Comme chaque semaine, découvrez l’analyse de nos experts sur l’actualité du marché de l’énergie (électricité, gaz, pétrole, charbon…) pour une clôture des prix au 17 février 2023.
Marché de l’électricité
La confiance des acteurs sur le marché refait surface
Cette semaine, la courbe de long terme sur les marchés de gros de l’électricité en France a été relativement stable. On note tout de même une hausse des prix en milieu de semaine (corrélée à la grève de jeudi) qui s’est rapidement corrigée à la baisse (-2,84 %) entre jeudi et vendredi. En raison d’une amélioration progressive des fondamentaux avec une disponibilité nucléaire croissante et une demande contenue, la volatilité se trouve largement amoindrie.
Les prix se stabilisent alors depuis près d’un mois dans un corridor compris entre 175 €/MWh et 200 €/MWh. Sur la semaine, on observe in fine une légère baisse de -0,30 % avec un prix de clôture de 180,00 €/MWh ce vendredi 17 février. En effet, les prix du contrat CAL 24 Baseload ont diminué de -0,55 €/MWh par rapport au vendredi 10 février.
RTE présente son bilan électrique français pour l’année 2022
Retour sur une année compliquée pour EDF : 2023, dans la continuité de ces défis à surmonter. Les opérations de maintenance et de réparations ont paralysé jusqu’à la moitié du parc nucléaire en 2022. La production nucléaire a, par conséquent, été historiquement basse : 279 TWh.
Face à ce choc d’offre interne, la France a obligé EDF à vendre 20 TWh supplémentaires d’ARENH, dispositif critiqué par l’énergéticien. Résultat : EDF creuse son endettement record à 64,5 milliards d’euros.
La facture d’électricité des français n’a jamais été aussi élevée
Dans le thème des records, la France aussi en a atteint un : celui de la facture énergétique. En effet, en étant de 115 milliards d’euros en 2022, elle a quasiment triplé par rapport à 2021 (+71 Mds d’euros).
Focus sur le nucléaire
Afin de retrouver sa souveraineté énergétique, la France place le nucléaire au centre de sa stratégie, pour rappel il est prévu de construire 6 nouveaux réacteurs.
Alors que la situation s’améliore de semaine en semaine, les capacités nucléaires sont une nouvelle fois inférieures aux prévisions d’EDF. Il y avait encore 13 réacteurs à l’arrêt ce mardi 14 février avec une disponibilité de 45,1 GW (environ 75% du parc). EDF prévoit une capacité disponible de 44,7 GW pour le mardi 21 février, ainsi qu’un bilan moyen à 44,8 GW sur l’ensemble du mois de février.
La situation se stabilise mais reste préoccupante
Les risques de coupures semblent eux aussi s’éloigner de la réalité. Les efforts de sobriété énergétique couplés aux températures douces ont permis d’apaiser les pressions portées par la demande en électricité. Le président de RTE a toutefois nuancé ses propos en précisant que toute vague de froid intense pourrait rapidement déséquilibrer le réseau.
La situation reste préoccupante mais les récentes évolutions ont permis de retrouver des niveaux de prix acceptables.
Quelle situation pour les semaines à venir ?
La tendance sur les marchés est plutôt baissière. Les capacités de production d’électricité augmentent avec le redémarrage des réacteurs. EDF prévoit néanmoins une disponibilité nucléaire moyenne de 43,9 GW en mars, soit légèrement inférieure à celle de février (44,8 GW). De l’autre côté, la fin de l’hiver se laisse porter par des températures exceptionnellement élevées justifiant une demande relativement basse pour la période considérée. La consommation moyenne s’est établie à environ 60 GW cette semaine, passant même sous les 50 GW entre vendredi et dimanche.
Il est fortement probable qu’avec l’approche du printemps les prix ne repassent pas au-dessus de 200 €/MWh. Sauf évènement particulier, tel qu’une baisse drastique des températures, nous nous attendons à des prix entre 150 et 200 €/MWh à court et moyen terme.
Tristan BAUDU, Analyste pricing
Marché du gaz
Le PEG 2024 se rapproche progressivement de la barre des 50€/MWh
Les différents produits gaziers poursuivent leur tendance baissière. Les contrats pour une livraison en 2024 ont donc clôturé à 54,709 €/MWh le 17 février 2023, subissant une baisse de -3,31 €/MWh sur la semaine
Les raisons restent similaires aux semaines précédentes. Les températures sont moins froides que prévues pour cette fin de mois de février. Depuis la reprise des exportations de GNL du Freeport (plus grand centre méthanier des Etats-Unis), l’offre de gaz est davantage renforcée, ce qui attenue donc les tensions sur le marché.
