Marché de l’énergie : analyse de semaine du 14 novembre 2022

actualité gaz

Comme chaque semaine, nos experts analysent l’évolution de l’actualité sur le marché de l’énergie (électricité, gaz, pétrole…). Découvrez leur analyse pour la semaine du 14 novembre 2022 et leurs perspectives pour les semaines à venir.

Marché de l’électricité

Une chute des prix de l’électricité sous les 400 €/MWh

Alors que les prix du contrat CAL 23 Baseload passait timidement sous les 500 €/MWh fin octobre avant de remonter au-dessus de ce support symbolique, depuis début novembre les prix ne sont pas remontés à de tels niveaux. Pour la 5ème semaine consécutive, la courbe de long terme sur les marchés de gros de l’électricité en France a poursuivi sa tendance baissière. Les prix du contrat CAL23 Baseload ont diminué de -19,71 €/MWh en une semaine, soit une baisse significative de -4,80 %. Après avoir oscillé aux alentours de 550 €/MWh pendant deux mois, nous pouvons parler d’une réelle chute des prix puisque le marché a clôturé sous les 400 €/MWh ce vendredi 18 novembre, à 390,95 €/MWh

Un risque élevé de tensions sur le réseau d’électricité

La situation du parc nucléaire inquiète toujours à l’approche de l’hiver. Le gestionnaire du réseau de transport d’électricité, RTE, a communiqué ce vendredi 18 novembre sur l’existence d’un risque « élevé » de tensions sur le réseau pour janvier 2023. En raison des multiples retards pris sur le redémarrage des réacteurs, la capacité nucléaire est inférieure de 5 GW aux prévisions, selon RTE. Près de la moitié du parc nucléaire est encore à l’arrêt, la production d’électricité issue du nucléaire devrait atteindre un plus bas historique en 2022, entre 275 et 285 TWh. Nous avons aujourd’hui une capacité nucléaire de 31,5 GW. Selon le scénario initial d’EDF, la disponibilité nucléaire devait atteindre plus de 45 GW au 1er janvier 2023. Cela semble désormais « improbable » selon RTE qui table sur un scénario probable d’une disponibilité nucléaire de 40 GW pour début janvier (soit environ 65% de la capacité installée). 

Vers une augmentation de la demande en électricité

Alors que l’on observe une baisse de -6,6% de la demande sur ces 4 dernières semaines (par rapport à une moyenne entre 2014 et 2019), la demande en électricité devrait rapidement repartir à la hausse avec la baisse des températures, augmentant alors la tension sur le réseau ainsi que sur les prix. Finalement, l’avertissement de RTE pour début 2023 pourrait se matérialiser par un appel à réduire la consommation sous peine de coupures de courant.

Quid du nucléaire à long terme ?

Dans le cadre de son objectif de développement du nucléaire, le gouvernement français a présenté, le 2 novembre dernier, son projet de loi visant à accélérer le nucléaire. Il souhaite en outre construire six nouveaux réacteurs afin d’augmenter la sécurité de l’approvisionnement énergétique. EDF prévoit de commencer les travaux préparatoires du chantier de construction des deux premiers réacteurs nouvelle génération (EPR2) sur le site de Penly à mi-2024. La construction de ces nouveaux réacteurs est un projet de long terme puisque le calendrier prévoit une mise en service à l’horizon 2035. Bien que ces nouveaux moyens de production semblent être lointains, ils permettront de garantir une capacité plus importante et ainsi de réduire les risques de pénurie.

Malgré une capacité nucléaire inférieure aux prévisions en raison de retards sur le redémarrage des réacteurs, ces dernières semaines ont enregistré de multiples baisses de prix du fait d’une faible demande en électricité. Nul doute que les températures vont prochainement baisser significativement.

La demande en électricité devrait donc repartir à la hausse dans un horizon court terme, exerçant une pression haussière sur les prix. Les perspectives baissières se maintiennent mais demeurent fragiles : toute vague de froid prolongée, incident nucléaire inattendu ou regain de la compétitivité asiatique sur le GNL, pourraient rapidement inverser la tendance.

