Nos experts décryptent pour vous toute l’actualité du marché de l’énergie de la semaine du 4 juillet 2022. Découvrez leurs perspectives d’évolution dans cet article.
Marché de l’électricité
Des sommets historiques pour le prix de l’électricité
Cette semaine fût tellement compliquée sur le marché de l’électricité que certains fournisseurs furent contraints de stopper leurs cotations jusqu’à nouvel ordre. En effet, les prix du contrat CAL 23 ont augmenté de + 95,71 €/MWh par rapport au vendredi 1 juillet en clôturant à 460 €/MWh ce vendredi 8 juillet (hausse significative de 26,27 % en une semaine). Sur un mois, cela représente une augmentation de +54,36 % (par rapport au mercredi 10 juin où les prix du CAL 23 avaient été clôturés à 298 €/MWh). De semaine en semaine, nous atteignons des prix historiques. Cette volatilité des prix n’est pas près de s’arrêter tant que les conflits géopolitiques n’auront pas été résolus.
Une situation inédite qui implique un changement de stratégie urgent
La France a pour ambition de nationaliser EDF, afin de permettre la pérennisation de son investissement. L’opérateur historique étant très endetté, celui-ci ne peut plus investir dans de telles infrastructures. Dans le but d’anticiper une coupure totale de l’approvisionnement du gaz, les dirigeants français ont donc la volonté de racheter les parts restantes de l’entreprise. Cette nationalisation permettrait de rajouter au moins 6 réacteurs nucléaires EPR2 de nouvelle génération d’ici à 2050.
Cette prise de décision rentre ainsi en contradiction avec les objectifs initiaux de l’État, qui prévoyaient de réduire de 50% la part du nucléaire. Aujourd’hui, le contexte est différent. La volatilité des prix de l’électricité est à son paroxysme, les différents États se doivent alors d’improviser au mieux afin de limiter les dégâts. À plus court terme, le gouvernement français souhaiterait chercher un nouveau PDG pour EDF, qui pourrait assurer la remise en service des réacteurs nucléaires, arrêtés pour maintenance. L’électricien public prévoit notamment de redémarrer Flamanville 1 et 2.
Des efforts issus de l’offre et de la demande pour maintenir la stabilité du réseau
Face à cette situation et à la flambée des prix qui en résulte en Europe, les fournisseurs appellent l’ensemble des consommateurs à réduire leur consommation de gaz, d’électricité et de pétrole dès aujourd’hui. Au-delà des risques de pénurie cet hiver, il faut aussi s’attendre à de nouvelles canicules cet été dans un contexte où les disponibilités nucléaires et hydrauliques sont amoindries. En effet, il est nécessaire de maintenir le niveau de l’eau des barrages pour éviter de solliciter les centrales à gaz, très coûteuses.
Dans le cadre de la transition énergétique, le Conseil de Paris a validé jeudi 7 juillet un nouveau plan d’aide à la rénovation énergétique. Pour mettre en place Éco-rénovons Paris 2, la capitale investit près de 60 millions d’euros avec l’objectif de rénover plus de 40 000 logements privés. Selon les estimations, ces investissements pourraient permettre d’économiser 180 gigawattheures d’énergie et 33.000 tonnes équivalent CO2 par an.
L’ensemble de ces mesures permettrait de réduire considérablement à moyen et long terme la consommation
d’énergie, et donc maintenir la stabilité du réseau.
Les prix sur le long terme toujours à la hausse
Sur la courbe de long terme, la tendance est toujours haussière par rapport à la semaine dernière. Ainsi, les contrats
Baseload pour une livraison en 2024 (CAL 24), 2025 (CAL 25) et 2026 (CAL 26) se négociaient
respectivement à 254,81 €/MWh (+ 48,68 €/MWh), 205 €/MWh (+29 €/MWh) et à 184 €/MWh (+7,31 €/MWh)
le vendredi 8 juillet.
Nous sommes susceptibles de dépasser la barre des 500 €/MWh au vu de la situation actuelle. En effet, les centrales à gaz sont souvent sollicitées pour produire de l’électricité et sont très coûteuses actuellement.
