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Analyse des actualités sur le marché de l’énergie – Mars 2023

actualité énergie mars 2023

Comme chaque semaine, découvrez l’analyse de nos experts sur l’actualité du marché de l’énergie (électricité, gaz, pétrole, charbon…) pour une clôture des prix au 17 mars 2023.

Marché de l’électricité

Le prix de l’électricité repart à la baisse

Cette semaine, la courbe de long terme sur les marchés de gros de l’électricité en France s’est corrigée à la baisse après l’inattendu retournement haussier de la semaine précédente. Notamment poussée par les récentes découvertes de nouvelles fissures sur les réacteurs nucléaires, la hausse de +50,08 €/MWh de la semaine passée semble alors se réduire à un effet d’annonce. Le prix du contrat CAL 24 Baseload est ainsi repassé sous le support symbolique des 200 €/MWh cette semaine traduisant d’une diminution des craintes des acteurs. Cependant la forte volatilité persiste puisque les prix du contrat CAL 24 Baseload ont baissé de -28,61 €/MWh en une semaine. Autrement dit, on observe une baisse significative de -13,91 % avec un prix de clôture de 177,14 €/MWh ce vendredi 17 mars.

Les produits à très long terme ont également suivi des corrections baissières puisque le CAL 25 et le CAL 26 ont diminué respectivement de -9,51 % et de -11,91 %. À court terme, l’impact des grèves sur les capacités de production d’électricité semble se ressentir sur le marché spot avec une hausse des prix sur la fin de la semaine. Du côté de la demande, la hausse des températures a eu pour conséquence de baisser le niveau de la consommation nationale : on observe une demande comprise entre 45 GW et 60 GW sur la semaine.

La production nationale en baisse cette semaine

Malgré une correction baissière des prix de l’électricité sur les marchés de long terme, cette semaine s’inscrit dans la projection de la semaine « noire » précédente. En effet, avec les mouvements de grèves qui se maintiennent, les capacités de production d’électricité ont encore été fortement impactées. On observe ainsi des baisses de production comprises entre 8 GW et 15 GW durant toute la semaine. De la même façon que la semaine précédente, toutes les centrales de production (hors EnR) ont été touchées, notamment les centrales nucléaires et hydroélectriques. Ces mouvements apparaissent toujours comme un facteur haussier du prix de l’électricité en diminuant l’offre sur le marché. La tension reste néanmoins atténuée en raison d’un niveau de demande modéré.

La capacité nucléaire reste toujours inférieure aux prévisions

En parallèle, on observe une capacité nucléaire inférieure aux prévisions d’EDF.  Cette dernière a baissé de 0,3 GW en une semaine pour atteindre 37,9 GW ce mercredi 15 mars. Elle était donc inférieure de 3,3 GW aux prévisions d’EDF. Malgré des prévisions haussières pour la semaine prochaine, on observe ainsi une baisse de la disponibilité nucléaire de 5,8 GW par rapport à la moyenne enregistrée sur le mois de février. On compte désormais 19 réacteurs à l’arrêt : soit une baisse de l’offre.

Qu’en est-il des infrastructures nucléaires ?

Avec la fin des températures hivernales, les impacts liés aux réductions d’offre d’électricité se font moins sentir. Les annonces quant aux nouvelles fissures détectées récemment maintiennent néanmoins un certain niveau de risque. RTE a indiqué cette semaine être préparé pour l’hiver prochain, estimant alors que l’offre ne devrait pas être trop impactée par ces fissures. EDF a de son côté confirmé son objectif de production d’électricité nucléaire de 300-330 TWh. L’énergéticien, qui a communiqué son plan de contrôle à l’ASN cette semaine, a identifié 320 soudures « risquées ». EDF souhaite alors contrôler 90% de celles jugées prioritaires avant la fin de l’année. Ces fissures « imprévues » apparaissent dans un contexte où le gouvernement souhaite fusionner l’IRSN et l’ASN. Projet très controversé, cette semaine les députés ont fait barrage en stipulant que la sûreté nucléaire devait reposer sur une « organisation duale ».

Vers une réforme du marché de l’électricité ?