Selon RTE, le mois de janvier serait synonyme d’une période de risque « élevé » sur le réseau. Malgré les difficultés rencontrées quant au redémarrage du parc nucléaire, les évolutions du marché semblent proposer de nouvelles opportunités d’achat à l’approche de l’hiver.

Tristan Baudu, Analyste Pricing

Marché du gaz

100€/MWh, désormais un prix plancher ?

Cela fait maintenant plusieurs semaines que le prix du gaz naturel n’était pas reparti à la hausse. Celui-ci a même atteint 117€/MWh en début de semaine, pour ensuite redescendre. Un concours de circonstances a pu être la cause de cette augmentation soudaine. Les contrats pour une livraison en 2023 (France PEG CAL 2023) ont donc clôturé à 111,722 €/MWh ce vendredi 18 novembre, soit une hausse de 14,842€/MWh sur la semaine.

L’équilibre offre/ demande se retourne

Cette semaine, plusieurs éléments ont engendré une pression haussière sur le marché. Dans un premier temps, la demande de gaz naturel a pu être impactée par un refroidissement significatif des températures moyennes. Ce premier paramètre a vraisemblablement eu un impact sur la demande, pour le chauffage notamment. Ensuite, le prix du charbon repart à la hausse lui aussi. Le gaz naturel et le charbon étant des produits substituables, notamment pour la production d’électricité, la hausse du prix de l’un entraîne systématiquement la hausse du prix de l’autre. Si le charbon est trop coûteux, davantage de centrales à gaz seront sollicitées pour produire de l’électricité, ce qui augmentera donc drastiquement la demande de gaz, et donc le prix

Dans un second temps, l’offre de gaz a été impactée de manière négative durant cette semaine. En premier lieu, l’arrêt de la production du champ gazier et pétrolier norvégien d’Asgard a sans doute joué un rôle significatif. En effet, un incendie a provoqué une interruption de la production durant un certain laps de temps. La Norvège étant l’exportateur n°1 de gaz naturel vers l’Europe, cet incident n’a pas été sans conséquences sur la fixation des prix du gaz. À cela s’ajoute une autre problématique. L’exportateur de gaz naturel liquéfié Freeport LNG, situé au Texas, n’a toujours pas repris ses exportations en raison d’une panne qui avait débuté au mois de juin. Les réparations et les autorisations réglementaires nécessaires au redémarrage de l’usine étant toujours à l’arrêt, un flou persiste toujours quant à la reprise de l’activité. L’exportateur américain reste cependant optimiste et espère une reprise courant décembre.

Quelles solutions à court-terme pour une stabilisation du marché ?

Comme nous l’avons annoncé à de multiples reprises, le prix du gaz naturel a bien chuté ces dernières semaines, du fait d’un concours de circonstances favorables pour la période. Des températures assez douces par rapport aux normales de saison, ou encore l’objectif de remplissage des stocks de gaz atteint dans l’ensemble des pays européens. Cependant, malgré ces points positifs, le marché reste instable d’une semaine à l’autre. L’hiver commence à se faire ressentir et l’ensemble des partenaires disponibles pour la fourniture de gaz à l’Europe n’est pas suffisant.

Le biométhane : énergie d’avenir ?

Des alternatives doivent donc être trouvées pour sécuriser au mieux l’approvisionnement en gaz. En France, le biométhane commence à se développer. Celui-ci est produit à partir de la transformation de matières organiques issues de divers secteurs. En Europe, une solution proposée par plusieurs pays consiste à subventionner le prix du gaz utilisé dans la production d’électricité. Cette proposition peut néanmoins porter des effets pervers, à voir ce que cela pourrait donner dans le temps.

