Nos analystes décryptent toute l’évolution du marché de l’énergie (gaz, électricité, pétrole, charbon et émissions) pour la semaine du 11 juillet 2022. Découvrez dans cet article leurs perspectives pour les semaines à venir.
Marché de l’électricité
L’hémorragie a pris fin, ou presque
Concernant cette semaine, les prix se sont plus ou moins stabilisés. Ils restent toujours autant élevés, mais nous stoppons une hausse fulgurante et consécutive qui a pu durer près d’un mois. Cette semaine a pu permettre à quelques fournisseurs de se raviser et reprendre l’activité sous certaines conditions. Malgré cette bonne nouvelle, il y a cependant un « mais ». Les prix du contrat CAL 23 ont quand même augmenté de + 3,07 €/MWh par rapport au vendredi 8 juillet en clôturant à 463,07 €/MWh ce vendredi 15 juillet (soit une hausse de 0,67 % en une semaine).
La canicule, facteur supplémentaire de la baisse de la production nucléaire
Les prix de l’électricité ont pu bien baisser dès lundi, pour ensuite prendre presque 20€/MWh en 2 jours et diminuer de nouveau dès vendredi. La hausse a pu s’expliquer particulièrement par la baisse de production d’électricité des réacteurs nucléaires. Cette fois-ci, la cause de ce phénomène n’est pas liée aux problèmes de corrosion liée sur les réacteurs.
En effet, EDF a fait une annonce mercredi. Le groupe pourrait diminuer la production de ses centrales nucléaires de Golfech (2,620 MW), Blayais (3,640 MW) et Bugey (3,580 MW) par rapport aux fleuves La Garonne, le Gironde et le Rhône qui ont pu voir leur température augmenter. L’eau de ces fleuves servant à refroidir les réacteurs, cela représenterait donc un trop gros danger de l’utiliser dans ces conditions. La canicule a pu donc être responsable de ce phénomène. Un été chaud nous attend, et EDF pourrait donc être susceptible d’abaisser son niveau de production nucléaire alors que celui-ci est déjà moins élevé que les années précédentes(58% au mix électrique contre 69% en 2021).
Malgré cela, l’Etat s’est vu contraint d’accorder une dérogation à quatre centrales nucléaires afin qu’elles puissent continuer d’être sollicitées.
Les fournisseurs verts contraints de revoir leur stratégie
Tous ces conflits géopolitiques inédits créent des dérèglements au sein même des fournisseurs. Certains sont donc contraints de modifier leurs stratégies afin de pouvoir pérenniser leur activité.
C’est le cas notamment de quelques fournisseurs verts comme Enercoop et Ilek par exemple, qui ont dû acheter de l’énergie nucléaire à des fins spéculatives. Ils auraient ainsi pour but de revendre cette électricité une fois que les cours auront bien augmenté, afin de faire du profit. Ce profit servirait à financer leurs futurs projets basés sur les énergies vertes. Cette prise de décision pourrait cependant ne pas plaire à l’ensemble des consommateurs d’énergie verte puisque les offres auxquelles ils ont souscrit n’ont pas été rebaptisées « électricité en partie grise ».
L’offre impactée, la demande se doit de réagir
En attendant que des alternatives se créent pour relancer l’offre, la demande se doit de réagir dans le but d’assurer un approvisionnement sans risque dès cet hiver.
En effet, plusieurs enseignes de grande distribution se sont engagées à réduire considérablement leur consommation d’énergie. Pour ce faire, certaines mesures sont prévues d’être mises en application. Parmi elles, il est prévu de réduire l’éclairage de 50% avant l’ouverture et de 30% en période de forte demande électrique. Mais aussi d’abaisser la température jusqu’à 17°C et de modifier les horaires d’ouverture des magasins.
Les prix sur le long terme sont toujours exorbitants
Sur la courbe de long terme, nous observons que la courbe a pu connaître une hausse fulgurante tout le mois de juin et juillet. Cette semaine, la volatilité s’est calmée comme vous pouvez l’observer sur le graphique. Malgré une légère hausse concernant le CAL 23, les CAL plus lointains ont pu connaître une baisse. En effet, les contrats en baseload pour une livraison en 2024 (CAL 24), 2025 (CAL 25) et 2026 (CAL 26) en France ont pu se négocier respectivement quant à eux à 250 €/MWh (-4,81€/MWh), à 202,6 €/MWh (-2,4€/MWh) et à 168,45 €/MWh (-15,55 €/MWh) le vendredi 15 juillet.
