vous livrent également leurs perspectives d’évolution pour les semaines à venir.
Marché de l’électricité
Après une courte durée, le marché repart à la hausse
Cette semaine, la courbe de long terme sur les marchés de gros de l’électricité en France et en Europe s’est corrigée à la hausse. En effet, les prix du contrat CAL 23 ont augmenté de +9,8 €/MWh par rapport au vendredi 10 juin (soit une hausse significative de +3,29 % en une semaine). Comme nous l’indiquions précédemment, le passage du CAL 23 sous la barre des 300 €/MWh de vendredi 10 juin a certainement été source de prises de profits pour des acteurs s’étant positionnés à la hausse avec des ordres de ventes. Le lundi 13 juin, le CAL 23 était descendu à 288 €/MWh, pouvant donc confirmer qu’un volume important de transactions de ventes ait été réalisé.
Une demande en hausse et une production à la baisse
Les prix des contrats CAL 23 sont repassés au-dessus du support de 300 €/MWh en fin de semaine en clôturant à 307,80 €/MWh le vendredi 17 juin, représentant alors une hausse de +19,80 €/MWh du lundi au vendredi. En cause principalement : une augmentation significative de la demande en raison des fortes chaleurs en France.
En effet, la période de canicule a eu une double conséquence sur le marché de l’électricité : une hausse de la demande expliquée notamment par l’utilisation massive de systèmes de refroidissement et de climatisation, mais également une production d’électricité réduite par un manque de précipitation ne permettant pas de relever le niveau des rivières. D’après les données d’Energy Quantified, le niveau des rivières est au plus bas depuis plus de 20 ans, et cela affecte fortement la capacité de production nucléaire (et hydraulique).
Le manque de la disponibilité des centrales nucléaires en France est toujours un sujet majeur d’inquiétudes. En plus des investigations portées sur la centrale de Tricastin (3,7 GW) en raison de potentielles dissimulations d’incidents, nous apprenions en fin de semaine que le contrôle de corrosion sur le réacteur de Penly 2 (d’une puissance de 1,3 GW) allait être avancé au mois d’août, diminuant encore l’offre d’électricité nucléaire sur le marché. Le marché de l’électricité reste donc tendu à moyen et long terme, et selon le directeur général de la branche Electricité et Gaz de TotalEnergies, les prix français de l’électricité pourraient atteindre les 700 €/MWh sur les contrats MONTH+1 cet hiver.
Des prédictions de production nucléaires au plus bas
Nous rappelons que les prévisions de production nucléaire sont historiquement basses en France, impliquant une situation d’importations nettes d’électricité, et que face aux contraintes de production, EDF envisage de repousser les arrêts prévus cet hiver de 7 réacteurs (représentant un total d’environ 8 GW).
Côté renouvelable, la France a inauguré un nouveau parc photovoltaïque d’une puissance de 55 MW (le plus grand parc solaire de TotalEnergies). De plus, malgré son retard face aux objectifs de développement de la filière renouvelable, la France a injecté ses premiers MWh issus d’éoliennes off-shore en début de semaine grâce au parc de Saint-Nazaire. Le vendredi 17 juin, 34 % de l’électricité produite en France provenait de sources renouvelables (notamment via le solaire photovoltaïque et l’hydroélectrique). Malgré le développement de moyens de production d’électricité renouvelable, la France a recours aux centrales de pointes pour répondre à la demande (notamment aux centrales à gaz) : le prix de l’électricité dépend donc encore des prix du gaz naturel, en hausse cette semaine.
La tendance baissière se corrige quelque peu
Ainsi, sur la courbe de long terme, les contrats en baseload pour une livraison en 2024 (CAL 24), 2025 (CAL 25) et 2026 (CAL 26) en France se négocient respectivement à 201,88 €/MWh (-1,99 €/MWh), à 178,23 €/MWh (-4,40 €/MWh) et à 155,85 €/MWh (+4,22 €/MWh) le vendredi 17 juin. La forte tendance baissière de la semaine précédente s’est donc atténuée à long terme cette semaine et s’est même retournée à la hausse à très long terme sur les contrats CAL 26.
