Comme chaque semaine, découvrez l’analyse de nos experts sur l’actualité du marché de l’énergie (électricité, gaz, pétrole, charbon…) pour une clôture des prix au 10 mars 2023.
Marché de l’électricité
Envolée des prix sur le marché de l’électricité
Cette semaine, contre toute attente, la courbe de long terme sur les marchés de gros de l’électricité en France s’est drastiquement retournée à la hausse. Le prix du contrat CAL 24 Baseload est passé sous le support symbolique des 150 €/MWh en atteignant son plus bas ce lundi 6 mars à 148,25 €/MWh, avant de repasser au-dessus des 200 €/MWh, seuil qui n’avait pas été atteint depuis mi-janvier 2023. En effet, les prix du contrat CAL 24 Baseload ont augmenté de +50,08 €/MWh en une semaine, traduisant une forte volatilité. Autrement dit, on observe une forte hausse significative de +32,17 % avec un prix de clôture de 205,75 €/MWh ce vendredi 10 mars.
Les cours sont repartis à la hausse à long terme
Alors que les prix de gros de l’électricité semblaient diminuer depuis plusieurs semaines, les récents évènements et informations ont enrayé cette tendance baissière. En cause, notamment, les épisodes de grèves et les annonces de fissures sur les réacteurs qui ont été source de craintes pour les acteurs du marché quant à une détérioration du système électrique. Les produits à très long terme ont également été impactés puisque le CAL 25 et le CAL 26 ont augmenté respectivement de +12,35 % et de +6,78 %. À court terme, malgré de fortes diminutions des capacités de production d’électricité en raison des grèves, les prix spot ont été baissiers. Cela s’explique notamment par une consommation relativement faible (entre 50 et 60 GW en fin de semaine) et par une production d’électricité éolienne record.
La production nationale affectée par la grève nationale
Le secteur de l’énergie s’y attendait, cette semaine a été une semaine « noire » concernant les moyens de production. En effet, les mouvements de grèves contre la réforme des retraites ont été massifs : on recense plus de 40% de grévistes chez EDF. Les capacités de production d’électricité en France ont fortement été réduites. On observe une baisse de production de 7,6 GW ce lundi 6 mars, de 15,2 GW ce mardi 7 mars et de 13 GW ce mercredi 8 mars. Toutes les centrales de production (hors EnR) ont été impactées, notamment les centrales nucléaires et hydroélectriques. Ces conditions sont source de tensions sur le réseau d’électricité et accentuent les craintes des acteurs. Ces baisses de production apparaissent alors comme des facteurs haussiers du prix de l’électricité.
Des fissures importantes découvertes sur de nouveaux réacteurs nucléaires
Dans le même temps, l’Autorité de Sureté Nucléaire (ASN) a communiqué de très mauvaises nouvelles cette semaine. Cette dernière a déclaré ce mercredi 8 mars avoir détecté des fissures importantes sur les réacteurs Penly 1, Penly 2 et Cattenom 3. Certaines de ces fissures identifiées seraient provoquées par de la « fatigue thermique » des tuyauteries des réacteurs. Contrairement aux problèmes de corrosion sous contraintes, le phénomène de « fatigue thermique » pourrait potentiellement concerner tous les réacteurs du parc nucléaire national.
Crainte d’un arrêt généralisé du parc nucléaire français
Ces récentes informations inquiètent les acteurs de l’énergie qui y voient une potentielle menace d’arrêts généralisés des 56 réacteurs français. L’ASN a ordonné à EDF d’identifier les autres réacteurs sur lesquels une vérification de défauts similaires doit être réalisée. Cela apparaît alors comme un facteur haussier des risques d’une diminution de la disponibilité nucléaire. In fine, cela se traduit par une hausse des prix de l’électricité à long terme. Tout cela dans un contexte d’inquiétudes concernant l’indépendance des analyses techniques effectuées et la sureté nucléaire avec le projet de réforme du gouvernement de fusion de l’IRSN et de l’ASN.
