Nos experts analysent pour vous l’évolution des prix du marché de l’énergie (gaz, électricité, pétrole, charbon et émissions) pour la semaine du 12 septembre 2022. Découvrez dans cet article leurs perspectives pour les semaines à venir.
Marché de l’électricité
Une reprise à la hausse après deux semaines baissières
Cette semaine, la courbe de long terme sur les marchés de gros de l’électricité en France s’est retournée à la hausse. En effet, les prix du contrat CAL 23 Baseload ont augmenté de +28,69 €/MWh en clôturant à 581,02 €/MWh ce vendredi 16 septembre, +5,19 % en une semaine. Le graphique ci-dessous illustre l’explosion des prix de l’électricité depuis début 2022 avec une augmentation de +453,74 €/MWh (soit +356,49%).
Des précisions concernant les mesures d’urgence européennes
Le 9 septembre, la Commission européenne s’est rassemblée exceptionnellement pour trouver des mesures d’urgence contre la flambée des prix de l’énergie. Nécessitant de nombreuses discussions entre les pays ainsi qu’un temps d’analyse, aucune décision n’a été prise pour le moment. L’institution doit se retrouver le 30 septembre pour prendre des mesures effectives. Les trois grands axes relèvent de la taxation des « superprofits », de l’incitation à la sobriété énergétique et du plafonnement des prix de gros de l’énergie. Alors que les deux premiers points semblent être adoptés par la majorité des pays, celui relevant du plafonnement des prix est encore en discussion. En effet, la vision est partagée entre une intervention sur les marchés de gros du gaz et ceux de l’électricité
Un apaisement des tensions sur le réseau : entre reprise du nucléaire et sobriété énergétique
Les efforts de sobriété énergétique pullulent dans tous les secteurs économiques. Les entreprises suivent une politique « volontariste » en mettant en place des plans de réduction de la consommation énergétique, chassant le moindre geste pouvant éloigner leur exposition à la flambée des prix. Ces initiatives impactent la demande à la baisse et diminuent la tension sur le réseau électrique. En parallèle de cette « destruction » de la demande, EDF a dévoilé son programme de relance de la production nucléaire, synonyme de sécurité énergétique et de baisse des prix. Cette prévision baissière est sous réserve du redémarrage effectif et d’un hiver relativement doux. Enfin, les risques liés à de potentielles coupures de courant faiblissent face aux actions portées sur la demande et sur l’offre.
Toujours régi par une forte volatilité, le marché de l’électricité semble retrouver une certaine stabilité en s’éloignant progressivement des niveaux extrêmes atteints fin août. Bien que le marché se corrige à la hausse cette semaine, le sentiment baissier semble avoir repris le dessus en raison d’une destruction de la demande et d’une sécurité de l’approvisionnement énergétique. En effet, la tension sur l’offre s’oriente à la baisse avec le rythme important d’imports de GNL, l’atteinte des objectifs de stockage de gaz ainsi que le redémarrage imminent des réacteurs nucléaires en France. Au-delà des incertitudes météorologiques, déterminantes dans l’évolution des prix, l’attention porte désormais sur les mesures d’urgence. Elles seront votées prochainement à la Commission européenne. Verra-t-on un plafonnement des prix du gaz, ou des prix de l’électricité, voire les deux ? Nul doute que le marché sera secoué, affaire à suivre.
Tristan BAUDU, Analyste Pricing
Marché du gaz
La poursuite du gaz sur sa belle lancée
Cette semaine, malgré des variations assez importantes, le prix du gaz continue sur sa belle lancée depuis près d’un mois, en subissant une nouvelle baisse. Globalement, les contrats pour une livraison en 2023 (France PEG CAL 2023), ont clôturé à 168,45 €/MWh vendredi 16 septembre, soit une baisse de -11,51 €/MWh en une semaine.
La réunion du 30 septembre, un tournant majeur
Depuis plusieurs semaines, le prix varie d’un jour à l’autre, mais la tendance générale est plutôt baissière. En presque un mois, les prix ont pu subir une perte notable de 128,90 €/MWh. Pourtant, le gazoduc Nord Stream 1 est toujours à l’arrêt et les flux de gaz n’ont pas augmenté depuis le mois dernier. Ainsi, d’autres éléments ont pu engendrer cette baisse. Dans un premier temps, plusieurs pays ont atteint leurs objectifs de capacité de stockage (au-dessus de 90%), ce qui permet d’atténuer la précipitation sur les marchés.
Dans un deuxième temps, les acteurs économiques sont rassurés de voir que les autorités essayent de trouver des solutions à court terme pour stabiliser le prix du gaz naturel. Une des mesures phares proposées à la Commission : le plafonnement des prix du gaz. Une décision qui n’est pas au goût de toutes les nations. La Russie et la Norvège, très gros producteurs, ne sortiraient pas gagnants de la mise en place d’un tel mécanisme. L’Europe pourrait donc se tourner vers d’autres outils pour protéger les acteurs susceptibles de subir les foudres du marché énergétique.
La naissance d’une solidarité européenne
Dans ce contexte assez inédit, la France qui dispose de capacités de stockages assez importantes (de l’ordre de 96,6 % à ce jour), décide de soutenir l’Allemagne en lui acheminant du gaz dès le 10 octobre. Une décision très importante car l’Allemagne dépend fortement de la Russie et aurait pu se trouver en difficulté dès cet hiver.
