Marché de l’énergie : analyse de l’évolution des prix sur la semaine du 17 octobre 2022

prix énergie

Nos analystes décryptent l’évolution des prix de l’énergie (gaz, électricité, pétrole, charbon et émissions) pour la semaine du 17 octobre 2022. Découvrez dans cet article leurs perspectives pour les semaines à venir.

Marché de l’électricité

Les prix de gros se stabilisent

Cette semaine, la courbe de long terme sur les marchés de gros de l’électricité en France est repartie à la baisse. En effet, les prix du contrat CAL23 Baseload ont diminué de -15,88 €/MWh en une semaine en clôturant à 524,57 €/MWh ce vendredi 21 octobre, soit une baisse significative de -2,88%. Les retournements des tendances hebdomadaires s’enchainent depuis près de deux mois, illustrant les hésitations qui planent sur les perspectives de long terme. Comme indiqué lors des semaines précédentes, le marché semble s’être stabilisé depuis début septembre avec des prix de gros oscillant entre 500 €/MWh et 600 €/MWh.

Une solidarité européenne qui se construit lentement

Après avoir adopté fin septembre un objectif de réduction de la consommation d’électricité en période de pointe ainsi qu’un plafonnement à 180 €/MWh des revenus des producteurs d’électricité à bas coûts, les dirigeants des 27 se sont retrouvés ce jeudi 20 octobre afin d’aboutir sur des mesures communes supplémentaires. Parmi ces mesures de lutte contre la flambée des prix, le plafonnement des prix du gaz est toujours en cours de discussion. Plusieurs pays dont la France demandent l’extension au niveau européen du mécanisme « ibérique » de plafonnement des prix du gaz utilisé dans la production d’électricité. En opposition, l’Allemagne notamment, ainsi que plusieurs pays nordiques, qui appréhendent un possible « effet rebond » sur la consommation qui nuirait aux objectifs de sobriété énergétique.

La relation du couple franco-allemand semble se tendre en raison de divergences de fond. Les deux moteurs économiques principaux de l’Europe ne parviennent pas à s’entendre sur une position commune. L’Allemagne est accusée par plusieurs pays membres de faire « cavalier seul » après avoir présenté son plan de soutien national de 200 milliards d’euros. Emmanuel Macron, prônant le développement d’une unité européenne, a averti Olaf Scholz de ne pas rester « isolé ».

Du côté du nucléaire

Alors qu’EDF tente de tenir son calendrier de redémarrage des réacteurs nucléaires à l’arrêt, ce dernier a pris un peu de retard en raison du mouvement social depuis quelques jours. La grève maintenait une certaine pression sur les prix de l’électricité en impactant les capacités de production nucléaire à la baisse. En effet, plusieurs sites de production nucléaire ont été touché la semaine précédente, cependant cette dernière semble être terminée puisqu’un accord salarial a été trouvé ce vendredi 21 octobre entre EDF et les principaux syndicats. La fin de la grève devrait apaiser certaines tensions sur le marché en retrouvant un niveau de production d’électricité « normal » . En Allemagne, a de son côté adopté une législation permettant de prolonger le fonctionnement de 3 réacteurs nucléaires jusqu’au 15 avril 2023. Cette annonce apparaît comme un facteur baissier du prix de l’électricité à court et moyen terme en contribuant à renforcer la sécurité de l’approvisionnement énergétique.

 

La tendance baissière initiée depuis début septembre sur le marché de gros de l’électricité suit en grande partie celle sur le marché du gaz. En effet, grâce à d’importantes importations de GNL et à des conditions météorologiques favorables, les craintes d’une perturbation généralisée de l’approvisionnement se sont apaisées pour cet hiver. L’éventuelle adoption au niveau européen du mécanisme « ibérique » de plafonnement du prix du gaz permettrait de baisser le prix de l’électricité sur les marchés de gros pour cet hiver. Il n’y a pas de risque de « black-out » selon RTE, cependant le réseau pourrait se retrouver très tendu avec une combinaison de plusieurs facteurs (chute des températures, baisse des importations de GNL, faible production renouvelable, etc.). La stabilité du réseau reste incertaine et dépend essentiellement du redémarrage du nucléaire.

