Analyse des actualités sur le marché de l’énergie – Mars 2023

analyse marché énergie mars 2023

Comme chaque semaine, découvrez l’analyse de nos experts sur l’actualité du marché de l’énergie (électricité, gaz, pétrole, charbon…) pour une clôture des prix au 24 mars 2023.

Marché de l’électricité

Le prix de l’électricité repart sur une tendance haussière

Cette semaine, la courbe de long terme sur les marchés de gros de l’électricité en France est repartie sur une tendance haussière. Malgré une demande d’électricité nationale faible (entre 45 et 55 GW), les mouvements de grèves à répétition ne cessent d’impacter les moyens de production exerçant alors une pression sur les prix. Le mois de mars s’avère alors être fortement volatil au regard des différentes variations enregistrées sur les marchés de gros ces dernières semaines. Les prix du contrat CAL 24 Baseload suivent une forte augmentation depuis le début du mois notamment en raison des nouvelles problématiques rencontrées sur le parc nucléaire et des réductions de l’offre d’électricité.

En effet, les prix du contrat CAL 24 Baseload ont augmenté de +14,25 €/MWh en clôturant ce vendredi 24 mars à 191,39 €/MWh (soit une hausse significative de +8,04 % en une semaine). Sur la base du niveau le plus bas atteint le 6 mars (148,25 €/MWh), le marché de gros accuse ainsi d’une hausse de +22,54 %. Les produits à très long terme sont également repartis à la hausse puisque le CAL 25 et le CAL 26 ont augmenté respectivement de +4,14 % et de +5,61 %.

Les mouvements des grèves poussent les prix à la hausse

Les mouvements de grèves face à la réforme des retraites ont de nouveau amputé les capacités de production d’électricité cette semaine. En effet, selon EDF, l’offre a été réduite d’environ 12,3 GW ce lundi 20 mars et 11 GW ce mardi 21 mars.  Ces mouvements poussent alors les prix à la hausse en apparaissant comme un facteur de déséquilibre du réseau d’électricité.

Réformes pour atténuer la volatilité des prix

En parlant de réformes, les dirigeants de l’UE souhaitent que celles liées à l’organisation du marché de l’électricité soient adoptées en 2023. Ces mesures étudiées aujourd’hui ont pour objectif d’atténuer la volatilité des prix sur les marchés de gros. Les possibilités mises en avant serait l’intégration de contrats de longs termes types CFD ou PPA. Il semblerait néanmoins que la modification de la tarification au coût marginal ne soit pas dans les projets de réformes – pour le plus grand soulagement de certains acteurs. De son côté, la France souhaite accélérer l’adoption des CFD nucléaires afin de remplacer le mécanisme de l’ARENH – très controversé – d’après la DGEC. Les CFD pourrait permettre de couvrir les coûts de construction et d’exploitation des réacteurs nucléaires tout en générant des bénéfices pour l’État lorsque les prix du marché sont élevés, et pourraient être réinvestis.

La loi pour faciliter le développement de l’énergie nucléaire

L’Assemblée nationale a adopté ce mardi 21 mars le projet de loi visant à accélérer la construction d’installations nucléaires. Ce texte supprime également l’objectif de réduction de la part du nucléaire dans le mix-électrique national. Cependant, les députés ont refusé l’autre projet très contesté du gouvernement : pas de fusion IRSN-ASN.

Sans surprise, on note une nouvelle fois une capacité nucléaire inférieure de 2,5 GW aux prévisions d’EDF. La disponibilité s’est établie à 39,1 GW ce mercredi 22 mars. À cette même date, 19 réacteurs étaient encore à l’arrêt (soit environ 37 % du parc national). La disponibilité a tout de même augmenté de 2,1 GW par rapport à la semaine précédente, et devrait atteindre 41,6 GW la semaine prochaine selon EDF.

Au-delà, du côté des EnR, outre l’attribution du plus grand projet de parc éolien off-shore à EDF, il semblerait que l’hydroélectricité pourrait produire 20 % de plus. C’est ce qu’ont indiqué les syndicats de la filière : la production d’hydroélectricité pourrait être augmentée de 12 TWh/an. Représentant près de 12 % de la production d’électricité nationale, nul doute que cet objectif ambitieux permettrait d’assurer la sécurité énergétique en France.

L’apparition du nouveau problème de corrosion sur les réacteurs nucléaires a déclenché une vague d’achats de panique et un « short-squeeze » (ou « liquidation forcée ») d’acteurs positionnés à la baisse. Alors que la tempête semblait être passée, les craintes des acteurs sur le marché ne semblent finalement pas s’estomper au regard de la volatilité et de la hausse des prix cette semaine. Rassuré par des rapports indiquant le maintien de l’objectif de production d’EDF pour 2023, le marché devrait néanmoins rester à des niveaux élevés ces prochaines semaines. En effet, une prime de risque devrait persister jusqu’à ce que toutes les fissures soient inspectées.