Pour les mois à venir, les prix devraient continuer à baisser du fait de prévisions météorologiques assez rassurantes. À cela s’ajoute l’offre de GNL, toujours aussi importante, ce qui permet de soutenir l’offre.
Sur le long terme, les perspectives sont aussi bonnes. De nouveaux champs gaziers sont découverts, notamment au large de la Côte d’Ivoire. « Le projet Baleine » pourrait contenir entre 1,8 et 2,4 billions de pieds cubes de gaz, ce qui permettrait de diversifier l’offre mondiale. Il reste à développer de nouveaux terminaux pour recevoir plus encore de GNL.
Yanice MEGUENNI, Analyste Pricing
Marché du pétrole
Un prix mondial du brut relativement stable, pour combien de temps ?
Cette semaine, l’or noir fluctue sur les différentes places mondiales. En Europe, le prix du baril Brent pour une livraison en octobre clôture à 91,35 $/bbl vendredi 16 septembre (-1,49 $/bbl sur la semaine). Après un début de semaine haussier, les cours sont repartis à la baisse jeudi, avant de retomber en fin de semaine. La production mondiale reste stable, dans la lignée des semaines précédentes.
En parallèle, le Venezuela pourrait revenir sur la scène internationale. Le manque d’investissements, les infrastructures mal entretenues et l’embargo américain après la réélection du Président Maduro mettaient à mal l’industrie pétrolière du pays. Les sanctions imposées pourraient s’adoucir, comme l’annonçait la présidence américaine la semaine dernière. Selon Maduro, le Venezuela est prêt à approvisionner le marché mondial, en pétrole et en gaz (GNL). Le Président vénézuélien invite les entreprises à extraire et produire les précieux hydrocarbures de son pays.
Du côté de l’OPEP+, on prévoit une hausse significative de la demande mondiale pour la fin de l’année 2022 et pour l’année 2023. L’Organisation précise d’ailleurs prendre en compte les prévisions de récession mondiale dans leurs modèles. La crise énergétique européenne initiée par le conflit russo-ukrainien ou encore les risques sanitaires toujours présents notamment en Asie ont ralenti l’activité économique mondiale et rendu les prévisions futures pessimistes. L’OPEP+ estime que les performances économiques sont encore solides pour les principaux pays consommateurs. Pour l’année 2022, leurs projections parlent d’environ 3,1 millions de barils/jour. Elles prennent en compte une croissance supplémentaire de la demande en raison d’une tendance récente à utiliser plus de combustible pour produire de l’énergie (notamment de l’électricité). Enfin, les différents soutiens gouvernementaux face à la crise énergétique mondiale devraient limiter l’affaiblissement de la croissance mondiale à venir.
Ailleurs dans le monde, l’offre de pétrole brut des principaux producteurs non membres de l’OPEP+ (USA, Canada, Brésil, ou encore Norvège) devrait progresser à la hausse. La production serait estimée à 2,1 millions de barils/jour en 2022 et à 1,73 million de barils/j pour 2023. Ces prévisions devraient donc pouvoir largement suivre une potentielle hausse de la demande, toujours avec un prix élevé. Intéressant pour les pays producteurs, moins pour les consommateurs… En Iran, les accords sur le programme nucléaire patinent. Une fois la solution trouvée, l’offre pourrait se voir complétée par le brut iranien. Globalement, la crise énergétique gazière exerce de fortes pressions sur le pétrole, qui devient un réel substitut. Le prix du baril devrait donc réussir à se maintenir durablement à un niveau proche de 100 $/bbl. Affaire à suivre
Marchés du charbon et des émissions
Une stabilité relative à court terme mais vers une probable hausse de la demande à l’approche de l’hiver
Les prix de long terme trouvent une certaine stabilité cette semaine. Le produit calendaire pour une livraison en 2023 (API 2 Rotterdam Cal 2023) clôturait la semaine à 292,63 $/t, soit -2,72 % en une semaine. Le charbon reste une source primaire cruciale pour la production d’électricité, à l’heure où le prix et l’approvisionnement gazier reste globalement incertain à long terme.
Du côté du charbon en France la centrale de Saint-Avold redémarrera début octobre. Cette centrale historique devrait produire jusqu’à 600 MWh entre octobre et fin mars, soit la consommation de près d’un tiers des foyers de la région Grand Est. La France est loin d’être la seule à se tourner vers le charbon pour passer l’hiver. Toute l’Europe fermera temporairement les yeux sur les émissions de GES, pour faire face à la crise.
Les quotas d’émissions reprennent des couleurs
Le marché européen des quotas repart légèrement à la hausse. Vendredi 16 septembre, le contrat de référence (EUA DEC.22) clôture à 73,27 €/t, soit +7,19 €/t en une semaine. Après la chute vertigineuse constatée ces dernières semaines, l’annonce des mesures pour soutenir les consommateurs permet d’envisager une récession moindre. Par ailleurs, l’usage massif des hydrocarbures pour la production d’électricité (charbon, gaz, pétrole) soutient le marché secondaire du CO2.
Selon Loïc ARILAZA, Analyste Pricing Team Leader, le CO2 peine à trouver une réelle stabilité. L’avenir énergétique à court comme à long terme n’est pas encore fixé. Le système dans son ensemble pourrait être revu. Néanmoins, les ambitions en matière d’économie d’énergie et de décarbonisation de l’Union européenne restent élevées
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