Malgré une forte baisse du prix de l’électricité entre le 10 juin et le 13 juin, la canicule a drastiquement poussé les prix à la hausse cette semaine, repassant le CAL 23 au-dessus de 300 €/MWh. Les épisodes de fortes chaleurs devraient se reproduire à court terme dans un contexte où la disponibilité nucléaire est amoindrie, les gestionnaires de réseau devront être vigilants à ces pics de consommation et ses contraintes de production pour maintenir la stabilité du réseau. Le marché reste tendu à court et long terme, le cours pourrait de nouveau se stabiliser au-dessus des 300 €/MWh, voire atteindre un nouveau sommet historique dans le cas d’une explosion des prix du gaz.
Tristan BAUDU, Analyste Pricing
Marché du gaz
La courbe de long terme sur le marché du gaz naturel a suivi une tendance haussière cette semaine avec des prix qui sont passés au-dessus des 80 €/MWh. Les contrats pour une livraison en 2023 (PEG CAL 23) se négociaient à 80,315 €/MWh le vendredi 17 juin, soit une hausse de +6,315 €/MWh (+8,53 %) en une semaine.
L’apport de GNL a été diminué
La situation géopolitique avec la Russie s’est davantage tendue durant la semaine. Le gaz russe représentait environ 40 % des flux à destination de l’Europe avant le début du conflit avec l’Ukraine. Afin de diversifier leurs approvisionnements, les européens se sont d’abord tournés vers les Etats-Unis en bénéficiant du GNL. Cependant, l’incendie récent qui a touché le sud-est du Texas a engendré une explosion de l’usine de méthanisation américaine Freeport LNG empêchant alors temporairement l’afflux en GNL américain (le terminal GNL de Freeport LNG exportait environ 70% de sa production à destination de l’Europe).
Les importations russes fortement réduites
Dans un contexte où 5 pays européens ne bénéficient déjà plus des importations de gaz russe (la Bulgarie, la Pologne, la Finlande, les Pays-Bas et le Danemark), c’est avec ardeur que l’Europe recherche activement de nouvelles sources d’approvisionnement. La France, jusqu’alors exemptée des sanctions de Gazprom, doit aujourd’hui faire face à l’arrêt total des flux de gaz via le gazoduc Nord Stream 1. En effet, pour des raisons techniques de maintenance – ou des raisons politiques – la Russie a drastiquement fermé le robinet, touchant également l’Allemagne et l’Italie. Un accord énergétique trilatéral a été trouvé entre l’UE, Israël et l’Egypte pour importer du GNL, la Roumanie va exploiter un gisement de gaz naturel en Mer Noire et TotalEnergies a été sélectionné par le Qatar pour développer le plus grand champ gazier du monde (projet North Field East).
Le stockage se poursuit mais l’inquiétude persiste concernant l’hiver
Du côté du stockage, le taux de remplissage des réserves a atteint près de 56,2 % en France pour un volume cumulé de 71 TWh. L’objectif des 80 % n’est pas encore réalisé, mais cette réserve assure déjà partiellement les besoins hivernaux. Face aux risques d’approvisionnements et d’insécurité énergétique grandissante, l’AIE avait communiqué sur un possible rationnement en gaz naturel cet hiver, notamment dans le cas d’un hiver long et/ou très froid. Face aux risques de défauts des fournisseurs de gaz en France, TotalEnergies a été désigné fournisseur de secours.
Une situation qui reste tendue
Ainsi, sur la courbe de long terme, les contrats PEG pour 2024 (CAL 24) et pour 2025 (CAL 25) se négociaient respectivement à 60,37 €/MWh (+1,72 %) et à 47,049 €/MWh (-0,20 %) le vendredi 17 juin. Malgré une baisse de la demande en période estivale, la situation reste tendue avec la refonte des stocks européens et le manque de disponibilité des centrales nucléaires. Le marché subit une forte pression additionnelle en raison de l’importante réduction des flux de gaz via le gazoduc Nord Stream 1 ainsi que par la baisse de l’afflux en GNL américain. L’annonce relative au gazoduc s’est traduite par une augmentation du prix du gaz à plus de 85 €/MWh ce mercredi 15 juin (plus haut niveau atteint depuis janvier 2021). Ce choc d’offre sur le marché devrait maintenir la tendance haussière de cette semaine : les prix devraient rester au-dessus du support à 80 €/MWh.