Au-delà, la France a salué les propositions de la CE sur la réforme du marché de l’électricité, notamment sur la mise en place de contrats de long terme. Bien qu’il soit trop tôt pour l’affirmer, la coexistence des modèles de CFD et de PPA pourrait constituer les prémisses de ce qui remplacera l’ARENH après 2025.

Le marché semble s’être légèrement calmé avec sa correction baissière cette semaine. La volatilité persistante indique néanmoins que les craintes portées sur le système énergétique français sont toujours présentes. Malgré des annonces plutôt rassurantes de la part d’EDF et de RTE, le plan de contrôle d’EDF quant aux nouvelles fissures peut être source de bien de (mauvaises ?) surprises. L’ASN doit se prononcer d’ici la fin du mois de mars quant à la stratégie révisée d’EDF pour contrôler la corrosion sous contraintes des réacteurs. À court terme, les grèves semblent se maintenir, les conséquences sur le réseau également : on note d’importantes baisses de production Il est possible que les protestations sociales continuent, voire s’amplifient, à la suite de l’emploi du 49.3 par le gouvernement. Dans ce contexte, difficile d’anticiper les prochaines évolutions de prix, cela dépendra notamment de la validation de l‘ASN du plan d’EDF pour le contrôle de ses réacteurs.

Tristan BAUDU, Analyste pricing

graphique électricité 2023

Marché du gaz

Le marché du gaz retourne à la baisse

Le marché du gaz reprend du poil de la bête cette semaine. Après avoir montré ses limites la semaine dernière, les différents produits calendaires retrouvent leur tendance baissière.

Les contrats pour une livraison en 2024 ont donc clôturé à 48.65 €/MWh le 17 mars 2023, subissant une baisse de 6,40 €/MWh sur la semaine. On vous en parle.

Le GNL, une offre imparfaite mais nécessaire

La semaine dernière, nous constations que l’approvisionnement de GNL portait ses limites. Tout d’abord, la logistique n’est pas toujours bien  adaptée pour optimiser les importations européennes. Le seul fait de bloquer des méthaniers suffit à perturber l’approvisionnement. Par ailleurs, au vu d’une demande en gaz conséquente, le nombre de bateaux n’est toujours pas suffisant. Enfin, cette énergie reste polluante, même si moins que le charbon, par exemple.  Le gaz naturel n’est pas voué à être exploité sur le très long terme, au regard des mesures environnementales déjà en vigueur et celles à venir.

L’Europe veut diversifier ses approvisionnements gaziers

En dépit de ce constat, les pays européens ne semblent pas avoir le choix. Selon le cabinet Roland Berger, les investissements dans le secteur devraient atteindre 40 milliards de dollars par an jusqu’en 2025.

L’Europe souhaite sécuriser du mieux qu’elle le peut son approvisionnement en gaz. Certains pays ne sont pourtant pas totalement à l’aise à ce sujet. C’est le cas notamment de la France, dont les réserves devraient se situer en dessous de 30% d’ici la fin de l’hiver.

Comment répondre à la demande chinoise à l’échelle mondiale ?

En plus de tous les inconvénients que nous venons de citer concernant la filière GNL, les prix de cette énergie ne sont pas susceptibles de rester stables sur le long terme. En effet, la demande chinoise pourrait représenter près de 80% du GNL pour les années à venir.

L’Europe essaye donc de se tourner vers d’autres horizons. En Afrique, selon les données de Global Oil and Extraction Tracker, 84,7 % des nouvelles réserves de gaz naturel sont en phase de préproduction. Les nouveaux entrants tels que le Mozambique, le Sénégal ou encore la Mauritanie, pourraient soutenir, voire remplacer les producteurs déjà installés tel que l’Algérie ou le Nigéria, par exemple.  Si l’ensemble de ces projets sont réalisés, la production pourrait augmenter de 33% d’ici 2030. De plus, la majorité du gaz qui sera produit ne sera pas destinée à la consommation intérieure.

À court terme, la hausse des températures ainsi que la baisse des prix du charbon confortent la tendance baissière du gaz.