Tristan BAUDU, Analyste pricing

Prix électricité

Marché du gaz

Le marché du gaz retourne à la baisse

Malgré une légère baisse cette semaine, la volatilité des prix du gaz naturel est toujours au rendez-vous. Après avoir traversé une longue phase de stabilité, le marché du gaz pourrait être amené à être perturbé pour les semaines à venir. 

Les contrats pour une livraison en 2024 ont donc clôturé à 48.306 €/MWh le 24 mars 2023, subissant une baisse de 0,34 €/MWh sur la semaine. On vous en parle.

L’année 2023 : Une année de transition ?

Malgré la légère baisse constatée cette semaine, la situation devrait rester toujours aussi floue pour les mois à avenir. L’UE a pour objectif cette année d’augmenter ses importations de GNL en provenance des 4 coins du monde. En parallèle, l’objectif est également de mettre fin progressivement aux différents contrats établis avec la Russie. Il est intéressant de noter qu’à ce jour, seul le flux de gaz transitant par les gazoducs russes a été fortement réduit. Concernant le GNL russe, la France, par exemple, en est toujours dépendante (consommation à 36%). Même si l’UE décide de continuer à consommer du GNL russe en attendant que l’orage passe, le Président Poutine pourrait très bien prendre l’initiative de réduire ses exportations de GNL vers l’Europe en prétextant des soucis techniques au niveau des installations. A ce jour, tant que les conflits géopolitiques ne sont pas résolus, nous n’avons aucunes certitudes quant à la stabilité du marché gazier. Malgré les baisses successives d’une semaine à l’autre, cette problématique ne permet donc pas de sécuriser l’avenir énergétique européen.

L’UE anticipe : Mieux vaut prévenir que guérir

En plus de l’incertitude liée aux importations de GNL russe, les mouvements de grève en France pourraient continuer à perturber l’approvisionnement.

Afin de résoudre cette problématique, les différents dirigeants européens ont appelé les gouvernements à s’assurer de remplir les stockages de gaz dès cet été. D’habitude, celui-ci se fait plus tardivement.

De plus, la Commission européenne a également proposé de prolonger l’objectif de réduction de demande de gaz de 15%, et ce jusqu’en mars 2024.

A court terme, la venue du printemps devrait permettre d’atténuer les tensions sur le marché du gaz.

A moyen terme, les prévisions sont toujours aussi floues, et témoignent donc d’une reprise importante  de la volatilité des prix.

À plus long-terme, la tendance est toujours aussi baissière.

Yanice MEGUENNI, Analyste pricing

Marché du pétrole

Le prix du pétrole repart à la hausse

Le prix du brut (BRENT, pour une livraison en mai 2023) repart à la hausse pour atteindre 74,99 $/barils le vendredi 24 mars, soit 2,02 $/barils de plus en une semaine (+2,77 %).

Comme on peut le constater, la hausse reste légère. La perte de confiance dans le système bancaire mondial y est pour quelque chose. En effet, une tendance baissière soutenue était parvenue à s’installer dans un contexte d’offre abondante, de perspectives de croissance économique incertaines, de reprise chinoise lente, mais aussi et surtout de faillites successives de banques américaines (notamment SVB) et de Crédit Suisse. Le vent de panique est toutefois retombé, même si la confiance des investisseurs n’est pas totalement revenue. Dans le même temps, la politique agressive de la Fed américaine laisse entrevoir des hausses de taux directeurs fréquentes et importantes pour contrer l’inflation.

La confiance n’est donc pas tout à fait revenue du côté des investisseurs. En cette période de troubles et de craintes sur plusieurs plans, les investisseurs ont tendance à délaisser les actifs risqués comme les matières premières. Les marchés du pétrole brut en sont le bel exemple. Bien que les faillites n’aient pas tant impacter les économies, le spectre de la crise des subprimes de 2008 et sa contagion à toute l’économie mondiale pèse lourd sur les cours. Les acteurs financiers fonctionnent à la confiance, et quand celle-ci est en berne, l’intérêt est logiquement moindre. Quoi qu’il en soit, pour l’heure, la propagation à l’économie réelle ne semble pas d’actualité. En effet, ces faillites successives ont été contenues par l’assurance des dépôts en toute ou partie des clients de ces différentes banques. 

Du côté de la Fed, l’accent est mis sur la poursuite d’une politique agressive pour faire face à l’inflation bondissante. Aucun ralentissement des hausses de taux n’est donc prévue, ce qui devrait peser encore un peu plus sur l’économie américaine, et donc sur le niveau de la demande. 