Tristan BAUDU, Analyste Pricing

graphique prix électricité

 

Marché du gaz

Des prix du gaz naturel sur la pente descendante

En dépit d’une hausse inattendue ce jeudi 20 octobre, le prix du gaz continue sur sa belle progression une nouvelle fois cette semaine. Les contrats pour une livraison en 2023 (France PEG CAL 2023), ont donc clôturé à 136,503 €/MWh ce vendredi 21 octobre, soit une baisse de -7,904€/MWh sur la semaine.

Conclusions établies sur le Conseil de l’énergie et de l’économie.

Les mesures qui ont été proposées au préalable devraient être mises en place prochainement, selon les conclusions tirées  du conseil européens sur l’énergie. Tout d’abord, concernant l’approvisionnement en gaz, l’un des point abordé préconise de faire des achats groupés en gaz afin d’obtenir un prix plus attractif. Ce premier point vise donc à accentuer les liaisons entre les différents pays européens dans un but de créer une efficience énergétique, au regard de ce contexte énergétique très délicat.

A cela s’ajoute une réforme sur les différents mécanismes de la formation des prix du gaz. Un nouvel indice de référence, d’ici 2023, reflétant mieux les conditions du marché du gaz, devrait être mis en place. Le TTF (Title Transfer Facility), place de marché virtuelle basée aux Pays-Bas, et indice de référence européen, a tendance à devenir obsolète du fait du contexte énergétique actuel. En effet, celui-ci prend en compte principalement les flux de gaz échangés via les gazoducs. Aujourd’hui, pour compenser les pertes russes, des quantités non négligeables de GNL (gaz naturel liquéfié) transportés par le biais de terminaux méthaniers, transitent au sein des différents pays européens. Il serait donc plus judicieux de prendre en compte cette nouvelle composante, dans le but que les prix de marché se rapprochent le plus possible de la réalité économique.

D’autres mesures proposées lors de ce meeting ne font pas l’unanimité. C’est le cas notamment du possible plafonnement du prix du gaz utilisé pour la production d’électricité. La Norvège, par exemple, principal producteur de gaz européen, n’y verrait pas forcément d’un bon œil la mise en place d’un tel mécanisme. En effet, pour l’ensemble des nations européennes, la sollicitation du gaz pour produire de l’électricité représente en moyenne un quart de leur mix énergétique, ce qui n’est pas négligeable. Les revenus nordiques en seraient donc impactés si autant de volume se vendaient à un prix bien en-dessous de celui que nous connaissions. Cette mesure reste temporaire, mais la Norvège pourrait menacer l’Europe de ne plus l’approvisionner, si celle-ci venait à perdurer.

D’autres mesures complémentaires permettraient d’apaiser les tensions sur le marché du gaz, telles que l’accélération du déploiement des énergies renouvelables. Si davantage d’éolien, photovoltaïque ou autre énergie verte était utilisé pour produire de l’électricité, les centrales à gaz seraient beaucoup moins sollicitées en dernier recours. Cette conséquence aurait donc un impact sur la demande de gaz qui serait de facto moindre.

 

De semaine en semaine, les perspectives de court terme s’améliorent. Cela fait déjà plusieurs semaines que le prix du gaz se situe sur un terrain glissant. Par rapport aux mesures qui ont été proposées, cela n’est pas prêt de s’arrêter pour les semaines à venir. Nous pourrions nous attendre à voir un PEG CAL 2023 passer en dessous de la barre des 100€/MWh, ce qui n’était pas arrivé depuis le mois de juin. L’ensemble des différents pays européens ont compris que seul l’effort collectif pourrait générer des résultats aussi concluants.

A plus long terme, encore peu de visibilité. L’état du marché dépendra donc de l’efficacité des différences mesures mises en place ainsi que l’ensemble des partenariats qui auront lieu.

Yanice MEGUENNI, Analyste Pricing

graphique prix gaz

 

Marché du pétrole

Les signaux sont contradictoires et le marché cherche une nouvelle direction : entre récession et réduction de l’offre

Cette semaine, le prix de l’or noir (BRENT de la Mer du nord, pour une livraison en décembre) remonte légèrement sur fond de réduction de l’offre annoncée depuis plusieurs semaines par l’OPEP+. Le vendredi 21 octobre, le BRENT clôturait à 93,50 $/barils, soit +1,87 $/baril sur le vendredi précédent (+2,04%). Les signaux sont cependant contradictoires. Les craintes de récession dues à une inflation bondissante croisent le fer avec les stratégies de réduction de la production pour maintenir un prix élevé. Le marché ne semble pas encore avoir trouvé de direction claire. Mais la situation pourrait vite s’éclaircir. 

