Nos experts analysent pour vous l’évolution des prix du marché de l’énergie (gaz, électricité, pétrole, charbon et émissions) pour la semaine du 29 août 2022. Découvrez dans cet article leurs perspectives pour les semaines à venir.
Marché de l’électricité
Les montagnes russes des prix de l’électricité
Cette semaine, la courbe de long terme sur les marchés de gros de l’électricité en France et en Europe s’est fortement retournée à la baisse après plusieurs semaines de hausse. En effet, le prix des contrat CAL 23 baseload français ont diminué de -540 €/MWh en clôturant à 590 €/MWh ce vendredi 2 septembre, soit une baisse significative de -47,79 % en une semaine. Le graphique ci-dessous illustre l’explosion des prix de l’électricité depuis début 2022 avec une augmentation de +462,72 €/MWh (soit +363,54 %).
Une baisse soutenue par les prix du gaz
Malgré l’annonce de Gazprom d’une coupure des livraisons de gaz via le gazoduc Nord Stream 1, ainsi que des inquiétudes amenées par cette annonce, les prix du gaz ont fortement baissé cette semaine. Avec le manque de disponibilité nucléaire en France, le recours aux centrales à gaz est monnaie courante depuis plusieurs mois. L’extrême flambée des prix de l’électricité des dernières semaines s’explique en grande partie par la hausse des prix du gaz. Cette indexation entre gaz et électricité explique également la baisse des prix de l’électricité de cette semaine. Les inquiétudes d’un arrêt prolongé de cette maintenance, devant durer 3 jours initialement, se sont finalement avérées effectives. Gazprom a indiqué devoir prolonger l’arrêt des livraisons sous prétexte de la nécessité de réparer une turbine sans avoir donné de date de redémarrage. Cette prolongation de l’arrêt des flux de gaz russe via Nord Stream 1 devrait être un facteur haussier des tensions et des prix sur les marchés du gaz et de l’électricité.
Un Conseil de Défense dédié à l’énergie
Emmanuel Macron a présidé un Conseil de Défense urgent sur l’approvisionnement en gaz et en électricité. Le premier point important qui ressort de ce conseil est l’annonce du redémarrage pour cet hiver des 32 réacteurs nucléaires à l’arrêt aujourd’hui. C’est une bonne nouvelle du point de vue de l’indépendance énergétique de la France. Cet engagement d’EDF permettrait de soulager le recours aux centrales à gaz et devrait donc être un facteur baissier des prix du gaz et de l’électricité. Parallèlement, le gouvernement mise sur la sobriété énergétique afin de réduire la demande et ainsi éviter des situations de recours aux coupures d’approvisionnement. Enfin, la solidarité européenne a été mise en avant avec la volonté de renforcer les relations de la France avec l’Allemagne et l’Espagne.
La baisse du prix du gaz apparaît comme une lumière dans l’obscurité des marchés de ces dernières semaines. Cette semaine confirme la forte volatilité du marché mais apporte un bol d’air frais quant au niveau des prix de l’électricité. Les annonces à l’issue du Conseil de Défense sont rassurantes, notamment du point de vue du redémarrage des centrales nucléaires en France. Il est difficile de prévoir l’évolution des prix, cependant la prolongation de l’arrêt des livraisons de gaz via Nord Stream 1 devrait être un facteur haussier des prix de l’électricité à court terme.
Tristan BAUDU, Analyste Pricing
Marché du gaz
Le début d’un retour à la normale ou une baisse exceptionnelle ?
Cette semaine, le marché du gaz s’est complétement retourné suite à des hausses successives observées pendant près de 2 mois ! En effet, après avoir subi une hausse de 182,03 €/MWh depuis le 15 juillet, le prix du gaz naturel corrige à la baisse cette semaine. Les contrats pour une livraison en 2023 (France PEG CAL 2023) ont clôturé à 172,35 €/MWh ce vendredi 2 septembre, soit une baisse inédite de -124 €/MWh en une semaine. La principale raison semble être l’atteinte proche des objectifs de remplissage des stocks de gaz par un grand nombre des pays de l’UE. La course ralentit pour préparer l’hiver, ce qui permet de détendre les prix de marché. L’avenir nous dira si cette belle lancée se poursuit…
Une réunion d’urgence des ministres européens de l’Energie
L’ensemble des pays de l’UE a déjà tenté de mettre en place plusieurs actions pour apaiser le marché gazier : diversifier les approvisionnements (grâce au GNL), approfondir la prospection, ou encore promouvoir la sobriété énergétique, etc.. Malheureusement, ces actions semblent peu fructueuses, malgré l’impact qu’elles pourraient avoir sur le long terme.
Sachant que nous ne voyons toujours pas le bout du tunnel concernant le conflit russo-ukrainien, les ministres de l’Energie de l’UE ont décidé de se réunir le 9 septembre à Prague. Ce meeting a pour but de trouver des solutions permettant de stabiliser les prix du gaz naturel. Plusieurs propositions seront susceptibles d’être abordées. Une des principales thématiques devrait être la réforme/révision du mécanisme de fixation du prix du gaz. Actuellement, l’UE n’a pas la main sur certaines variables qui influent fortement les prix du gaz. La finalité de cette réunion serait donc de fixer un plafonnement des prix du gaz, ce qui ne serait pas au goût de tout le monde.
La Russie continue d’appuyer là où cela fait mal
La réouverture du gazoduc Nord Stream 1 était prévu pour le 2 septembre. Cependant, Gazprom annonce une nouvelle fermeture jusqu’à nouvel ordre. Le géant gazier russe maintient donc son « chantage économique » qui ne fera que s’accentuer tant que les sanctions prononcées à l’égard de la Russie subsisteront.