Cette semaine, la tendance semble haussière à court et à long terme. À court terme, la baisse des importations de GNL et l’arrêt brutal des flux via le gazoduc Nord Stream 1 diminue fortement l’offre de gaz naturel. Le recours aux centrales à charbon apparaît comme la solution alternative pour plusieurs pays européens, notamment l’Allemagne. À long terme, malgré les recherches actives de l’UE pour trouver de nouvelles sources d’approvisionnement, l’avenir reste incertain et les prix de marché devraient rester à la hausse. On peut s’attendre à un nouveau sommet historique.
Tristan BAUDU, Analyste Pricing
Marché des émissions
Le marché des émissions a connu une légère hausse cette semaine après une baisse significative la semaine précédente. Ce vendredi 17 juin, le contrat de référence DEC.22 se négociait à 82,37 €/t, soit une variation de 0,51 €/t (0,62 %). Le prix de la tonne de CO2 reste dans son corridor de prix entre 80 €/t et 90 €/t. Cependant, avec cette tendance à la hausse qui devrait se poursuivre à court terme avec le recours aux centrales à charbon pour plusieurs pays européens en raison du choc d’offre en gaz naturel de cette semaine, le contrat de référence DEC.22 pourrait se voir dépasser les 90 €/t : affaire à suivre…
Marché du charbon et du pétrole
Le marché du pétrole reste tendu mais corrige à la baisse cette semaine
Après avoir oscillé entre 100 $/bbl et 120 $/bbl pendant plusieurs semaines, les prix du Brent (mois +1) se sont concentrés dans un corridor de prix à la hausse entre 116 $/bbl et 123 $/bbl depuis fin mai. En fin de semaine, les prix du Brent (mois +1) se sont nettement corrigés à la baisse en clôturant à 113,12 $/bbl ce vendredi 17 juin, représentant alors une baisse significative de -8,89 $/bbl par rapport au vendredi 10 juin (soit une variation de -7,29 %).
Comme l’illustre le graphique ci-dessous, les prix du brut suivent nettement une tendance à la hausse depuis le début de l’année 2022, conséquence directe du conflit entre la Russie et l’Ukraine. Comme nous l’indiquions précédemment, l’embargo européen sur les importations de pétrole russe impacte le marché à la hausse du fait de la pression sur l’offre. Pour rappel, face à cette flambée des prix, l’OPEP+ s’est engagée à augmenter sa production de 50 % pendant l’été. De plus, la reprise des exportations de pétrole du Vénézuela permet également d’apaiser la tension sur le marché. Cependant, la principale source de la baisse des prix du pétrole provient de la décision d’augmentation des taux directeurs de la FED pour apaiser l’inflation. En effet, le taux de change influe directement sur le prix du brut puisque ce dernier est généralement côté en dollars. La hausse des taux directeurs de la FED permet une appréciation du dollar face à l’euro, cela se répercute sur le marché par une baisse des prix du pétrole : le Brent (mois +1) a clôturé à 113,12 $/bbl ce vendredi 17 juin (soit une baisse de -5,91 % par rapport au prix de clôture de la veille).
La demande de charbon augmente, les prix également
Du côté du charbon, les prix de long terme (RotterdamAPI 2 Cal 2023) suivent une tendance haussière et sont repassés au-dessus des 230 $/t. En plus de l’arrivée imminente de la reprise économique chinoise, la demande devrait être poussée à la hausse à la suite de l’annonce de GazProm concernant Nord Stream 1, le charbon intervenant alors comme solution alternative de secours pour maintenir la production d’électricité et ainsi répondre à la demande. Ainsi, le vendredi 17 juin, le contrat API 2 Rotterdam (CAL 2023) clôturait à 233,20 $/t, soit une hausse de +7,93 % par rapport au vendredi 10 juin.
Pour recevoir notre Hebdo de l’Energie en exclusivité directement dans votre boite mail, il suffit simplement de cliquer sur le lien ci-dessous :