Comme chaque semaine, découvrez l’analyse de nos experts sur l’évolution des prix sur le marché de l’énergie (électricité, gaz, pétrole, charbon…) pour la semaine du 26 décembre 2022.
Marché de l’électricité
Un dénouement positif sur la fin d’année
Ces deux dernières semaines, la courbe de long terme sur les marchés de gros de l’électricité en France a poursuivi sa tendance baissière. En effet, les prix du contrat CAL23 Baseload ont diminué de -66,27 €/MWh entre le vendredi 16 décembre et le mercredi 28 décembre (dernier prix de clôture du CAL23 à 271,73 €/MWh). Autrement dit, on observe une baisse significative de -173,43 €/MWh sur le mois de décembre, soit une baisse de -38,96 % sur le mois. L’année 2022 a ainsi été marquée par de nombreux évènements et rebondissements qui ont été source d’une forte volatilité et de la flambée des prix que nous avons connue.
Une baisse de la consommation qui se maintient
La consommation d’électricité en France continue de baisser en raison des nombreux efforts de sobriété énergétiques. RTE a communiqué sur une diminution de -7,4 % de la consommation la semaine dernière par rapport à la moyenne des années 2014 à 2019. On observe un ralentissement de la baisse de la consommation. Selon RTE, le ralentissement s’explique par une diminution des potentielles économies d’énergie supplémentaires. Enedis a, de son côté, communiqué sur une baisse « historique » de la consommation d’électricité liée à l’éclairage public : près de -20 % (l’éclairage public représente 40% de la consommation d’électricité annuelle des communes).
Un début d’année 2023 marqué par des prix spots négatifs ?
La période actuelle de températures anormalement élevées ainsi que les efforts de sobriété énergétique ont permis d’atteindre une baisse de la demande d’électricité significative en France et en Europe. Nous sommes passés sous la barre des 40 GW de demande ce 1er janvier 2023. En parallèle, le redémarrage des réacteurs nucléaires et le renouvelable assure une production d’électricité suffisante, voire trop élevée.
En effet, la production issue des éoliennes a été forte sur le Nord de l’Europe. Afin d’équilibrer le réseau, les centrales de production d’électricité pilotables ont réduit leur puissance (nucléaire, gaz et hydroélectrique). Les barrages en ont même profité pour remonter de l’eau grâce aux systèmes de pompage. La conséquence sur le marché est l’apparition de prix négatifs : d’après RTE, les prix spots de l’électricité ont atteint -4,37 €/MWh ce dimanche 1er janvier à 6h00. Ce type d’évènement reste exceptionnel, au moment de la rédaction de ce papier le spot s’échange à plus de 170 €/MWh.
France vs Allemagne : 2 systèmes énergétiques distincts
Le Conseil des ministres franco-allemand de l’Énergie et de la défense est prévu pour le 22 janvier à Paris (date du 60ème anniversaire du Traité de l’Elysée). L’objectif de ce rassemblement est de renforcer le partenariat bilatéral entre les deux pays sur des enjeux notamment liés à la stratégie énergétique. L’année 2022 s’étant achevée, c’est l’occasion de faire un rapide comparatif des systèmes énergétiques de ces deux grandes puissances.
La production d’électricité de la France a diminué d’environ -16 % par rapport à l’année précédente, alors que celle de l’Allemagne est restée relativement stable. Cela est principalement expliqué par l’indisponibilité nucléaire record et les périodes de sécheresses qui ont réduit les capacités de production hydroélectriques en France. De l’autre côté de la frontière, nos voisins allemands ont fait appel aux centrales à charbon et à lignite pour compenser la hausse des prix du gaz. Ainsi, sans surprise, l’intensité carbone française a augmenté à 83 gCO2/kWh (due à l’appel plus important aux centrales fossiles) mais reste bien inférieure à l’intensité carbone allemande de 508 gCO2/kWh.
Les prix de gros de l’électricité ont donc chuté sur la fin d’année 2022 grâce au redémarrage des réacteurs nucléaires et à la réduction de la consommation d’électricité. Le contrat CAL24 devrait suivre le retracement du marché du gaz mais nous ne sommes pas à l’abri d’une forte volatilité. Les marchés de gros devraient rester prudents et nerveux, les risques sont maintenant portés sur l’hiver 2023-2024 qui dépendra des niveaux de stockage de gaz et de la disponibilité nucléaire. La persistance des prix élevés et les potentielles perspectives de récession économique nous poussent à penser que la crise actuelle aura un impact à long terme sur la demande d’électricité.