Du côté de l’offre, la réduction des objectifs de production des principaux pays exportateurs de pétrole semble être respectée. On parlait d’une réduction de l’ordre de 2 millions de barils/jour. Pour contrer cette stratégie, les Etats-Unis font le chemin inverse, en inondant au maximum les marchés mondiaux, en dépit de leurs niveaux de réserves stratégiques historiquement bas. Les Etats-Unis évoquaient mardi leur intention de mettre sur le marché 15 millions de barils supplémentaires, ce qui devait soulager les cours. L’information étant désormais intégrée dans les prix, l’annonce s’est avérée insuffisante pour orienter les cours à la baisse.

Les Etats-Unis devront d’ailleurs reconstituer leurs stocks, largement exploités pour maintenir un prix le plus bas possible. Pour ce faire, le géant américain devra racheter du brut lorsque le cours descendra dans une fourchette comprise entre 67 et 72 dollars, selon la Maison blanche. L’offre se resserrant un peu partout dans le monde, et si la demande reste au moins égale, les cours mondiaux pourraient rapidement repartir à la hausse et repasser au-dessus de la barre symbolique des 100 $/baril. Depuis début septembre 2021, les Etats-Unis ont extrait près de 212 millions de barils de leurs réserves stratégiques. Même si cela a permis de faire passer les prix du brut bien en-dessous des 100 $/baril, ces réserves ne sont pas inépuisables, et l’OPEP+ pourrait remporter la bataille.

En Europe, les accords sur l’action à mener pour faire face à la crise énergétique sans précédent avancent bien. La guerre russo-ukrainienne a bouleversé les équilibres et les rapports de force. L’Europe doit absolument être énergétiquement indépendante, et solidaire. Chose évidemment peu aisée, tant les intérêts des uns et des autres peuvent diverger. L’embargo sur le pétrole russe va entrer en vigueur.

En France, les revendications syndicales ayant conduit à un blocus des raffineries commencer à s’éssouffler. L’essence devrait être plus disponible à la pompe, ce qui est une bonne nouvelle pour l’ensemble des français, professionnels comme particulier.

Globalement, les craintes de récession mondiale pourraient prendre le dessus et orienter les cours. Même si les signaux restent contradictoires, le prix du baril devrait fluctuer autour des 100 $/baril à un niveau ni trop haut, ni trop bas. L’avenir nous dira ce qu’il en est.

Loïc ARILAZA, Analyste Pricing Team Leader

graphique prix pétrole

 

Marchés du charbon et des émissions

Le prix du charbon continue de s’orienter à la baisse

Pour le charbon, les prix de court terme continuent de s’orienter à la baisse. Le contrat pour une livraison en novembre (Rotterdam API2 NOV.22) clôturait à 256,40 $/t, soit 7,60 $/t de moins en une semaine. Le recours aux centrales à charbon si les températures baissent devrait pourtant avoir lieu. Néanmoins, les craintes sur l’approvisionnement mondial semblent s’apaiser, ce qui aide sans doute les prix à s’orienter à la baisse, du moins pour l’heure.

graphique prix charbon

Le prix des quotas reste stable cette nouvelle semaine : peu de mouvements au niveau réglementaire

Le marché européen d’échange de quotas d’émission reste relativement stable cette semaine. Le vendredi 21 octobre, le contrat de référence EUA Dec.22 clôturait à 68,72 €/t, soit +0,70 €/t en une semaine (+1,03 %). le marché continue d’attendre les futurs décisions européennes pour trouver une direction claire. Cette stabilité est de bonne augure pour les acteurs du marché, l’échéance des contrats de décembre approchant à grand pas.

Il semble être raisonnable d’envisager que cette nouvelle stabilité puisse perdurer d’ici la fin de l’année. L’inflation forte et la crise énergétique réduit sensiblement la production industrielle un peu partout en Europe. Affaire à suivre.

graphique co2

 

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