Comme chaque semaine, découvrez l’analyse de nos experts sur l’actualité du marché de l’énergie (électricité, gaz, pétrole, charbon…) pour une clôture des prix au 24 février 2023.
Marché de l’électricité
Les prix de l’électricité se stabilisent
Cette semaine, la courbe de long terme sur les marchés de gros de l’électricité en France a suivi une tendance baissière. L’évolution des prix a notamment été tirée à la baisse en raison d’un niveau de demande d’électricité raisonnable atténuant les tensions sur le réseau. En effet, la consommation est restée entre 55 GW et 65 GW cette semaine d’après RTE. En comparaison, nous avons eu des pics de consommation à plus de 80 GW depuis le début de l’année.
Le corridor de prix dans lequel le marché évolue semble se resserrer entre 170 €/MWh et 180 €/MWh, traduisant ainsi l’atténuation de la volatilité des prix. Les craintes quant à l’approvisionnement énergétique ne cessent de s’effacer, les tensions diminuent et poussent alors les prix à la baisse. En effet, les prix du contrat CAL 24 Baseload ont diminué de -5,50 €/MWh en une semaine. Autrement dit, on observe une baisse significative de -3,06 % avec un prix de clôture de 174,50 €/MWh ce vendredi 24 février.
Zoom sur le projet de réforme du gouvernement concernant le nucléaire
Sujet polémique de ces dernières semaines : le projet de réforme du gouvernement. En effet, ce dernier a annoncé le 8 février vouloir fusionner l’IRSN et l’ASN dans le cadre d’une fluidification des processus d’examen. Alors que la France peine à retrouver une disponibilité nucléaire « de croisière », cette volonté de fusion de l’expertise et de la décision porte à débats. Ce projet est fortement critiqué par les syndicats du secteur, craignant une perte d’indépendance des analyses techniques effectuées et par conséquent d’une mise en danger de la sureté nucléaire. Après une première grève ce lundi 20 février, un nouveau préavis de grève pour le mardi 28 février a été annoncé par l’intersyndicale de l’IRSN.
La production nucléaire reste toujours inférieure aux prévisions
Dans le même temps, on apprend que la capacité nucléaire se retrouve une nouvelle fois inférieure de 1,7 GW aux prévisions d’EDF. La disponibilité nucléaire a baissé de 1,5 GW en une semaine pour atteindre 43 GW ce mercredi 22 février. On note 15 réacteurs à l’arrêt cette semaine, soit 29,1 % du parc national. EDF prévoit une disponibilité à la baisse la semaine prochaine (42,6 GW). Cela apparaît comme un facteur haussier du prix de l’électricité.
La situation n’est toutefois plus aussi inquiétante à court terme
Malgré cette mauvaise nouvelle côté offre d’électricité nucléaire, RTE a indiqué que le risque de tensions sur le réseau passe de « moyen » à « faible » pour la fin de l’hiver 2022-2023. En cause notamment : des températures clémentes, une disponibilité nucléaire (générale) accrue et des stocks de gaz encore élevés. En parallèle, la consommation électrique est en baisse d’environ -9 % sur le mois de février par rapport à la moyenne des années 2014-2019.
À moyen terme en revanche, l’inquiétude persiste
La France n’est pour autant pas tirée d’affaire : les yeux sont également rivés sur le niveau d’eau des rivières. On note un déficit pluviométrique de 55 % en février d’après Météo-France. Le faible débit du Rhône est préoccupant face au manque de précipitations et pourrait contraindre EDF à limiter la production des centrales nucléaires de Bugey (3,6 GW) et de Saint-Alban (2,7 GW) ce printemps. La France vit actuellement une période de sécheresse hivernale (hiver le plus sec depuis 1959) impactant alors la production d’hydroélectricité : cette dernière étant 40 % inférieure aux normales de saison. Selon RTE, le niveau de remplissage est d’environ 42 % (soit 6 % inférieur à la moyenne des 7 dernières années).
Et pour la suite ?
Les récentes annonces de RTE quant à la baisse des risques de tensions sur le réseau cet hiver sont plutôt rassurantes. Sous réserve d’une fin d’hiver douce, la tendance sur les marchés devrait rester baissière à court terme. Malgré des épisodes de baisses de capacités disponibles, la production du parc nucléaire national s’améliore et rassure les acteurs du marché quant à l’offre d’électricité en France. Cependant, la période de sécheresse actuelle inquiète.