Production record d’électricité issue de l’éolien
Au-delà, nous pouvons noter quelques éclaircies dans l’obscurité de cette semaine avec une bonne nouvelle du côté des EnR. La production d’électricité issue des éoliennes a atteint un nouveau record ce vendredi 10 mars avec un pic à 16,644 GW lors du passage de la tempête Larisa. L’éolien a donc représenté plus de 25% de la production d’électricité nationale contre 9% en moyenne en 2022. Cela s’explique également par une part du nucléaire tombant à 50% au lieu des 70% habituels. Cela reste tout de même encourageant pour la filière qui ne cesse d’être déterminante dans l’équilibrage du réseau.
Le marché a été fortement mouvementé cette semaine. Les grèves ainsi que les découvertes de nouvelles fissures sur les réacteurs attisent les craintes des acteurs sur le marché de long terme. La forte volatilité de cette semaine impacte alors le risque de couverture de certains fournisseurs d’énergie qui pourrait limiter leur activité. Nous indiquions la semaine dernière qu’il était probable que les prix de gros passent sous les 150 €/MWh. Nous avons cependant été pris de court par cette étonnante remontée des prix poussée par la découverte de nouvelles fissures. Il est possible que cela se réduise à de simples effets d’annonces, dans ce cas le marché devrait rapidement se corriger. Néanmoins, si ces nouvelles fissures s’avèrent toucher davantage de réacteurs, nous pourrions entrer dans une nouvelle phase de flambée des prix.
Tristan BAUDU, Analyste pricing
Marché du gaz
Les prix du gaz réaugmentent après une baisse consécutive sur plusieurs semaines
Dernièrement, malgré l’adoucissement des températures qui ont permis de stabiliser les marchés du gaz naturel, cette semaine fut plutôt orageuse sur les différentes places boursières européennes. En effet, plusieurs éléments ont contrarié la chute inexorable des prix que nous connaissions depuis plusieurs semaines maintenant.
Les contrats pour une livraison en 2024 ont donc clôturé à 55,045 €/MWh le 10 mars 2023, subissant une hausse conséquente de +6,25€/MWh sur la semaine.
La face émergée de l’iceberg
Historiquement, l’approvisionnement européen en gaz n’a jamais été très diversifié. En effet, les différentes nations européennes dépendaient principalement de la Russie et de la Norvège. Après la genèse du conflit russo-européen, ils ont dû en quelque sorte improviser pour répondre à une demande importante. Cette stratégie fonctionne bien depuis plusieurs mois, étant donné que le prix du gaz naturel n’a jamais été aussi bas depuis le début du conflit.
Ce constat est dû à plusieurs facteurs. Tout d’abord, et c’est un élément que nous ne contrôlons pas à 100% : le niveau de la demande. Sur ce point, les tensions sont moindres. Les efforts de sobriété énergétique des gros sites industriels ont permis de réduire considérablement les importations de gaz. Nous retrouvons aussi des températures plutôt douces par rapport aux normales de saison, ce qui a permis aux ménages de moins faire tourner le chauffage. Enfin, l’utilisation accrue du nucléaire pour produire de l’électricité permettait également de solliciter les centrales à gaz dans une moindre mesure.
Au niveau de l’offre, l’approvisionnement conséquent en GNL constitue un élément phare. En effet, celui-ci a permis de palier aux importantes pertes russes depuis le début du conflit.
La face immergée de l’Iceberg, mise en lumière par certains incidents
La décision prise par l’UE d’augmenter considérablement la production nucléaire ainsi que les développement des importations de GNL comportent des failles.
Ces limites ont été mises en lumière la semaine dernière. Dans un premier temps, la CGT Elengy a annoncé la mise à l’arrêt de points d’approvisionnement stratégiques en GNL, pour 7 jours. Cette action, prise afin de peser contre le gouvernement au sujet de la réforme des retraites, impacte négativement l’offre.
Dans un second temps, l’ASN a déclaré le 8 mars avoir détecté une fissure majeure sur certains réacteurs, mais déjà à l’arrêt. Ceux toujours en activité seraient donc susceptibles de se retrouver aussi à l’arrêt, si jamais les inspections à venir permettaient de découvrir de nouvelles fissures. En cas de nouvelles mises à l’arrêt, cela sous-entendrait une utilisation plus importante des centrales à gaz, ce qui rajouterait des tensions sur la demande.