À ce phénomène s’ajoute les très fortes chaleurs, qui ont un impact direct sur la consommation de l’énergie et donc le prix. Par exemple, l’utilisation des systèmes de climatisation risque d’augmenter rapidement la consommation. Même si des alternatives sont trouvées pour produire du gaz ou de l’électricité, ces infrastructures mettront du temps à être opérationnelles.
Yanice MEGUENNI, Analyste Pricing
Marché du gaz
Nouveaux sommets historiques du prix du gaz naturel
La courbe de long terme sur le marché du gaz naturel a, comme pour l’électricité, poursuivi une hausse encore plus importante que la semaine dernière. Les contrats pour une livraison en 2023 (PEG CAL 23) ont pu atteindre les 131,81 €/MWh le vendredi 8 juillet, soit une hausse de 30,79 €/MWh (+30,48 %) en une semaine. En 1 mois à compter du 10 juin, le prix du gaz a augmenté de 78,12%.
La transition énergétique, un mal pour un bien ?
À ce jour, plusieurs pays de l’UE sont impactés par des diminutions partielles ou totales de l’approvisionnement en gaz, et les relations entre ces pays et la Russie ne s’améliorent pas forcément. Au fil du temps, nous pouvons en déduire que nous nous dirigeons progressivement vers un arrêt pratiquement total des transactions émises avec la Russie, plutôt que vers un apaisement des tensions.
Les prix du gaz connaissent des montants faramineux, car les pays n’avaient pas anticipé ce conflit. En effet, le groupe algérien Sonatrach a annoncé jeudi dernier avoir signé un accord gazier avec le français Engie. Cela se traduira par l’augmentation de la part de Sonatrach dans le portefeuille d’approvisionnement d’Engie. Nous savons donc qu’une indépendance énergétique ainsi que le développement d’énergies renouvelables, prennent du temps. Ce qui se passe actuellement, c’est que l’Europe prend son mal en patience et subit l’explosion des prix du gaz. Mais sur le Long terme, ce changement d’organisation finira par porter ses fruits.
En Allemagne, nous commençons aussi à parler de sobriété énergétique
Une maintenance au sein du Gazoduc Nord Stream a été mise en place dès lundi. Celle-ci est censée durer dix jours. Cependant, l’Allemagne pourrait penser que cela soit un prétexte pour ne plus rouvrir le robinet. La non-réouverture du pipeline pourrait mettre terriblement en difficulté l’Allemagne. De plus, cela pourrait avoir un impact considérable sur d’autres pays européens. L’Allemagne comme d’autres pays réfléchit donc à réduire considérablement sa consommation énergétique dans le but de passer l’hiver. Certaines entreprises réfléchiraient à mettre certains employés au chômage partiel en cas d’arrêt des livraisons de gaz russe.
Un concours de circonstances qui n’apaise pas les tensions sur le marché du gaz
Le prix du gaz ne cesse d’atteindre des montants extrêmement élevés et cela n’est pas près de s’arrêter. Comme
nous avions pu l’expliquer dans nos précédentes analyses, ce résultat est surtout la conséquence des conflits
géopolitiques mondiaux.
À cela s’ajoute les problèmes locaux qui peuvent apparaître dans les différents pays et donc avoir un impact sur le marché de l’énergie. Par exemple en Norvège, une grève avait commencé à se mettre en place. Cet évènement est survenu suite à l’échec de négociations salariales menées par le puissant syndicat norvégien Lederne. En effet, ce conflit local était suivi de près par l’ensemble des pays européens étant donné que ces manifestations pouvaient aboutir au blocage de 60% des exportations à destination de l’Europe et qu’à ce sujet, nous sommes conscients que les exportations norvégiennes représentent un quart de l’énergie européenne.
Finalement, ce conflit a pu se résoudre rapidement. Seulement 3 gisements de pétrole et de gaz ont été interrompus. En revanche, les grèves menées en France ont connu un tout autre dénouement. Celles-ci ont pu retarder les opérations de maintenance.
