Comme chaque semaine, découvrez l’analyse de nos experts sur l’actualité du marché de l’énergie (électricité, gaz, pétrole, charbon…) pour une clôture des prix au 10 février 2023.
Marché de l’électricité
De bonnes nouvelles sur le marché
Cette semaine, la courbe de long terme sur les marchés de gros de l’électricité en France s’est une nouvelle fois retournée à la baisse après la hausse des prix de la semaine précédente. La volatilité semble également s’être atténuée ces dernières semaines avec le redémarrage des réacteurs nucléaires. La demande est restée proche de 70 GW, avec des pics frôlant les 80 GW en milieu de semaine en raison de températures plus froides. On observe alors une baisse significative de -6,49 % avec un prix de clôture de 180,55 €/MWh ce vendredi 10 février. En effet, les prix du contrat CAL 24 Baseload ont diminué de -12,54 €/MWh en une semaine.
Une demande qui se maintient
Les prix de l’électricité évoluent dans un intervalle plutôt stable depuis la mi-janvier en l’absence de tout changement majeur dans les fondamentaux de l’offre et de la demande au cours des dernières semaines. La volatilité des prix a également baissé malgré quelques variations liées aux conditions météorologiques. Une fois corrigée de l’effet de la température, la demande d’électricité reste inférieure d’environ 8% aux moyennes historiques, bien qu’une reprise du secteur industriel pourrait impacter la consommation à la hausse.
D’après RTE, la demande est tout de même venue frôler de nouveau la barre des 80 GW ce mercredi 8 février. Du côté de l’offre, le redémarrage des réacteurs nucléaires permet d’atténuer les pressions haussières portées sur des craintes d’offre d’électricité. Cependant, on note une production d’électricité éolienne très faible cette semaine qui a exercé une pression haussière sur les prix de gros à court terme. En parallèle, la France a été globalement nettement importatrice d’électricité cette semaine.
L’avenir du renouvelable
Le Parlement en France a définitivement adopté le projet de loi ayant pour objectif d’accélérer le déploiement des énergies renouvelables ce mardi 7 février. La loi entrera en vigueur dès qu’elle sera signée par le président Macron. Les axes d’évolutions concernent essentiellement une simplification dans les procédures administratives nécessaires au développement de projets. Ainsi, la loi prévoit notamment un abaissement des délais, un renforcement du rôle des communes afin de créer des zones d’accélération ainsi que des efforts en matières d’acceptabilité sociale.
De plus, le texte prévoit d’augmenter la surface disponible pour le photovoltaïque (notamment le long des axes routiers) ainsi qu’une amélioration de la planification de l’éolien off-shore. Enfin, un mécanisme de redistribution devrait apparaître au bénéfice des riverains leur permettant d’alléger leurs factures d’énergie. La France doit rattraper son retard par rapport aux autres pays européens, d’après l’AIE le développement des EnR devrait permettre de couvrir une large partie de la croissance de la demande d’électricité jusqu’à 2025.
Du nouveau sur un dispositif de soutien public
Annoncée par le gouvernement en octobre 2022, cette aide de l’Etat sur les cautions bancaires demandées par les fournisseurs d’énergie se précise. Lors de la signature d’un contrat de fourniture d’énergie, le fournisseur peut demander une caution bancaire au client. La mise en place de ce dispositif devrait pouvoir soulager les entreprises ayant besoin de souscrire à un nouveau contrat. Pour être éligibles, les entreprises doivent avoir consommé au moins 1 GWh d’électricité ou 2 GWh de gaz en 2022. La garantie concerne les contrats signés dès le 1er septembre 2022. L’Etat pourra apporter sa garantie sur 90% du montant de la caution.
La baisse des prix de gros de cette semaine envoie un bon signal quant à l’amélioration de la situation énergétique en France et en Europe. Avec une reprise progressive de l’activité économique, la consommation d’électricité pourrait repartir fortement à la hausse malgré les efforts de sobriété énergétique. Les prévisions météorologiques à court terme indiquent des températures relativement douces.