À court terme, le PEG CAL 2023 devrait osciller entre 100 €/MWh et 150 €/MWh. Les cours avaient bien chuté depuis plusieurs mois maintenant. Cependant, ces-derniers restent instables. Pour les semaines à venir, les températures devraient se rafraichir. Il faudra également commencer le remplissage des stocks de gaz pour l’année 2023/2024. Ces deux éléments ne favoriseront pas forcément le passage du prix du gaz en dessous de la barre des 100 €/MWh.

À plus long terme, le marché gazier pourrait rentrer dans une nouvelle ère. Les perspectives sont toujours aussi floues. Tant que le mécanisme de prix n’aura pas été réformé et que d’autres partenariats n’auront pas été signés, un « PEG 2023 à 20€/MWh » pourrait être de l’histoire ancienne…

Yanice Meguenni, Analyste Pricing

Marché du pétrole

La tendance baissière se poursuit : sous la barre des 90 $/barils

Cette semaine, le prix de l’or noir (BRENT de la Mer du Nord, pour une livraison en janvier 2023) corrige encore globalement à la baisse pour atteindre 87,62 $/baril le vendredi 18 novembre, soit 8,37 $/baril de moins en une semaine (– 8,72%). La demande reste relativement faible dans ce contexte d’inflation mondiale, et de crise sanitaire toujours très présente en Chine. Du côté de l’offre, les indicateurs bougent peu, et pourraient même laisser présager une offre supplémentaire pour les semaines à venir. Les prix mondiaux du brut s’avèrent désormais plus chers à long terme qu’à court terme (situation de contago), et les stocks en mer contribuent largement à une disponibilité de l’offre à court terme. Même si les réserves de brut américain sont à des niveaux très bas et continuent de chuter (en même temps que le niveau des importations), le ralentissement économique continue d’orienter les prix à la baisse.

Le ralentissement de l’économie chinoise oriente les prix à la baisse

En Chine, les annonces des semaines précédentes laissaient entrevoir un assouplissement des mesures sanitaires liées à l’épidémie de Covid-19. Toutefois, le nombre de contaminations augmente bien, notamment dans les bassins économiques majeurs du territoire. Cette situation complexe entraîne progressivement des fermetures d’établissements et de commerces un peu partout en Chine. Premier importateur mondial de brut, le ralentissement de l’économie chinoise joue un rôle baissier majeur sur le niveau de demande mondiale d’or noir. Ailleurs dans le monde, les prévisions de faible croissance ces derniers mois contribuent effectivement au recul des prix du baril. Le dollar, quant à lui, reste fort, et limite d’autant plus les importations pour les pays acheteurs dans une autre devise.

L’offre continue d’être importante à court terme

Du côté de l’offre, comme nous le disions plus haut, les réserves de pétrole en mer (brut stocké sur des transporteurs) sont à leur niveau le plus haut depuis mai 2020. Cette situation pourrait même amener à une hausse significative des réserves terrestres, selon certains analystes spécialistes du sujet. Ce facteur influe sur la disponibilité à court terme. Ainsi, les prix de court terme parviennent à être moins élevés que ceux de long terme. Le prix du brut est dans une situation de contago. De plus, les relations entre les Etats-Unis et l’Arabie saoudite semblent pouvoir se clarifier et s’adoucir.

Nouvelle réunion de l’Opep+ en décembre

Jeudi dernier, le gouvernement américain a fait savoir que le prince héritier Mohammed ben Salmane devrait bénéficier d’une immunité lui évitant des poursuites judiciaires aux Etats-Unis pour le meurtre du journaliste Jamal Khashoggi. Il peut être légitime de penser que cette manœuvre politique ait pour objectif de se mettre en bon terme avec les Saoudiens avant la prochaine réunion de l’OPEP+ prévue le 4 décembre prochain. À voir si cela permettra réellement d’avoir un impact sur les décisions du cartel en revoyant à la hausse leurs objectifs de production pour la fin de l’année 2022 et le début de l’année 2023. Quoi qu’il en soit, l’offre de brut pourrait continuer d’être importante, alors même que la demande faiblit.