Les différents pays européens cherchent à obtenir leur indépendance énergétique du fait des évènements extérieurs. Nous comprenons donc que les conflits locaux menacent donc les possibilités d’approvisionnement, ce qui explique la volatilité des prix ces derniers temps.
Depuis le début de l’année, le prix du CAL 2023 varie entre 50 € et 80 €/MWh en moyenne. Dès juin, nous remarquons que les prix ont subi une trajectoire ascendante et ont pu atteindre les 130 €/MWh.
À court terme ainsi qu’à moyen terme, la tendance reste haussière. L’Europe craint un arrêt total des livraisons de gaz, ce
qui pourrait engendrer de terribles conséquences sur le marché du gaz. À cela, nous pouvons rajouter que certains pays
comme la France essayent d’atteindre 100% de stockage de gaz d’ici à l’hiver.Sur le plus long terme, la tendance pourrait être baissière en raison des alternatives au pétrole russe qui commencent à
Yanice MEGUENNI, Analyste Pricing
émerger. Nous avons par exemple le développement du plus grand champs de gaz naturel au monde. Concernant ce
projet, le Qatar a annoncé mardi dernier avoir choisi le dernier géant énergétique britannique Shell.
Marché des émissions
Le marché des émissions a suivi une tendance baissière cette semaine, ce vendredi 8 juillet, le contrat de référence DEC.22 se négociait à 82,79 €/t, soit une variation de 2,79 €/t en une semaine (-3,26 %). Le prix du CO2 subissait ce phénomène « de montagne russe ». Ce vendredi, il a pu diminuer une dernière fois de 2 $ environ, suite à une hausse successive de deux jours. Cela a pu être influencé par la nouvelle venant du Canada. Le gouvernement a pu confirmer qu’il restituera la turbine russe réparée à l’Allemagne. Cela pourrait permettre de relancer les flux de gaz via le Nord Stream 1, et donc de moins solliciter le charbon à moyen terme.
Marché du pétrole
En ce qui concerne le cours du pétrole, les prix du Brent (mois+1) continue sur sa tendance baissière depuis presque 1 mois et demi. En ce vendredi 8 juillet, nous avions pu atteindre un prix à clôturer de 107,2 $/bbl, soit une baisse de 4,61$/bbl (-4,13%) par rapport au vendredi dernier. De plus en milieu de semaine, nous n’étions pas loin de passer en dessous de la barre des 100 $/bbl, cela faisait 3 mois que cela n’était pas arrivé. Depuis 4 mois environ, le prix varie dans un corridor entre 100 et 120 $/bbl.
Comme nous l’avons dit précédemment, le prix de l’or noir est bien descendu en début de semaine, pour ensuite remonter jusqu’au vendredi. Cela a pu s’expliquer principalement par l’annonce de créations d’emplois aux États-Unis nettement plus élevées par rapport aux attentes, qui ont pu rassurer le marché sur la santé de la demande.
Un autre évènement a aussi pu être une des causes de l’augmentation du pétrole en cours de semaine. Nous avions le Caspian Pipeline et son Consortium (CPC) qui est un oléoduc ainsi qu’un groupement d’entreprises permettant de transporter le pétrole Kazakh jusqu’en Russie. Le juge russe a délivré une ordonnance dans le but de stopper l’ensemble de ses activités pendant 30 jours. Cet arrêt supprimerait jusqu’à 1,5 million de barils par jour. Cette nouvelle pourrait donc avoir une conséquence sur le prix du pétrole à court et moyen terme.
Marché du charbon
Du côté du charbon, les prix de long terme (Rotterdam API 2 CAL 23) suivent une tendance haussière et ont atteint les
274,155 $/t en ce vendredi 8 juillet, soit une hausse de 22,76 $/t (+9%) par rapport au vendredi dernier. Celui-ci ne cesse d’augmenter, car de plus en plus de centrales à charbon sont sollicités dans les différents pays pour compenser les faibles flux de gaz. Par exemple pour l’Allemagne, tant que ce pays se retrouve dans cette situation inquiétante, celui-ci est autorisé à rouvrir des centrales à charbon. Le prix de cette énergie fossile devrait donc continuer à augmenter pour les prochains mois à venir.
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