Comme indiqué sur le graphique ci-dessous, les variations concernant les produits gaziers à plus long-terme sont moins accentuées, ce qui témoigne donc d’une volatilité moins accrue sur cette période.
Les tensions se font moins ressentir sur la demande
Les quantités de GNL s’échangent à des prix raisonnables, ce qui explique pourquoi le marché reste relativement stable. Actuellement, la concurrence est limitée concernant le gaz naturel liquéfié, ce qui permet donc d’atténuer l’inflation. En effet, la demande de GNL en provenance d’Asie reste pour l’heure faible du fait de leurs importants stocks de charbon.
Côté offre, les nouvelles sont toujours rassurantes
après l’investissement dans le biométhane ou l’hydrogène vert pour remplacer le gaz, Aksa Energy (producteur d’électricité basé en Turquie) a opté pour les nouvelles turbines à gaz de de General Electrique, technologies à faible empreinte carbone. Ce projet permettra de produire de l’électricité en utilisant du gaz plus efficacement, tout en réduisant l’impact environnemental.
La diversification de l’approvisionnement se poursuit
Dernièrement, la Grèce avait rompu son partenariat avec la Russie concernant son approvisionnement en gaz. Aujourd’hui cette nation conclut un nouvel accord énergétique avec la Bulgarie, dans le but de diversifier ses importations en gaz. D’une part, ce projet permettra aux Grecs de pouvoir stocker du gaz au sein des installations bulgares. D’autres part, cette initiative permettra à la Bulgarie de se ravitailler par le biais du terminal LNG REVITHOUSSA, situé en Grèce.
L’Allemagne suit le même chemin, toujours dans le but de palier aux pertes russes. RWE (Distributeur d’énergie allemand) a signé un partenariat avec la compagnie pétrolière d’Abu Dhabi afin de consolider ses importions en GNL.
Toutes ces prises d’initiatives permettent donc à l’UE de se détacher progressivement de sa dépendance énergétique envers la Russie.
Depuis maintenant plusieurs semaines, nous retrouvons des cours plus ou moins « normaux ». L’UE retient son souffle. La stabilité des bourses gazières européennes est principalement expliquée par la situation énergétique chinoise.
Cette situation ne durera pas éternellement. Si la Chine retrouve son mix énergétique d’avant récession (consommation importante de GNL), les conséquences pourraient être inéluctables pour l’UE. De plus, pour s’approvisionner en GNL, l’Europe déroge à de nombreuses politiques environnementales. La tendance à moyen terme reste donc haussière. Tous ces éléments extérieurs accroissent le manque de visibilité pour les prochains mois à venir.
Yanice MEGUENNI, Analyste pricing
Marché du charbon
Le prix du charbon continue d’augmenter
Cette semaine, le prix à terme de la tonne de charbon remonte en Europe. Le produit ICE Coal API2 Cal 2024 clôturait la semaine à 143,68 $/t le vendredi 17 février, soit 4,68 $/t de plus en une semaine (+ 3,37 %). À court terme, la même tendance se retrouve. En effet, la tonne de charbon pour une livraison en mars 2023 terminait la semaine à 136,20 $/t, soit en hausse de +4,20 $/t sur le vendredi précédent.
La tendance haussière se poursuit donc alors même que les prix à terme du gaz naturel observent plutôt une tendance baissière. Le charbon reste en odeur de sainteté en Europe, en Allemagne (pour compenser le manque de gaz russe), mais également dans la plupart des pays d’Europe occidentale. Le charbon continue donc d’être une alternative sérieuse au gaz naturel, pour la production d’électricité. Ce constat continuera d’orienter le marché, comme le prouve la courbe de long terme.
Si l’offre mondiale était jusqu’alors au beau fixe depuis la fin de l’année 2022 (après avoir connu un début d’année 2022 tumultueux), le retour de la Chine dans la danse semble pouvoir exercer des pressions nouvelles sur l’offre. L’Australie rouvre petit à petit les exportations vers la Chine, qui elle-même semble vouloir importer une quantité croissante de charbon, dont thermique.