Cette stagnation est bon signe et a permis de rassurer certains fournisseurs. Cependant, les perspectives restent encore haussières. Les fortes chaleurs ne sont pas près de s’arrêter, ce qui pourrait être problématique pour le bon fonctionnement des réacteurs nucléaires. À cela s’ajoute la demande susceptible d’augmenter avec l’utilisation des climatisations par exemple. Nous risquons de passer la barre des 500€/MWh cet été, mais la hausse devrait se faire plus progressivement et moins brutalement par rapport à ce que nous avions vu en juin et juillet.
Yanice MEGUENNI, Analyste Pricing
Marché du gaz
Le gaz connait un léger retournement de situation
La courbe de long terme sur le marché du gaz naturel a plus ou moins suivi la même trajectoire que le prix de l’électricité, mais dans des proportions plus élevées. Malgré ses variations en sens contraire durant cette semaine, les contrats pour une livraison en 2023 (PEG CAL 23) ont pu atteindre les 115,32 €/MWh le vendredi 15 juillet, soit une baisse de 16,49 €/MWh (-14,30 %) en une semaine.
L’éthique ou la santé énergétique : quelle décision prendre ?
Actuellement, les dirigeants canadiens se retrouvent un peu dans l’embarras. Ils étaient censés renvoyer des turbines réparées en Allemagne, pour que la Russie puisse les utiliser et refaire fonctionner le gazoduc Nord Stream 1. Cette prise de décision n’est pas au goût de tout le monde, notamment l’Ukraine qui a su manifester son mécontentement. Pour ce pays, nous arrivons à une période où il ne faut pas céder aux demandes du géant russe Gazprom et au contraire faire preuve de fermeté dans la mise en place des sanctions contre la Russie.
La Russie utilise donc cette raison pour se permettre de ne plus fournir de gaz à l’Allemagne. Ce chantage a un poids assez important dans le sens où, en cette période, l’ensemble des pays européens doivent reconstituer au maximum leur stock de gaz pour espérer passer l’hiver dans de bonnes conditions.
L’approvisionnement en gaz devrait prendre fin le 21 juillet, mais des doutes s’installent sur le fait que la Russie pourrait prolonger cette maintenance afin d’ajouter des pressions supplémentaires sur les économies mondiales.
L’UE : ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier
Sur le court terme, nous sommes conscients que l’ensemble des pays européens ne peut se permettre de stopper brutalement son approvisionnement en gaz russe. Cela doit se faire progressivement, et permettre d’optimiser au maximum les stockages en gaz, pour passer l’hiver dans les meilleures conditions.
En parallèle, l’UE prépare son avenir énergétique et essaye de diversifier ses approvisionnements au maximum. Les partenaires sont divers et variés comme les Etats-Unis, le Qatar, la Norvège ou encore l’Algérie.
Nous avons aussi l’Azerbaïdjan avec qui l’UE importe à ce moment même près de 8,1 milliards de mètres cubes de gaz naturel par le biais du corridor gazier sud-européen. Un accord établi lundi pourrait étendre cette capacité à 20 milliards de mètres cubes par an d’ici quelques années.
De nouvelles ressources apparaissent également aux quatre coins du monde, ce qui représente une bonne nouvelle pour l’apaisement des tensions au sein du marché du gaz. À noter par exemple l’IEC, une société d’exploration et de production de pétrole et de gaz, qui a déclaré récemment avoir découvert des preuves d’un potentiel réservoir de gaz naturel au sein des puits Kruh 28. Ce puits pourrait détenir un potentiel équivalent à un milliard de barils, ce qui n’est pas négligeable.
Des prix baissiers sur le court terme, mais pas forcément sur le long terme
Les prix du gaz ont pu suivre la même tendance que les prix de l’électricité, mais dans des proportions différentes. Contrairement à l’électricité, le prix du gaz était beaucoup plus baissier sur le court terme par rapport au long terme. Les contrats PEG pour 2024 (CAL 24) et pour 2025 (CAL 25) se négociaient respectivement à 77,73 €/MWh (-6,18%) et à 51,80€/MWh (+2,28 %) le vendredi 15 juillet. Cela s’explique car la Russie serait susceptible de recevoir les turbines réparées et donc faire de nouveau fonctionner le gazoduc Nord Stream 1, même si pour l’instant rien n’est fait. Cette nouvelle, associée à la stabilisation des flux russes et norvégiens, a pu permettre de refaire descendre le prix du gaz sur le court terme. Sur le plus long terme, la situation est différente. Des solutions commencent à être trouvées pour sortir l’UE de son indépendance énergétique avec la Russie, mais cela n’est pas forcément suffisant pour palier éventuellement un arrêt total des flux de pétrole et de gaz avec ce partenaire.