Les tensions géopolitiques s’apaisent et diminuent les risques

Même si la guerre entre l’Ukraine et la Russie se poursuit, le risque d’escalade géopolitique semble pouvoir être écarté, l’Otan et Washington ayant contredit les accusations de Kiev d’un tir de missile russe contre la Pologne. Le marché continue de baisser dans un contexte d’apaisement des tensions, le missile n’étant pas une attaque délibérée de la part de la Russie. Cette hypothèse écartée, le risque supplémentaire au niveau de l’approvisionnement en pétrole russe à court terme n’est pas accru. L’accent reste donc bien sur la santé économique mondiale et les incertitudes concernant la reprise économique chinoise.

Globalement, les prévisions s’orientent donc plutôt vers un recul des prix du brut. Même si la situation reste incertaine au niveau mondial, les craintes de récession continuent de prendre le pas sur les tensions côté offre. Le prix du baril pourrait donc rester sous la barre des 90 $/baril d’ici la fin de semaine.

Loïc Arilaza, Analyste Pricing Team Leader

Marché du charbon

Le prix du charbon est à la hausse

Pour le charbon, les courbes de court terme et de long terme s’orientent à la hausse cette semaine. En Europe, le vendredi 18 novembre et pour une livraison en 2023 (Rotterdam API 2 Cal 2023), la tonne de charbon se négociait à 210,10 $/t, soit une variation de +32,78 $/t en une semaine (+ 18,49 %). À court terme, le produit pour une livraison en décembre (Rotterdam API 2 Decembre 2022) gagnait quant à lui 37,00 $/t en une semaine, pour s’établir à 217,50 $/t le 18 novembre

Entre baisse des températures et la hausse de la demande

Cette semaine, des températures plus froides et des perturbations climatiques ont causé une plus forte demande de gaz naturel et de charbon sur une grande partie de l’Europe. Alors que le prix de la tonne de charbon (notamment pour production d’électricité) connaissait une chute vertigineuse depuis le début du mois de septembre, le prix commence à remonter à l’approche imminente des températures hivernales. Si le mercure continue de chuter, ce qui est probable, il faudra faire appel aux centrales à gaz et au charbon pour répondre aux pics de consommation durant les heures de pointe. Il est donc légitime de prévoir une légère tendance à la hausse d’ici à la fin de l’année, d’autant plus que le prix du gaz naturel remonte pour les mêmes raisons. Si l’offre mondiale ne progresse pas de manière significative, ce sentiment sera d’autant accentué. À suivre.

Marché du CO2

Le prix des quotas corrige à la baisse une semaine de plus

Le marché européen d’échange de quotas d’émission corrige à la baisse cette semaine encore. Le vendredi 18 novembre, le contrat de référence EUA Dec. 22 clôturait la semaine à 72,47 €/t, soit 3,37 €/t de moins que le vendredi précédent (- 4,44 %). Malgré la hausse des prix du charbon et du gaz naturel, le prix des quotas d’émissions (EUA) s’oriente plutôt à la baisse et suit la tendance initiée fin octobre. Néanmoins, la fête pourrait être de courte durée si le prix des hydrocarbures pour la production d’électricité continue de monter. La nuance reste de mise pourtant, tant le secteur industriel en Europe est mis à mal par la crise énergétique majeure de cette année 2022.

Au niveau mondial, la COP 27 qui s’est tenue en Egypte entre le 6 novembre et 18 novembre, a abouti sur une hausse des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030. On parle d’une réduction de l’ordre de 57 %, contre 55 % jusqu’alors. Toutefois, certains analystes et défenseurs de l’environnement restent sur leur faim. De réelles mesures de court terme n’ont pas été prises, et l’objectif reste très ambitieux. Des réformes et des mesures sont encore à prendre pour l’atteindre au niveau européen. Pour le cas des pays émergents et en voie de développement, aujourd’hui les pays les plus émetteurs, un fonds de soutien doit leur permettre d’accélérer leur transition énergétique, et l’abandon progressif des énergies fossiles. La route reste longue.

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