Après plusieurs semaines de baisse, certaines limites apparaissent. En effet, bien que les prix du gaz soient au plus bas depuis maintenant plusieurs semaines, nous remarquons que les différents leviers activés par l’UE sont voués à fonctionner uniquement à court terme.
Afin de stopper radicalement l’hémorragie, il faudrait traiter le problème à la source et arrêter de le contourner. Plusieurs facteurs pourraient permettre d’atteindre cet objectif à plus long-terme :
Continuer à produire localement afin de dépendre le moins possible de l’extérieur.
Multiplier autant que possible les partenariats, afin de faciliter les négociations au niveau des prix.
Perpétuer les efforts de sobriété énergétique.
Yanice MEGUENNI, Analyste pricing
Marché du charbon
Le prix du charbon reprend sa tendance haussière
Cette semaine, le prix à terme de la tonne de charbon repart légèrement à la hausse en Europe. Le produit ICE Coal API2 Cal 2024 clôturait la semaine à 138,16 $/t le vendredi 10 mars, soit 2,11 $/t de plus en une semaine (+1,55 %). À court terme, la même tendance se retrouve, la tonne de charbon pour une livraison en avril 2023 clôturant à 132,00 $/t, soit en hausse de +0,25 $/t sur le vendredi précédent.
Les cours avaient pourtant bien entamé la semaine, à court comme à long terme. La tendance baissière initiée la semaine précédente s’observait jusqu’au jeudi 09 mars, avant que le prix de la tonne ne bondisse en fin de semaine. En France, nous allons vraisemblablement connaître des périodes de trouble ces prochains mois. La découverte de nouvelles fissures sur certains réacteurs a commencé à orienter à la hausse les prix à terme de l’électricité. Cette nouvelle annonce devrait ainsi peser à court et moyen terme sur la production nucléaire. Ce manque à produire devra être compensé à la fois par une production renouvelable, mais aussi et surtout par l’utilisation plus soutenue des centrales thermiques (gaz et charbon).
La production chinoise va augmenter en 2023 mais ne suffira pas
En Chine, la production va augmenter pour sécuriser l’approvisionnement du pays. En 2021, le charbon a fourni près de 56,2 % de l’électricité produite, et la part prise par le charbon dans le mix électrique devrait au moins être aussi importante en 2023, si ce n’est plus. La Chine a en effet approuvé l’année dernière la construction de 106 GW de capacité électrique supplémentaire au charbon, soit 4 fois plus qu’un an plus tôt. La demande chinoise devrait ainsi exercer une pression haussière sur les marchés mondiaux. En effet, la production nationale ne suffira pas à couvrir intégralement les besoins domestiques.
Néanmoins, l’offre reste pour l’heure relativement importante, notamment de la part de l’Australie et de l’Indonésie. Cette-dernière prévoit d’ailleurs d’augmenter sa production de 11%, pour atteindre 41 millions de tonnes. En 2022, la production indonésienne avait atteint 31,10 millions de tonnes dont 12,5 millions de tonnes destinées aux exportations.
Marché du pétrole
Le prix du pétrole repart à la baisse sur fond de volatilité
Cette semaine, le prix du brut (BRENT, pour une livraison en mai 2023) corrige à la baisse pour atteindre 82,78 $/barils le vendredi 10 mars, soit -3,05 $/barils de moins en une semaine (-3,55 %).
Les cours des deux références mondiales cherchent toujours une direction claire et continuent d’observer une forte volatilité sur le marché. Une légère tendance haussière commençait à se dessiner la semaine précédente, mais la situation est tout autre aujourd’hui. Cette nouvelle semaine a été perturbée et orientée par des signaux négatifs concernant la reprise économique mondiale, et plus particulièrement américaine.