En l’absence de fortes précipitations ces prochaines semaines, la production nucléaire et hydroélectrique devrait être fortement impactée. Les risques de tensions ne sont donc pas totalement évités à moyen terme. Enfin, des réformes du marché de l’électricité sont discutées au niveau européen et au sein de la CRE. L’objectif est d’adopter des mesures concernant les contrats de long terme afin de réduire les risques de couverture auxquels les fournisseurs s’exposent, et in fine la volatilité des prix. La suite au prochain épisode…
Tristan BAUDU, Analyste pricing
Marché du gaz
Le marché du gaz n’est plus aussi volatil malgré un rafraichissement des températures
Concernant cette nouvelle semaine, les prix continuent de se stabiliser, malgré le rafraichissement des températures. Dans ce contexte, le climat a pu impacter principalement les produits de court terme comme le PEG DA EOD (prix pour le lendemain), par exemple. La fin de l’hiver explique aussi pourquoi ce facteur impacte dans une moindre mesure les produits calendaires.
Les contrats pour une livraison en 2024 ont donc clôturé à 54,824 €/MWh le 24 février 2023, subissant une légère hausse de 0,12 €/MWh sur la semaine.
Stabilité du marché du gaz
Les prix du gaz sont plutôt sur une tendance baissière en ce début d’année. Les flux abondants de GNL, ainsi que les efforts de sobriété énergétique confortent cette tendance. Cette semaine, la dynamique baissière fût toutefois freinée par plusieurs éléments :
Tout d’abord, le charbon a subi une hausse assez brutale, ce qui a également impacté le prix du gaz.
Dans un second temps, la hausse des prix JKM en Asie a engendré un léger déséquilibre au niveau de l’approvisionnement gazier européen. L’Asie et l’Europe se disputent le prix du GNL par le biais de leurs indicateurs de référence sur leurs marchés respectifs. Selon que le JKM soit plus élevé ou non par rapport au TTF (indicateur de référence européen concernant les prix du gaz), les méthaniers avisent et choisissent donc la destination la plus rentable.
Une stabilité qui pourrait être de courte durée
Comme expliqué précédemment, la stabilité des différentes places boursières européennes repose principalement sur l’approvisionnement conséquent, ou non, de GNL. Cependant, ce facteur n’est pas forcément voué à perdurer dans le temps, au regard du contexte géopolitique actuel.
Fatih Birol (le Directeur de l’Agence internationale de l’Energie), prévoit un risque de pénurie pour l’hiver prochain. En effet, même en cas de légère reprise économique, la Chine pourrait absorber 80% du gaz supplémentaire produit dans le monde, ce qui n’est pas négligeable. Si ce scénario se produit, la Chine revendrait donc son surplus à l’Europe à des prix bien plus élevés.
L’UE se doit donc de trouver des alternatives plus solides, si elle souhaite passer l’hiver prochain en toute sérénité.
Les différents produits gaziers continuent de se stabiliser malgré la baisse des températures. La tendance pour les semaines à venir est plutôt baissière, étant donné que nous arrivons à la fin de cet hiver plutôt doux par rapport aux normales de saisons.
À moyen terme, la tendance est plutôt haussière. Cette variation dépendra donc fortement de la situation économique en Chine.
À plus long terme, les différents projets gaziers permettront de réduire considérablement les importations de GNL, et par la même occasion d’atteindre les objectifs environnementaux.
Yanice MEGUENNI, Analyste pricing
Marché du charbon
Le prix du charbon augmente à nouveau
Cette semaine, le prix à terme de la tonne de charbon remonte notablement en Europe. Le produit ICE Coal API2 Cal 2024 clôturait la semaine à 161,01 $/t le vendredi 24 février, soit 17,43 $/t de plus en une semaine (+ 12,14 %). À court terme, la même tendance se retrouve, la tonne de charbon pour une livraison en mars 2023 clôturant à 157,10 $/t, soit en hausse de +20,09 $/t sur le vendredi précédent.
La tendance haussière se poursuit donc une semaine supplémentaire. La demande de charbon est clairement en hausse, en Europe et plus largement dans le monde. En effet, la Chine, grosse consommatrice de charbon (sidérurgique et thermique), reprend très fortement ses importations pour répondre à la demande domestique croissante. Ces dernières semaines, les relations diplomatiques entre l’Australie et la Chine se sont d’ailleurs détendues, et de nouvelles cargaisons arrivent désormais sur les côtes chinoises. Ce regain de demande est accentué par plusieurs accidents ayant eu lieu sur plusieurs exploitations minières. Le flux des importations chinoises devrait donc se maintenir, voire augmenter ces prochaines semaines.
En Europe, plus particulièrement, des températures plus froides commencent à arriver sur le Vieux Continent. Jusqu’à présent, l’hiver a été relativement doux, ce qui a permis en grande partie d’apaiser les prix de marché. Dans le même temps, l’approvisionnement en charbon suffisait à répondre à la demande mondiale. Aujourd’hui, le recours au charbon, au détriment du gaz naturel, pour la production d’électricité continue d’orienter les cours à la hausse. Si le niveau de demande continue de croître, ce qui est probable, les prix continueront automatiquement de monter.
Marché du pétrole
Le marché du pétrole reste assez volatil dans l’attente de l’évolution de certains éléments
Cette semaine, les prix du brut (BRENT, pour une livraison en avril 2023) corrigent à la hausse pour atteindre 83,16 $/barils le vendredi 24 février, soit +0,16 $/barils de plus en une semaine (+0,19%).