A court terme, les perspectives sont plutôt bonnes, et dépendront donc principalement des décisions qui seront prises lors de la réunion du 9 septembre. Les pays européens ne semblent pas s’inquiéter des mesures prises par la Russie, et souhaitent donc accélérer leur indépendance énergétique. Toutefois, les flux en provenance de Russie pourraient rester à des niveaux historiquement bas, proches de zéro, tant que la guerre en Ukraine ne trouve pas d’issue diplomatique rapide.
Yanice MEGUENNI, Analyste Pricing
Marché du pétrole
Un recul notable des prix avant la réunion de l’OPEP+ ce lundi 5 septembre
Cette semaine, l’or noir connaît un recul notable sur les marchés à terme du brut. En cause principalement les perspectives pessimistes concernant l’activité économique mondiale pour le quatrième trimestre 2022, et au-delà. Le vendredi 2 août, le prix du baril de Brent pour une livraison en octobre atteignait 93,02 $/bbl, soit -7,97 $/bbl de moins que le vendredi précédent.
Le ministre de l’énergie saoudien annonçait ces dernières semaines envisager de réduire la production journalière de l’OPEP+, dans le but de stabiliser les cours. L’Organisation se réunit d’ailleurs ce lundi 5 septembre pour discuter de la marche à suivre et fixer la stratégie à adopter pour la fin de l’année. A l’heure actuelle, la production mondiale reste relativement stable, tous les acteurs s’en tenant plus ou moins aux décisions prises précédemment. Cette réunion devrait donc s’orienter vers une stratégie de stabilisation des cours du brut par une production contrôlée. Les prix actuels représentent une manne financière considérable pour les principaux pays exportateurs. Selon certains analystes, l’OPEP+ pourrait ne pas rouvrir ses vannes, voire pourrait apporter une réduction symbolique de leur production. On parle ici d’une réduction de l’ordre de 100 000 barils par jour, ce qui reste en somme peu impactant, quasiment au même niveau de production prévu pour le mois d’août dernier.
Ailleurs dans le monde, les négociations entre l’Iran et les Etats-Unis semblent bien avancer. En effet, les sanctions sur le nucléaire iranien pourraient être assouplies ces prochaines semaines. L’Iran pourrait alors, en théorie, être en capacité d’injecter près d’1 million de barils par jour à l’offre, soit 1% de la demande mondiale. Le prix du brut reste donc tiraillé entre prévisions pessimistes côté demande, et une offre maitrisée afin de maintenir la rente confortable des principaux pays exportateurs. Enfin, la Russie a déclaré cesser fournir du pétrole aux pays qui soutiendraient l’idée de plafonner le prix des fournitures énergétiques russes. La guerre en Ukraine bat son plein, et les stratégies d’affaiblissement se multiplient de chaque côté. Quoiqu’il en soit, la volatilité devrait rester élevée cette semaine, tout comme le niveau des prix.
Marchés du charbon et des émissions
Une forte volatilité et une tendance haussière pour ces prochaines semaines ?
Du côté du charbon, en Europe, les prix sont restés volatils cette semaine. Le vendredi 2 septembre, le produit calendaire Rotterdam API 2 Cal 2023 clôturait à 320,66 $/t, soit une variation de + 5$/t en une semaine.
La demande reste et restera vraisemblablement élevée du fait d’un prix du gaz naturel très élevé, et des risques d’approvisionnement accrus par la stratégie de rétention russe. Les flux gaziers en provenance de Russie sont à des niveaux historiquement bas. L’Allemagne, très dépendante des livraisons russes, a déjà décidé de rouvrir 27 centrales à charbon, et de ce fait en retarder sa sortie définitive. Toutefois, ces centrales peinent à fonctionner à plein régime. Le manque de main d’œuvre est criant, et une pénurie des moyens de transport disponibles (essentiellement fluviale) du fait de la canicule n’aide pas. Le charbon devrait garder sa place importante en Europe. La demande ne semble pas pouvoir faiblir, et si l’offre peine à suivre (manque de main d’œuvre, problèmes de transports, manque d’approvisionnement etc…) les prix mondiaux pourraient repartir à la hausse d’ici la fin de l’année. L’hiver risque d’être rude, et les pays de l’Union mettent tout en œuvre pour éviter la panne sèche.
Les quotas d’émissions à la baisse dans le sillage des prix du gaz
Pour terminer, le marché européen des émissions poursuit largement sa tendance baissière. Le prix des quotas d’émissions (contrat de référence DEC.22) atteignait 77,89 €/t le vendredi 2 septembre, soit 12,42 €/t de moins que le vendredi précédent. Cette tendance se constate dans la lignée des baisses constatées sur le marché du gaz naturel, et la relative stabilité des prix du charbon en Europe. Toutefois, sur un horizon plus lointain, les acteurs du marché s’attendent clairement à un prix de la tonne de CO2 situé autour des 100 €/t plutôt que le niveau actuel. En effet, les réformes à venir (Fit for 55), devraient voir le nombre de quotas disponibles à la baisse, entre autres. Par ailleurs, l’objectif de réduction des émissions d’ici 2030, et plus largement 2050 en Europe, est toujours d’actualité, malgré la crise énergétique actuelle.
Selon Loïc ARILAZA, Analyste Pricing Team Leader, cette crise met en lumière la nécessité d’opérer une transition énergétique verte et rapide. Le marché des émissions continuera à jouer un rôle crucial vers cette transition, malgré les désirs de réformes du système énergétique européen dans son ensemble. A long terme, le prix des quotas d’émission devrait se maintenir à des niveaux élevés, bien loin de ceux constatés avant la crise sanitaire, et plus en accord avec les objectifs de l’Union européenne dans le cadre du Green Deal.
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