Tristan Baudu, Analyste Pricing
Marché du gaz
Un marché du gaz naturel apaisé pour la fin d’année
En 2 semaines, les contrats pour une livraison en 2023 (France PEG CAL 2023) ont bien terminé l’année pour clôturer à 77,29 €/MWh le mercredi 28 décembre 2022, soit une baisse notable de 32,29 €/MWh en deux semaines. Pour cette nouvelle année, nous nous baserons donc sur le CAL 2024 pour évaluer l’état du marché à long terme. Ce produit calendaire a clôturé à 68,81€/MWh le vendredi 30 décembre 2022, soit une baisse de -20,49€/MWh sur les deux dernières semaines.
« Il n’a pas assez de gaz dans ce monde pour remplacer le gaz russe », selon Graham Freedman
Le prix du gaz continue sur sa belle lancée depuis maintenant plusieurs semaines. Pour rappel, le cal 2024 avait frôlé la barre des 200€/MWh le 26 août 2022. Ce montant exorbitant a pratiquement été divisé par 3 en l’espace de 4 mois. Nous nous rapprochons donc progressivement des cours « normaux » que nous connaissions en 2021, qui étaient en moyenne de 15€/MWh. Concernant 2023, l’état du marché dépendra fortement de l’évolution des relations entre l’UE et la Russie. Au vu de l’actualité géopolitique, nous supposons que celles-ci ne sont pas près de s’apaiser.
Sur le marché, toutes les énergies sont liées et peuvent donc interagir entre elles. Au sujet du pétrole par exemple, la Russie a indiqué dernièrement qu’elle interdirait à partir du 1er février la vente de son pétrole aux pays étrangers souhaitant utiliser le plafonnement de cette énergie. Pour compenser ces pertes, la Russie a prévu de lancer l’exploitation d’un vaste gisement de gaz situé en Sibérie. Ce projet devrait leur permettre d’augmenter leurs livraisons de gaz envers l’économie chinoise, dont la reprise de l’activité serait imminente. La Chine étant un grand consommateur de gaz en temps normal, cela pourrait induire une consommation de GNL américain moindre. Ce changement de partenaire économique pourrait permettre de stabiliser les flux de GNL américain exportés vers l’UE, et donc de diminuer les tensions sur le marché du gaz.
La question est donc la suivante : Les exportations massives de GNL suffiront-elles à compenser les pertes russes ?
Le constat actuel est amer. Les exportations de gaz envers l’UE ont chuté de 45,5 % en 2022 par rapport à 2021. Il faudra donc trouver d’autres alternatives pour répondre à une demande européenne importante. Celle-ci devrait d’ailleurs augmenter progressivement au cours des prochains mois. La cause principale étant l’atteinte des objectifs de remplissage des capacités de stockage de gaz en Europe. De plus, les différents projets liés au GNL ne seront susceptibles d’aboutir qu’à partir de 2025. Même si les efforts de sobriété énergétique sont croissants, il y a donc de grandes chances que les différents produits calendaires repassent au-dessus de la barre des 100 €/MWh pour cette nouvelle année 2023.
Pour les mois à venir, les différents produits calendaires pourraient repartir à la hausse. Deux facteurs pourraient en être la cause : le remplissage des stockages de gaz à effectuer, et les températures que nous aurons en janvier et février.
À plus long terme, plusieurs projets de GNL voient le jour, et pourraient donc permettre de compenser plus encore les pertes russes induites par la guerre.
Yanice Meguenni, Analyste Pricing
Marché du pétrole
Le BRENT remonte légèrement après l’interdiction de vente russe au prix plafond
Cette semaine, le prix de l’or noir (BRENT de la Mer du nord, pour une livraison en mars 2023) repart globalement à la hausse pour atteindre 85,91 $/baril le vendredi 30 décembre, soit + 1,41 $/baril de plus en une semaine (+1,67 %).
L’année 2022 a été pleine de rebondissements sur les différents marchés de l’énergie. Le brut ne fait pas exception. En cette fin d’année, toujours dans un contexte de guerre en Europe, le BRENT reprend des couleurs suite à l’annonce de la présidence russe d’arrêt des livraisons aux pays ayant adopté le plafonnement du prix du brut transporté par voie maritime. Même si l’effet s’est vite essoufflé, le gain a été palpable durant la dernière semaine de l’année 2022. Toutefois, il est clair que les acteurs du marché aient déjà intégré cette possibilité.