En début de semaine, les cours du brut débutaient la session en hausse après que les Emirats arabes unis ont démenti envisager une sortie de l’Opep. D’après les rumeurs, le pays serait ouvert à une augmentation de la production de l’alliance, une vision opposée à celle de l’Arabie saoudite, leader implicite de l’organisation. Il semblerait que cette information soit restée au stade de rumeur, mais elle a été suffisante pour faire réagir le marché, signe que les acteurs restent très sensibles à toute nouvelle annonce.
Dès mardi, les cours entament leur descente, notamment du fait des annonces de la Fed concernant des hausses plus importantes et plus régulières des taux d’intérêt directeurs aux Etats-Unis. Le patron de la Fed, Jerome Powell, met en avant la volonté de la Fed de resserrer les taux pour lutter contre l’inflation. Actuellement, la demande américaine de carburant reste relativement faible et cette nouvelle annonce devrait peser plus encore sur les perspectives de croissance économique. Le dollar, quant à lui, retrouve des couleurs, rendant d’autant plus onéreux l’achat de brut pour les acheteurs libellés dans d’autres devises.
Les objectifs de croissance mondiaux revus à la baisse
Pour appuyer cette tendance baissière, l’objectif de croissance chinoise est revu largement à la baisse. Fixé à 5%, il fait retomber l’enthousiasme des investisseurs qui attendaient une reprise rapide et soutenue. Globalement, les perspectives sur la demande sont plutôt pessimistes. Du côté de l’offre, les discussions entre l’Iran et l’AIEA vont dans le bon sens et pourraient aboutir à une levée, au moins partielle, des restrictions dont le pays souffre. Si cette levée est effective, les exportations de brut iranien pourraient reprendre, et continuer d’approvisionner significativement le marché.
Le marché reste donc incertain, et chaque nouvelle annonce sera scrutée par le marché. Les perspectives sur le niveau futur de la demande à court terme sont bien moins optimistes qu’en début d’année, et l’offre continue d’être importante. Les cours devraient donc rester volatils avant de trouver une direction claire.
Loïc ARILAZA, Analyste Pricing Team Leader
Marché des émissions
Le prix des émissions baisse pour la première fois cette semaine
Sur le marché des droits à polluer européen, la tonne de CO2 repart à la hausse après une semaine précédente globalement baissière malgré une forte volatilité. Le contrat de référence ICE EUA Dec. 2023 termine ainsi la semaine à 99,80 €/t, soit en hausse de +6,33 €/t sur le vendredi précédent (+6,77 %).
Le marché européen du carbone continue de fluctuer entre 90 et 100 €/t, comme cela était attendu. Il semblerait que le prix des contrats de référence puisse se stabiliser à ce niveau (qui reste élevé), et ce pour un certain temps. La tonne de CO2 commence à avoir un réel impact sur les obligés, ce qui est en lien direct avec les objectifs climatiques de l’Union européenne.
La spéculation reste également élevée sur ce marché. Cette hausse rapide des prix depuis le début de l’année attire les investisseurs en quête de rendements rapides. La semaine achevée le 3 mars, les prises de bénéfices avaient vraisemblablement permis de limiter les gains. Dans ce contexte, les industriels sont réellement incités à réduire leur consommation d’énergie, et ainsi participer à la stratégie de sobriété énergétique souhaitée par l’UE.
De nouvelles évolutions sur le plan réglementaire
Au niveau réglementaire, les États membres ont convenu de garantir collectivement une réduction de la consommation d’énergie finale d’au moins 11,7 % d’ici 2030, par rapport aux prévisions de consommation d’énergie faites en 2020. L’économie d’énergie sera progressive avec un objectif de réduction de 1,49 %/an de la consommation finale en moyenne. Par ailleurs, les 27 ont convenu de rénover chaque année au moins 3% de la surface totale au sol des bâtiments appartenant à des organismes publics. Cet accord politique, provisoire, sera soumis au Comité des représentants permanents au Conseil pour approbation. Quoi qu’il en soit, cet accord rentre dans la politique commune du paquet « Fit for 55 » présenté en juillet 2021 et visant à atteindre la neutralité climatique à horizon 2050 et l’objectif de réduction des émissions de GES d’au moins 55 % d’ici 2030.
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