Tristan BAUDU, Analyste pricing
À plus long terme, elles restent particulièrement sèches avec des températures au-dessus des normales. La consommation ne devrait donc pas atteindre des sommets, cependant ces prévisions pourraient conduire à un faible niveau de production d’hydroélectricité. Au-delà, une nouvelle grève est prévue pour le jeudi 16 février, nous devons donc nous attendre à de nouvelles perturbations sur les sites de production d’électricité exerçant une pression haussière sur les prix. À plus long terme, le déploiement des EnR et la reprise du nucléaire rassurent quant à la sécurité énergétique.
Tristan BAUDU, Analyste pricing
Au-delà, une nouvelle grève est prévue pour le jeudi 16 février, nous devons donc nous attendre à de nouvelles perturbations sur les sites de production d’électricité exerçant une pression haussière sur les prix. A plus long terme, le déploiement des EnR et la reprise du nucléaire rassurent quant à la sécurité énergétique.
Tristan BAUDU, Analyste pricing
Marché du gaz
La stabilisation des prix du gaz se poursuit
Depuis maintenant près d’un mois, le produit PEG Cal 2024 continue d’osciller dans un corridor compris entre 58 €/MWh et 68 €/MWh. Les stocks de gaz confortables ainsi que l’offre toujours aussi importante permettent d’atténuer la volatilité sur le marché. Durant l’été 2022, les produits calendaires ont connu des pics inédits. En cette période, le spread entre le CAL 24 et le CAL 26 a pu atteindre 121,65 €/MWh. Aujourd’hui, cet écart se resserre progressivement, pour atteindre 8,39€/MWh. Cette réduction assez brutale témoigne d’une visibilité plus importante sur les marchés du gaz naturel.
Les contrats pour une livraison en 2024 ont donc clôturé à 58,023 €/MWh le 10 février 2023, subissant une baisse de 4,39 €/MWh sur la semaine. Comme les semaines précédentes, les contrats plus long terme comme le PEG Cal 2025, par exemple, sont aussi impactés par cette baisse, mais de manière moins accentuée.
Les terribles tragédies ayant eu lieu en Turquie et en Syrie ne sont pas sans conséquences
Le bilan humain, lié à a cette catastrophe naturelle, est désastreux. En plus de ces innombrables pertes humaines, les conséquences matérielles auraient pu, elles aussi, avoir un impact sur l’approvisionnement en gaz au sein des différentes nations européennes. Avant les conflits russo-ukrainiens, la majorité des pays européens étaient alimentés principalement par le pipeline Nord Stream. En septembre 2022, les gazoducs russes ont été mis hors services, suite à des détonations qui avaient eu lieu à proximité.
Pour compenser ces pertes russes, l’Union Européenne a donc été contrainte de signer d’autres partenariats, afin de s’assurer que leur demande en gaz soit couverte. Il y a notamment 3 gazoducs, provenant de l’Azerbaïdjan, qui fournissent plusieurs pays de l’UE. Ces 3 pipelines traversent la Turquie, la Géorgie et plusieurs autres pays d’Asie, pour fournir en gaz les différents pays européens. Ces-derniers n’ont donc pas été impactés, car ils se situaient trop loin des épicentres des deux séismes qui ont frappé la Turquie. Cela explique pourquoi le marché gazier était toujours aussi stable cette dernière semaine. Cependant, ce gazoduc reste bien exposé à un fort risque sismique, car il traverse des failles importantes. En connaissance de cause, l’UE a pour objectif de diversifier au maximum ses partenariats, et si possible s’autosuffire afin de dépendre le moins possible de l’extérieur.
La tendance est baissière : Tous les voyants sont au vert
Dans un premier temps, les tensions sur la demande de gaz sont moins accentuées. Les stocks de charbon disponibles ont considérablement augmenté, ce qui a donc tiré les prix vers le bas. Sachant que le charbon et le gaz sont deux produits substituables, la baisse du prix du charbon implique une sollicitation plus accrue des centrales à charbon. Cet effet levier sous-entend donc une sollicitation moins importante des centrales à gaz. Ensuite, comme nous l’avons dit plus haut, les européens essayent de consommer localement, dans le but de réduire progressivement leurs importations en gaz et donc dépendre le moins possible de l’extérieur. En plus du biogaz, l’année 2022 a été notamment un tournant concernant le développement de l’hydrogène. Davantage d’industriels souhaitent investir dans des infrastructures permettant la consommation d’hydrogène, au détriment du gaz.