Les cours du brut parviennent à se stabiliser sur fond de faible niveau de la demande, de hausse continue des stocks américains, et de craintes dissipées sur l’offre malgré les sanctions prononcées envers la Russie. Les incertitudes sur l’économie mondiale prennent le dessus sur les perspectives de forte consommation, notamment en Chine. Par ailleurs, l’hiver relativement doux en Europe, et dans d’autres régions du monde, a permis un retournement de situation plus que bienvenu en cette période de crise énergétique majeure.
Si les prix du brut ont commencé la semaine en légère hausse sur la session du vendredi 17 février, le souffle est vite retombé. En effet, les investisseurs attendent toujours des signaux positifs et définitifs concernant la reprise économique chinoise, second consommateur de produits pétroliers au monde. Dès le mardi 21 février, les cours sont repartis à la baisse, pris entre les attentes d’une reprise chinoise qui reste lente, et les inquiétudes sur la croissance mondiale. La très probable remontée des taux directeurs des Banques centrales du monde, tout comme le rebond du dollar sur les autres devises ont continué d’accentuer cette baisse. L’inflation reste aussi forte, et les gouvernements vont vraisemblablement poursuivre leurs actions pour la contrer. Ainsi, un potentiel cycle baissier pourrait s’installer, malgré les craintes portant sur la réduction de la production russe dès le mois de mars prochain.
Du côté de l’offre, les signaux sont positifs
Aux Etats-Unis, la publication hebdomadaire de l’état des stocks par l’AIE a donné un nouveau coup de fouet au marché mondial. Cette semaine est synonyme de forte hausse des réserves commerciales (qui ont progressé de 7,6 millions de barils), supérieures de 9% à leur niveau moyen de ces cinq dernières années. Les réserves stratégiques sont quant à elles restées au même niveau, à près de 371,6 millions de barils. C’est la septième semaine consécutive de hausse, ce qui contribue grandement à l’orientation des prix à la baisse. Les exportations américaines ont ainsi progressé (+1,4 millions b/j), alors que les importations n’ont que très peu augmentées.
Côté offre, les craintes concernant la réduction de la production de brut russe suite aux sanctions européennes semblent avoir peu d’effets jusqu’ici. Tant que la demande restera faible, et que l’offre continuera d’être abondante, les cours se stabiliseront, a minima, voire observeront une tendance baissière durable.
Nos perspectives restent donc optimistes, en tout cas avant l’observation de nouveaux éléments, que ce soit de la part de la Russie, de l’OPEP+, ou encore de la reprise économique chinoise.
Loïc ARILAZA, Analyste Pricing Team Leader
Marché des émissions
Le prix des émissions continue son ascension
Sur le marché des droits à polluer, la tendance haussière se poursuit également une semaine supplémentaire. Le contrat de référence ICE EUA Dec. 2023 termine la semaine à 97,39 €/t, soit en hausse de + 1,14 €/t sur le vendredi précédent (+ 1,18 %).
Si la hausse semble limitée, le prix des quotas est passé au-dessus de la barre symbolique des 100 €/t (settlement price) pour la session du mardi 21 février. Même si ce n’est pas un record, le prix s’est dangereusement rapproché du point historique le plus haut du 19 août 2022, quand le même produit affichait un prix de 100,80 €/t. Depuis la création du système d’échange de quotas en 2005, ce n’est que la deuxième fois que les prix des EUA dépasse ce seuil psychologique.
Cette hausse reste à replacer dans son contexte
La nuance reste toutefois de mise. En effet, de nombreux analystes ne tablent pas forcément sur une hausse infinie, du moins pour le moment. L’envolée du prix du gaz naturel en 2022 a poussé les entreprises à se tourner vers le charbon, une énergie bien plus émettrice de carbone, et donc nécessitant plus de droits à polluer. Mais le prix du gaz naturel européen tourne désormais plutôt autour des 50 €/MWh, un niveau près de sept fois inférieur à son pic d’août 2022.
Le système continuera de faire l’objet de réformes pour l’atteinte des objectifs ambitieux en termes de réduction des émissions de GES. Ces prochaines semaines, Bruxelles étudiera d’ailleurs de près les changements à venir, ce qui semble pouvoir tendre d’autant plus le marché. À court terme, les prix des EUA pourraient donc se maintenir dans un corridor de prix compris entre 90 et 100 €/t. Cela est d’autant plus vrai que le prix de la tonne de charbon continue de croître depuis maintenant près de deux semaines. Par ailleurs, l’optimisme économique semble être revenu dans la zone euro. Si la production industrielle augmente bel et bien, c’est d’autant plus de quotas qui seront nécessaires aux entreprises émettrices. Le marché reste donc tendu, et il faudra scruter les signaux futurs avec attention.
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