À moyen terme, c’est plus compliqué. Les stocks de gaz de certains pays européens sont très affaiblis actuellement. C’est le cas notamment de la France. Cela implique qu’il sera difficile de remplir à nouveau les stocks de gaz pour l’hiver prochain, si rien ne change.

À plus long-terme, les nouvelles sont toujours aussi bonnes. Les projets gaziers continuent de se multiplier, notamment en Afrique. Ces investissements permettront donc de conforter l’offre de gaz, et donc d’atténuer les prix sur le marché du gaz.

Yanice MEGUENNI, Analyste pricing
graphique gaz 2023

Marché du charbon

Le prix du charbon corrige à la baisse

Cette semaine, le prix à terme de la tonne de charbon corrige à la baisse en Europe. Le produit ICE Coal API2 Cal 2024 clôturait la semaine à 128,88 $/t le vendredi 17 mars, soit 9,48 $/t de moins en une semaine (-6,86 %). À court terme, la même tendance se retrouve, la tonne de charbon pour une livraison en avril 2023 clôturant à 127,00 $/t, soit en baisse de -5,00 $/t sur le vendredi précédent.

Le charbon entame donc une tendance baissière cette nouvelle semaine. L’hiver est déjà bien entamé et les températures restent bien au-dessus des normales de saison. Aussi, la demande d’électricité est « normale » et le recours aux centrales thermiques reste marginal. Par ailleurs, le prix du gaz naturel en Europe continue de chuter pour atteindre des niveaux raisonnables, bien loin de ceux constatés au plus fort de la crise. Ce repli important des prix du gaz entraîne un basculement dans son usage, au détriment du charbon. Dans le même temps, à court terme, la production renouvelable se porte bien, notamment pour l’éolien et le solaire. Malgré les inquiétudes sur le nucléaire français, il semblerait que les effets d’annonce de la semaine passée soient à présent bien retombés.

La Chine sécurise son approvisionnement

Ceci dit, les perspectives de consommation mondiale restent élevées pour l’année 2023. En Chine, près de 50 GW de capacités nouvelles en centrales à charbon ont commencé à être construites depuis 2022 (+50 % par rapport à 2021). Le pays souhaite clairement sécuriser son approvisionnement, à la fois par une production domestique soutenue qu’avec l’importation massive de charbon étranger (notamment d’Australie, de Russie, ou encore d’Indonésie).

En Europe, la Grande-Bretagne envisage de recourir au charbon thermique l’hiver prochain. Si jusqu’à présent les centrales à charbon de secours n’ont été utilisées qu’une seule fois, lors d’une vague de froid importante, le pays veut sécuriser son approvisionnement pour l’année (ou les années) à venir. Les fermetures prévues de certaines centrales n’auront donc pas lieu, ce qui n’est pas du goût des défenseurs de l’environnement.

Quoi qu’il en soit, à court terme, l’offre abondante permet d’orienter les cours à la baisse, alors même que la demande n’augmente pas, voire diminue. Les perspectives de court terme sont donc optimistes concernant l’évolution des cours. L’hiver touche à sa fin, et les inquiétudes portant sur l’approvisionnement en Europe sont désormais lointaines.

graphique charbon 2023

Marché du pétrole

Le cours du pétrole retourne à la baisse

Le prix du brut (BRENT, pour une livraison en mai 2023) continue sur sa tendance baissière pour atteindre 72,97 $/barils le vendredi 17 mars. Soit une baisse significative de -9,81 $/barils de moins en une semaine (-11,85 %). Une tendance baissière se dessinait déjà la semaine passée, mais cette semaine, les cours mondiaux ont été particulièrement impactés par de nouvelles annonces au sujet du système financier mondial. La faillite de la banque américaine SVB (Silicon Valley Bank) a mis un coup de froid à l’enthousiasme des investisseurs. La Fed, quant à elle, maintient sa politique de lutte contre l’inflation. Enfin, les stocks de brut américain continuent de progresser à la hausse pour abonder l’offre mondiale. On vous en parle plus bas.