Pour les semaines à venir, les tendances sont plutôt baissières :
- Le deuxième plus grand centre méthanier des Etats-Unis a relancé ses exportations après 8 mois d’arrêt. À noter que la plupart du GNL de Freeport part, pour le moment, vers l’Europe.
- À cela s’ajoute les températures qui sont toujours en dessous des normales de saison, ce qui permet donc de réduire la demande.
À plus long terme, les tendances sont aussi baissières. Un réseau interconnecté européen pour le transport d’hydrogène pourrait voir le jour. Cette énergie pourrait être utilisée par les grands industriels au détriment du gaz. Sachant que cette énergie n’est pas polluante, ce projet pourrait faire d’une pierre deux coups, sachant qu’il permettrait aussi d’atteindre les objectifs environnementaux.
Yanice MEGUENNI, Analyste pricing
Marché du pétrole
Les cours montent sur fond de reprise chinoise, et de pressions sur l’offre
Cette semaine, le prix de l’or noir (BRENT de la Mer du Nord, et pour une livraison en avril 2023) remonte pour atteindre 86,36 $/baril le vendredi 10 février, soit +6,45 $/baril de plus en une semaine (+8,07 %).
Les cours mondiaux restent volatils, mais une réelle tendance haussière s’est dessinée la semaine achevée le vendredi 10 février. Les sanctions sont entrées en vigueur le 5 février à l’encontre de la Russie et de ses revenus tirés de la vente de ses hydrocarbures. De nouvelles sanctions sont également en discussion, cette fois pour les produits raffinés (notamment le diesel), et devraient encore exercer une pression sur l’offre disponible.
La reprise chinoise reste également au centre des discussions, le niveau de demande mondiale devant augmenter ces prochaines semaines. C’est en tout cas le sentiment général, de plus en plus ancré dans les esprits des acteurs du marché. Si les gains restent limités par les actions de la Fed américaine, une tendance haussière persistante pourrait s’installer.
Les stocks américains continuent de progresser, mais les cours n’ont pas intégré cette nouvelle de manière positive. Le tragique séisme en Turquie survenu cette semaine met en difficulté l’exploitation de l’important terminal pétrolier de Ceyhan, qui devrait rester fermé au moins une semaine. On vous en parle plus bas.
Les cours tirés par une reprise chinoise potentielle, et le séisme en Turquie
La semaine a clairement été haussière, toujours avec une potentielle reprise de la seconde économie du monde en tête. Même si pour l’heure la reprise reste modérée, les perspectives suffisent à relancer l’enthousiasme des investisseurs. En janvier, la consommation de pétrole a été relativement statique en Chine, mais il est trop tôt pour tirer quelque conclusion que ce soit. La tendance initiée pourrait véritablement se maintenir, au moins à court terme.
En Turquie, le tragique tremblement de terre a fortement impacté les prix mardi, en réaction à la fermeture d’un important terminal d’exportation. Ce terminal pétrolier de Ceyhan, en Turquie, devrait rester fermé au moins une semaine, le temps pour les autorités d’évaluer les dégâts causés par la catastrophe. Habituellement, ce terminal traite près d’un million de barils de brut par jour. Sa fermeture exacerbe donc les pressions sur l’offre, contribuant à la hausse globale des cours.
Les hausses restent limitées par les actions de la Fed et l’état des stocks
En début de semaine, les deux références mondiales (BRENT et WTI) donnaient déjà le ton pour le reste de la semaine. La demande mondiale est toujours attendue relativement forte pour l’année 2023, tirée par la Chine. Toutefois, les actions de la Fed pour contrer l’inflation croissante aux Etats-Unis contribuent à limiter les gains trop importants. En effet, les taux d’intérêts directeurs ont pour vocation à encore s’orienter à la hausse pour les mois à venir, comme l’annonçait la Fed début février.
Concernant l’état des stocks aux Etats-Unis, les réserves commerciales de brut ont, une semaine de plus, augmenté de près de 2,4 millions de barils. Les analystes avaient anticipé une hausse de l’ordre de 2 millions de barils, donc très proche de la situation actuelle. Les stocks d’essence, en revanche, ont progressé davantage que prévu, à 5 millions de barils quand les analystes s’attendaient à 1,6 million. C’est la septième hausse consécutive des stocks commerciaux américains, une bonne nouvelle a priori pour l’offre. Ce gonflement, même attendu, a permis de freiner la hausse des cours mondiaux du brut tout le long de la semaine. Les hausses de stocks sont largement imputables au repli des exportations américaines, accompagnées du robuste niveau des importations.