À court terme, la tendance semble pouvoir être haussière, ce qui devrait se retrouver en partie sur la courbe de long terme. Les perspectives sur le niveau de demande pour l’année 2023 sont effectivement plutôt positives. Les prochaines semaines nous en diront plus.
Marché du pétrole
L’offre de pétrole est abondante
Cette semaine, les prix du brut (BRENT, pour une livraison en avril 2023) corrige à la baisse pour atteindre 83,00 $/barils le vendredi 17 février, soit 3,39 $/barils de moins en une semaine (-3,92%). Les perspectives de hausse de la demande, notamment par la reprise économique chinoise, ont été supplantées par une offre abondante, notamment aux Etats-Unis.
En effet, les réserves commerciales de brut ont augmenté de 2,4 millions de barils, proche des estimations des professionnels du secteur. Les stocks d’essence ont même, quant à eux, progressé davantage que prévu, à 5 millions de barils. C’est la septième semaine consécutive de hausse, ce qui permet de freiner le bond des cours mondiaux.
La consommation de pétrole devrait repartir à la hausse cette année
Même si la reprise chinoise est palpable, bien que lente, l’on peut s’attendre à une hausse de la consommation mondiale d’ici la fin de l’année. L’Agence internationale de l’Energie (AIE) revoit d’ailleurs ses prévisions à la hausse : l’Agence table sur une demande record, avec un chiffre revu à la hausse (101,9 millions de barils/jour) par rapport à son estimation du mois dernier (101,7 millions de barils/jour). Les investisseurs n’en restent pas moins frileux, et la tendance baissière initiée la semaine passée semble pouvoir durer plus longtemps que prévu.
Les cours font donc clairement de la résistance. La hausse des cours du dollar sur les autres devises principales n’a en effet pas eu l’impact habituel. Habituellement, la hausse du billet vert réduit la demande et tend donc à augmenter les cours du brut. Cette semaine, l’effet a été négligeable, voire inverse. L’abondance d’offre prend donc clairement le dessus, et les préoccupations sur celle-ci semblent pour l’heure derrière nous.
Quoi qu’il en soit, le marché continuera de scruter toute nouvelle, positive comme négative. La croissance chinoise, notamment, donnera plus d’indications sur la trajectoire suivie, l’offre étant pour l’heure largement suffisante pour répondre à la demande. Les craintes sur le niveau de croissance mondiale reviennent sur le devant de la scène, les investisseurs attendent des signaux clairs et positifs pour se positionner. Affaire à suivre.
Loïc ARILAZA, Analyste Pricing Team Leader
Marché des émissions
Le marché des émissions continue de progresser à la hausse
Sur le marché des droits à polluer, la tendance haussière se poursuit une semaine supplémentaire. Le contrat de référence ICE EUA Dec. 2023 a terminé la semaine à 96,25 €/t, soit en hausse de +3,22 €/t sur le vendredi précédent (+3,46 %). Les quotas tutoient désormais la barre symbolique de 100 €/t, un niveau non atteint depuis la mi-août 2022. Ce début d’année est donc synonyme de gain très important sur le marché.
Cela peut s’expliquer par l’usage toujours important des sources d’énergies thermiques pour la production d’électricité (gaz naturel et charbon). Si le prix de ces deux énergies a plutôt connu une tendance baissière depuis le début de l’année, les prix n’en demeurent pas moins élevés. L’hiver a été jusqu’à présent plutôt clément, mais il n’est pas terminé et si les prochaines semaines s’avèrent être plus fraiches, les prix de court terme continueront de s’orienter à la hausse, notamment en ce qui concerne le charbon.
Le prix des émissions devrait continuer d’augmenter dans les mois et années à venir
La politique européenne pour les questions climatiques reste inchangée, et le plan nommé REPowerEU devra être financé. Les objectifs restent ambitieux, et le prix de la tonne de CO2 émise devrait continuer de s’orienter à la hausse pour répondre aux exigences environnementales. Le système reste à peaufiner, mais la courbe va dans la bonne direction pour combattre le changement climatique.
SI ce dernier constat est vrai, c’est une moins bonne nouvelle pour l’industrie, et les pollueurs-payeurs de manière générale. Pour ce 1er trimestre 2023, l’industrie semble aller mieux que prévu, même si le niveau de croissance à l’échelle de l’Europe devrait rester limité. L’avenir nous en dira plus sur le devenir du prix des quotas, mais la barre des 100 €/t pourrait être probablement dépassée cette semaine.
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