Du côté de l’offre, la Russie annonçait en milieu de semaine prolonger la réduction de sa production de brut d’environ 500 000 barils/jour jusqu’à fin juin. Cette nouvelle annonce arrive un mois après la première, en représailles suite aux sanctions internationales visant le pétrole russe. Cette réduction représente à peu près 5 % des extractions russes quotidiennes, mais ne semble qu’avoir peu d’impact tant la demande est faible.

Enfin, le report des achats de brut par le gouvernement américain a continué d’orienter les cours à la baisse. Les stocks doivent être reconstitués, mais des difficultés sur deux des quatre principaux sites de stockage retardent le remplissage. Globalement, le prix du brut devrait donc rester bas ces prochaines semaines, le climat général demeurant morose. La reprise chinoise est toujours plus lente que prévu, et peu de signes encourageants sur la croissance mondiale.

Quand le marché sera suffisamment rassuré, la demande et l’appétit des investisseurs parviendront à tirer de nouveau les prix à la hausse pour se stabiliser d’ici à la fin de l’année. Le rôle de la Chine sera ainsi primordial. Affaire à suivre.

prix du charbon evolution 2023
74/99 $/barils

Marché du charbon

Le prix du charbon corrige à la baisse

Cette semaine, le prix à terme de la tonne de charbon corrige à la baisse une semaine supplémentaire en Europe. Le produit ICE Coal API2 Cal 2024 clôturait la semaine à 126,60 $/t le vendredi 24 mars, soit 2,08 $/t de moins en une semaine (-1,62 %). À court terme, la même tendance se retrouve, la tonne de charbon pour une livraison en avril 2023 clôturant à 125,05 $/t, soit en baisse de -1,95 $/t sur le vendredi précédent.

Depuis plusieurs semaines désormais, le prix de la tonne de charbon poursuit sa descente. L’hiver étant presque terminé, le recours aux centrales à charbon reste marginal, d’autant que les températures sont (heureusement) restées globalement douces cet hiver. En parallèle, une bonne production renouvelable (notamment éolienne) permet de couvrir en grande partie les besoins en électricité. Quant au gaz, la trajectoire relativement stable, voire baissière, qu’observe la courbe permet la préférence de son usage quand cela est possible.

Tous ces éléments jouent en la faveur du prix des énergies thermiques, moins sollicitées, donc moins chères. Sur le marché européen des quotas d’émission, le coût de la tonne de CO2 émise est légèrement plus élevé par rapport à la semaine précédente, mais peu d’impact sur les prix du gaz naturel ou du charbon. 

Au niveau mondial, la hausse de la production domestique chinoise à court/moyen terme continue de soulager le marché, car pesant moins lourd sur le niveau de la demande. L’Australie, dans le même temps, reprend les exportations de l’autre or noir, notamment vers la Chine. La tendance pourrait donc se confirmer cette nouvelle semaine.

prix du charbon en europe 2022 2023
Prix du charbon en Europe 2022-2023

Marché des émissions

Le prix des émissions remonte malgré le contexte incertain

Sur le marché des droits à polluer européen, la tonne de CO2 remonte légèrement malgré le contexte économique incertain. Le contrat de référence ICE EUA Dec. 2023 termine ainsi la semaine à 87,65 €/t, soit en hausse de +3,07 €/t sur le vendredi précédent (+3,63 %).

Après la chute importante du prix des quotas constatée la semaine précédente, une nouvelle tendance haussière semble pouvoir se dessiner sur le marché. La faillite successive de plusieurs banques américaines avait marqué un coup d’arrêt à l’expansion du prix des EUA. En effet, les acteurs spéculatifs n’ont pas vu d’un bon œil ces faillites, et la confiance dans le système financier de manière générale a été ébranlée.

Néanmoins, le scenario d’une probable propagation à l’ensemble de l’économie mondiale semble pouvoir être désormais écartée. Si la confiance devrait donc revenir, lentement, le prix de la tonne de CO2 émise repart à la hausse pour vraisemblablement s’établir vers un niveau qui semble être la nouvelle norme : proche de 100 €/t.

Le tissu industriel européen reste pour l’heure peu impacté, malgré l’inflation. Les obligés (gros industriels, pour la plupart gros pollueurs) auront donc besoin d’acheter des quotas supplémentaires si leur niveau de production se maintient bel et bien.

Dans le même temps, la spéculation reste forte sur le marché. Les prises de profit de la semaine précédente sont terminées, et l’appétit des investisseurs revient peu à peu.

Globalement, le marché européen du CO2 devrait connaître une année 2023 significative. Le système commence à être mature, et les acteurs ont largement intégré son intérêt et ses coûts dans leur stratégie de production.

L’avenir nous en dira plus sur le devenir du système, mais le coût de la tonne de CO2 émise devrait continuer d’être en lien avec les objectifs ambitieux de l’Union européenne, en termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Loïc ARILAZA, Analyste Pricing Team Leader
Prix du CO2 2022-2023
Prix du CO2 2022-2023

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