L’impact de la faillite de la SVB

Si le début de semaine laissait présager d’une semaine haussière, avec le repli du dollar et une demande chinoise en hausse notamment, les cours se sont très rapidement orientés à la baisse jusqu’en fin de semaine. Les risques pour le système financier dans son ensemble suite à la faillite de la banque américaine SVB ont largement conduit les cours à la baisse. En effet, si la faillite se propageait, un effet domino pourrait mettre en péril l’économie américaine, voire plus largement mondiale, les systèmes étant interconnectés. Pour faire face à cette éventualité, un groupement de plusieurs banques majeures s’est réuni pour sauver la banque américaine First Republic et ainsi éviter la contagion, comme en 2008. Nous ne sommes toutefois pas au bord d’une crise aussi majeure, mais le sauvetage de Crédit Suisse par le gouvernement suisse, quelques jours plus tard, n’a pas suffisamment rassuré les investisseurs.

Les acteurs frileux sur leurs investissements

Les inquiétudes macroéconomiques jouent un rôle important sur l’évolution des cours du brut. Les acteurs retrouvent du pessimisme quant à l’avenir de la demande, ce qui n’est pas de bon augure pour leurs finances, d’autant que l’offre reste relativement abondante. En Chine, la croissance actuelle de l’activité reste en dessous des prévisions, et ne laisse pas entrevoir de reprise forte. Le dollar, pour sa part, perdait quelques plumes en fin de semaine dernière, mais pas suffisamment pour relancer l’intérêt général.

Au niveau de la Fed et de sa politique monétaire, un nombre non négligeable de traders craint qu’elle soit contrainte d’aller encore plus loin dans son resserrement monétaire, au risque d’asphyxier davantage l’économie américaine et de faire plier la demande. Le rapport hebdomadaire de l’AIE annonce une nouvelle hausse des stocks commerciaux (+1,6 Mb), malgré une accélération de l’activité des raffineries.

Les volumes disponibles sont plus importants que prévu, ce qui vient soulager plus encore l’offre, alors même que la demande reste faible. Les cours mondiaux du brut pourraient prendre un certain temps avant de remonter, tant que le pessimisme ambiant ne s’atténue pas.

Loïc ARILAZA, Analyste Pricing Team Leader
graphique pétrole 2023

Marché des émissions

Le prix des émissions suit celui du pétrole

Sur le marché des droits à polluer européen, la tonne de CO2 chute fortement dans un contexte de tourmentes sur les marchés financiers. Le contrat de référence ICE EUA Dec. 2023 termine ainsi la semaine à 84,58 €/t, soit une baisse de -15,22 €/t sur le vendredi précédent (-15,25 %).

Cette semaine, on constate donc une baisse importante des prix des EUA, initiée par un manque de confiance criant dans le système financier mondial. La faillite de la SVB et le sauvetage in extremis de Crédit Suisse par le gouvernement helvète n’ont pas permis de rassurer les acteurs financiers.

Un pessimisme affirmé

Le marché européen d’échange de quotas est depuis longtemps très spéculatif, notamment par l’intervention de nombreux hedge funds américains. Ce vent de panique joue donc logiquement un rôle de frein pour l’expansion, pourtant bien entamée, des prix des quotas. Comme pour les marchés du pétrole brut, les perspectives économiques jouent un rôle prépondérant sur l’évolution des cours. Le pessimisme ambiant a largement contribué à la chute de prix, les perspectives économiques demeurant incertaines et les investisseurs ayant retiré les billes avant d’accuser des pertes trop importantes.

Dans le même temps, comme nous l’avons vu plus tôt, le recours aux centrales thermiques pour la production d’électricité reste « raisonnable » pour la période actuelle. Les températures douces permettent de sécuriser l’approvisionnement européen, et l’hiver est bientôt terminé. Concernant la production industrielle, la croissance reste modeste, et le niveau d’activité actuel n’exerce pas de pressions importantes sur le prix des EUA.

Si la tendance ne devrait pas durer, le système financier ne montrant pas de signaux clairs d’effondrement, le prix des quotas pourraient prendre un certain temps avant de remonter à un niveau plus proche des fondamentaux. Nous suivrons les évolutions futures avec attention.

Loïc ARILAZA, Analyste Pricing Team Leader
graphique co2 2023

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