En effet, les menaces russes ne datent pas d’hier, et une telle annonce était à prévoir. La hausse des cours doit certainement son origine à d’autres facteurs, notamment l’arrêt de la politique zéro-Covid en Chine visant à redémarrer l’économie nationale. Aux Etats-Unis, les stocks hebdomadaires ont été revus à la baisse, contrairement au sentiment du marché. On en parle plus bas.
La Russie interdira la vente de son pétrole au 1er février 2023
La guerre en Ukraine menée par la Russie a chamboulé tous les équilibres en Europe. Elle a mis en lumière la forte dépendance énergétique de l’Union, essentiellement pour le gaz, mais également pour le pétrole et le charbon. Même si les conséquences sont multiples selon les pays concernés, le conflit a initié une crise énergétique majeure en Europe, et par effet domino dans le monde.
Pour sanctionner la Russie, les mesures européennes (et mondiales) se sont succédé tout le long de l’année. Rapidement, l’embargo sur le pétrole transporté par voie maritime a été décidé entre les Etats membres. L’entrée en vigueur ne débutant néanmoins qu’en décembre. Pour la question du plafonnement, les négociations ont été plus longues. Le consensus a finalement été trouvé pour un prix plafond de 60 $/barils. Pour beaucoup d’observateurs, la mesure reste néanmoins symbolique, le pétrole russe (brut de l’Oural) se négociant actuellement autour de 65 $/barils, soit légèrement au-dessus du plafond.
Si les marchés ont finalement peu réagi à l’annonce de la décision du plafond, la présidence russe a immédiatement menacé de couper les approvisionnements en représailles. Cette menace est désormais exécutée, la Russie ne livrera donc plus de pétrole (par voie maritime) aux pays signataires du plafonnement (UE, G7, Australie), sauf exception à la seule initiative du Président Poutine. Si les premiers jours suivants ont été haussiers, la nouvelle s’est vite estompée. Les acteurs ont probablement intégré cette éventualité depuis plusieurs semaines déjà. L’impact sur les cours reste donc relativement minime.
Ce constat peut d’autant plus s’expliquer par le fait que l’UE a déjà renoncé à près de 90 % de l’approvisionnement pétrolier russe. Enfin, les pays les plus importateurs restent la Chine et l’Inde, aucun n’ayant signé l’accord. La Russie devrait donc continuer à approvisionner sensiblement le marché mondial (via la Chine et l’Inde notamment), et ainsi continuer de financer sa guerre très coûteuse.
La Chine redémarre progressivement : tensions à venir sur la demande ?
Du côté de la Chine, le désir affiché de s’éloigner progressivement de la politique du zéro-Covid prend de plus en plus forme. Si l’économie a été fortement impactée cette année 2022 par la recrudescence des contaminations (et malheureusement des décès), l’optimisme semble être le mot d’ordre pour le gouvernement chinois. La situation n’est cependant pas tout à fait idéale en ce début d’année.
Le pays a effectivement ouvert ses frontières en ne mettant plus systématiquement les arrivants en quarantaine. Dans certaines régions, le rythme des contaminations ne faiblit toutefois pas, et la situation reste préoccupante. On peut tout de même s’attendre à un redémarrage progressif de l’activité économique avec l’assouplissement des restrictions. Première importatrice mondiale de brut, la Chine pourrait exercer une pression sur la demande, si la situation sanitaire parvient au moins à se stabiliser, ce qui n’est heureusement (d’un point de vue sanitaire) pas à exclure. Cette nouvelle année devrait donc réserver d’autres surprises, l’avenir le dira.
Les stocks stratégiques américains augmentent à la surprise générale
Les réserves commerciales stratégiques américaines ont augmenté alors que de nombreux analystes s’attendaient à une baisse. C’est évidemment une bonne nouvelle pour l’offre mondiale. La semaine achevée le 23 décembre 2022, les stocks ont donc progressé de 700 000 barils, contre une diminution de l’ordre de 1,2 million de barils anticipée par les acteurs. Le volume stocké atteignait ainsi 419 millions de barils. Cette tendance a été portée par l’accélération de l’activité des raffineries, l’augmentation des importations, ou encore la diminution des exportations américaines. En effet, les importations ont grimpé de 433 000 barils/jour, alors que les exportations ont reculé de 895 000 barils/jour.