Marché du charbon
Le charbon s’oriente à la baisse, à court comme à long terme
Pour le charbon, la courbe de long terme s’oriente à la baisse. En Europe, le vendredi 10 février et pour une livraison en 2024 (Rotterdam API 2 Cal 2024), la tonne de charbon se négociait à 138,90 $/t, soit une variation de –11,57 $/t en une semaine (-7,69 %). À court terme, le produit pour une livraison en mars (Rotterdam API 2 March 2023) perdait quant à lui 6,00 $/t en une semaine, pour s’établir à 132,00 $/t toujours le 10 février.
Le prix du charbon en Europe s’oriente une semaine supplémentaire à la baisse. La demande de charbon reste, au niveau mondial, toutefois importante. La crise énergétique, même si les prix commencent à retrouver une certaine stabilité, n’est pas terminée. En effet, le prix du gaz naturel et du charbon thermique se maintiennent toujours à des niveaux relativement élevés. Si l’apport massif de GNL a permis aux prix du gaz de baisser considérablement ces deux derniers mois, le retour de l’Asie dans la balance pourrait réorienter les terminaux méthaniers, au détriment de l’Europe.
Concernant la production d’électricité, tant que les prix du gaz naturel restent raisonnables, ce-dernier restera privilégié dans les centrales. Il en va de même pour le charbon qui continuera d’être une alternative crédible, à la fois pour combler la production renouvelable intermittente, et pour substituer le gaz naturel quand celui-ci est trop cher.
Le charbon jouera un rôle crucial pour l’avenir énergétique, comme le rappelait la World Coal Association cette semaine. À long terme, la demande devrait rester élevée pour quelques années encore, ce qui tend à orienter les prix à la hausse. Ceci dit, les relations sino-australiennes semblent pouvoir se réchauffer. L’Australie, premier producteur mondial, envisage en effet de reprendre ses exportations (au moins de charbon sidérurgique) vers la Chine, une bonne nouvelle donc pour l’offre mondiale. L’Indonésie, quant à elle, prévoit toujours une année record pour ses exportations. Une tendance baissière claire pourrait donc se matérialiser ces prochaines semaines. A suivre.
Loïc ARILAZA, Analyste Pricing Team Leader
Marché des émissions
Le prix de la tonne de CO2 stagne et finit la semaine légèrement en baisse
Le marché européen d’échange de quotas d’émission se maintient cette semaine, dans le sillage des prix à terme du gaz naturel. Le vendredi 10 février, le contrat de référence ICE EUA Dec. 23 clôturait la semaine à 93,03 €/t, soit seulement 0,26 €/t de moins que le vendredi précédent (-0,28 %).
Les hausses constatées ces dernières semaines semblent s’être calmées. Si la production thermique continue de soutenir les cours à la hausse, la reprise du nucléaire et des températures plus douces permettent de limiter les gains. Si la spéculation joue également son rôle, les prises de profits récentes ont vraisemblablement également contribué au maintien des prix.
Durablement, le prix de la tonne de CO2 devrait se maintenir au-dessus des 90 €/t, pour tutoyer progressivement la barre symbolique de 100 €/t. En effet, le niveau des émissions de GES reste élevé, et le prix actuel du CO2 ne semble pas être suffisamment en lien avec l’objectif affiché par l’Union européenne.
Le système continuera d’évoluer, et a priori à la hausse. L’Union européenne parle en effet d’une nouvelle taxation aux frontières, sur les produits importés. Une telle mesure fait débat, l’objectif initial étant de mieux contrôler les importations, et rendre finalement les entreprises européennes plus compétitives. Les modalités ne sont pas encore toutes claires, mais rentrent dans l’objectif. Néanmoins, le débat porte sur la pertinence et l’efficacité de la mesure. En effet, dans l’état actuel, il pourrait finir par pénaliser les firmes européennes, car ce ne sont pas les producteurs qui paieraient, mais bien l’importateur et donc in fine le consommateur final.
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