Comme vous pouvez l’observer sur le graphique, cela faisait environ deux mois que le CAL 23 n’avait pas subi une baisse aussi importante.
Cependant, je pense qu’il ne faudrait pas s’enflammer. Le gazoduc Nord Stream 1 n’est toujours pas reparti, et si ce problème n’est pas résolu, cela pourrait faire repartir à la hausse les prix du gaz pour les semaines à venir. Cependant, dans des proportions quand même bien moindres par rapport aux dernières semaines que nous avions pu connaître.
Sur le plus long terme, les nouvelles sont rassurantes. Des partenariats commencent à se créer, des projets commencent à voir le jour comme par exemple le projet de terminal d’importation de GNL en Allemagne. À cela s’ajoute de nouvelles réserves de GNL susceptibles d’être trouvées en Afrique ou en Indonésie. Ce conflit géopolitique a donné un coup boost à l’ensemble des dirigeants aux quatre coins du monde. Cela a permis de se rendre compte qu’il ne faut pas se reposer sur ses acquis, et donc dépendre le moins possible de l’extérieur.
Yanice MEGUENNI, Analyste Pricing
Marché du pétrole
En ce qui concerne le cours du pétrole, le prix du Brent (mois+1) continue sur sa tendance baissière depuis presque 2 mois. En ce vendredi 15 juillet, nous avons pu atteindre un prix de clôture de 101,16 $/bbl, soit une baisse de 5,86 $/bbl (- 5,79%) par rapport au vendredi dernier. Durant cette semaine, nous sommes toutefois passés plusieurs fois en dessous de la barre des 100$/bbl. Plusieurs facteurs liés à la santé économique mondiale ont pu expliquer cette baisse :
- L’euro a perdu énormément de sa valeur. En effet, celui-ci est presque égal au dollar actuellement.
- Les USA subissent une inflation de 9,1%. Il s’agirait de la plus forte hausse des prix depuis 1981. Cela devrait inciter la banque centrale américaine à augmenter ses taux directeurs.
- Un variant de la Covid, plus transmissible, a été détecté pour la première fois en Chine. Étant donné que ce pays applique une stricte politique « zéro-covid », plusieurs mesures sont mises en places dans le but de freiner les interactions au sein de la population, et cela engendre donc un ralentissement de la demande de pétrole.
- Le Caspian Pipeline Consortium (oléoduc permettant de transporter le pétrole kazakh jusqu’en Russie) a été menacé dernièrement de stopper son activité. Après avoir fait appel, le juge russe a annulé l’ordre d’interrompre les opérations pendant 30 jours. Cette nouvelle a pu détendre les prix sur le marché du pétrole.
En fin de semaine, le prix a légèrement augmenté. Cela a pu être influencé par le voyage effectué par le président Biden en Arabie Saoudite, qui n’a pas pu obtenir l’engagement des dirigeants de relancer la production pétrolière.
Marché du charbon
Du côté du charbon, la tendance est inversée. Les prix de long terme (Rotterdam API 2 CAL 23) ont subi une diminution et ont pu atteindre les 268,55$/t en ce vendredi 15 juillet, soit une baisse de 5,61$/t (-2,09%) par rapport au vendredi dernier. Dans une première partie de la semaine, le prix a pu augmenter de presque 20$/t, toujours alimenté par l’utilisation des centrales à charbon en Allemagne par exemple, ou dans d’autres pays pour compenser la pénurie de gaz. Ensuite, ce prix a pu baisser en fin de semaine de plus de 10$. Cela a pu être alimenté par la nouvelle suivante : Air Liquide (producteur de gaz chinois) va investir 200 millions d’euros dans la production d’hydrogène en Chine. L’utilisation de cette énergie se fera donc au détriment du charbon.
Marché des émissions
Enfin, contrairement aux autres énergies qui ont des sens de variation assez rectilignes, le C02 n’a jamais le même sens de variation d’une semaine à l’autre. Cependant, son prix est stable, cela fait 3 semaines environ qu’il varie entre 82€/t et 85€/t. Ce vendredi 15 juillet, le contrat de référence DEC.22 se négociait à 85,38 €/t, soit une variation de 2,59 €/t en une semaine (+3,19 %).
La stabilité du prix s’explique par le fait qu’aucun évènement au sujet de la réglementation des quotas de CO2 n’est sorti dernièrement. Les prix ont pu augmenter en début de semaine, toujours du fait d’une sollicitation plus accrue des centrales à charbon et du manque de disponibilité nucléaire.
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