Les stocks commerciaux vont donc dans la bonne direction, et devraient permettre de ne pas exercer de pressions supplémentaires sur le niveau de demande. Il est tout de même important de rappeler que ces données ne prenaient pas en compte la vague de froid exceptionnelle survenue fin décembre sur une bonne partie du pays. L’activité des raffineries pourrait finalement être bien plus impactée que prévu.
Loïc Arilaza, Analyste Pricing Team Leader
Marché du charbon
Le charbon remonte légèrement après plusieurs semaines de baisse
Pour le charbon, les courbes de court terme et de long terme s’orientent de nouveau à la hausse en semaine 52. En Europe, le vendredi 30 décembre et pour une livraison en 2024 (Rotterdam API 2 Cal 2024), la tonne de charbon se négociait à 175,23 $/t, soit une variation de + 5,12 $/t en une semaine (+3,01 %). À court terme, le produit pour une livraison en janvier (Rotterdam API 2 January 2023) gagnait quant à lui 1,80 $/t en une semaine, pour s’établir à 190,50 $/t toujours le 30 décembre.
Une consommation de charbon en hausse sur l’année 2022
Bien que les températures soient plutôt clémentes pour la saison, le prix de la tonne de charbon remonte légèrement à court comme à long terme. Durant toute l’année 2022, la consommation mondiale de charbon est clairement en hausse, selon l’AIE. Si la demande mondiale est importante en Asie (la transition énergétique s’opérant plus lentement), la guerre en Ukraine a remis le charbon sur le devant de la scène en Europe.
En effet, le prix du gaz naturel ayant explosé avec le conflit, le charbon reste un substitut incontournable pour la production d’électricité. Même si globalement la demande d’électricité est en baisse pour la période de fin d’année, l’usage du charbon restera important en 2023, et sans doute dans les années à venir. La transition énergétique ne s’opère pas assez rapidement, et les objectifs climatiques de l’Union européenne restent ambitieux. Le charbon, et le gaz, continueront de compenser l’intermittence des productions renouvelables pour le moment.
Une diminution des prix depuis mi-2022
L’Australie reste le premier pays exportateur mondial, juste devant l’Indonésie. Si les conditions climatiques ont été clairement défavorables à l’exploitation minière en début d’année 2022, les cours (de long terme) ont chuté depuis le 06 septembre, comme l’indique le graphique. Le fret maritime ayant également bien repris depuis l’été dernier, la courbe a largement reculé depuis, loin désormais des niveaux records atteints en 2022. Néanmoins, le poids de la Chine et de l’Inde devrait être considérable en 2023, et le redémarrage économique de la première pourrait augmenter le niveau de demande. À suivre avec attention.
Marché du CO2
Les quotas continuent de corriger à la baisse pour la dernière semaine de l’année
Le marché européen d’échange de quotas d’émission corrige à la baisse une semaine supplémentaire. Le vendredi 30 décembre, le contrat de référence EUA Dec. 23 clôturait la semaine à 83,97 €/t, soit 5,39 €/t de moins que le vendredi précédent. Le prix des EUA évolue donc cette semaine encore dans le même sens que celui du gaz naturel.
Suite aux annonces concernant l’évolution du système, notamment sur la réduction des quotas disponibles, ou encore la fin à venir de l’allocation gratuite de ceux-ci, les prix des EUA sont repartis à la baisse en cette fin d’année. Cette baisse est vraisemblablement imputable à la baisse de la production des centrales thermiques, la demande d’électricité se réduisant ces derniers jours avec des températures relativement douces pour la saison.
Le prix des quotas risque d’augmenter sur l’année 2023
Comme nous l’annoncions ces dernières semaines, les secteurs du transport routier et de l’aviation vont progressivement intégrer le système d’échange de quotas. Si c’est une bonne chose pour le changement climatique, le prix des quotas sera à l’avenir de plus en plus cher, et devra inciter plus fortement encore les acteurs économiques à polluer moins. Longtemps décrié, le marché du CO2 semble avoir cette année enfin atteint une tarification à la hauteur des ambitions européennes. Même si la spéculation sur ce marché semble être aujourd’hui moindre que dans le passé, elle n’est pas à négliger. Ces acteurs spéculatifs verront sans doute de nouvelles opportunités à saisir, la volatilité restant pour l’heure importante. L’année 2023 sera intéressante à suivre pour l’évolution du système dans son ensemble.
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