Comme chaque semaine, découvrez l’analyse de nos experts sur l’actualité du marché de l’énergie (électricité, gaz, pétrole, charbon…). Puisque les marchés étaient fermés durant ce week-end de Pâques, nous nous basons ici sur une clôture des prix au 6 avril 2023.
Marché de l’électricité
Nouvelle semaine à la hausse sur les cours de l’électricité
La courbe de long terme sur les marchés de gros de l’électricité en France a poursuivi sa tendance haussière pour la troisième semaine consécutive. Du côté de la demande d’électricité nationale, il semble y avoir eu un léger regain avec des niveaux compris essentiellement entre 50 et 60 GW, rien d’alarmant. Il semble néanmoins y avoir un « essoufflement » du potentiel haussier lié aux grèves et aux craintes quant au parc nucléaire. En effet, le prix du contrat CAL 24 Baseload est monté jusqu’à 236,10 €/MWh ce lundi 3 avril avant de corriger à la baisse en milieu de semaine.
La pression sur le marché semble se maintenir puisque les prix sont restés au-dessus des 215 €/MWh. Les prix du contrat CAL 24 Baseload ont augmenté de +0,95 €/MWh en clôturant ce jeudi 6 avril à 219,17 €/MWh (les marchés étaient fermés ce vendredi 7 avril), soit une légère hausse de +0,44 % en une semaine. Les produits à très long terme suivent la même tendance, notamment le CAL 26 Baseload qui enregistre une variation de +2,85 %. Finalement, la tendance haussière semble s’atténuer, bien que la volatilité reste toujours importante entre les 2 clôtures de fin de semaine.
L’offre a été diminuée cette semaine
La demande d’électricité cette semaine a été légèrement supérieure à celle de la semaine précédente (RTE). L’offre d’électricité quant à elle s’est encore vue être amputée en raison des mouvements de grèves contre la réforme des retraites. On note une baisse de la capacité électrique de 5,6 GW ce mardi 4 avril d’après les données d’EDF et d’Engie. Outre les impacts directs à court terme des abaissements de production, les grèves pourraient provoquer des tensions sur le marché à plus long terme en retardant les maintenances des réacteurs. Les craintes liées aux protestations sociales impactent alors les prix à la hausse, à court terme comme à long terme.
Bonnes nouvelles pour l’hydroélectrique
Côté production toujours, la production d’hydroélectricité française devrait revenir à la normale, voire la dépasser d’ici mai. En effet, les précipitations du mois de mars ont permis d’atteindre des bons taux de remplissage des réservoirs : plutôt rassurant face aux risques de sécheresse connus. En parallèle, d’après le directeur général du syndicat éolien FEE, le retard sur l’énergie éolienne pourrait nuire à l’approvisionnement électrique pour l’hiver 2024.
On note tout de même le lancement d’un projet éolien offshore de 500 MW en France, porté par Ocean Winds avec un investissement de 2,5 milliards d’euros.
La capacité nucléaire devrait continuer d’augmenter dans les semaines à venir
Bonne nouvelle du côté de la filière nucléaire cette semaine : les capacités de production ont été supérieures de 1,8 GW aux prévisions d’EDF. En effet, avec une hausse de 2,8 GW en une semaine, la disponibilité nucléaire a atteint 40,3 GW ce mercredi 5 avril. Malgré cela, le parc national est toujours largement réduit avec 19 réacteurs encore à l’arrêt. Le programme de redémarrage d’EDF prévoit néanmoins de rouvrir 6 réacteurs courant avril.
Les centrales sauront-elles répondre aux envies du gouvernement ?
Alors que nous évoquions la semaine dernière la volonté d’Emmanuel Macron d’adapter les systèmes de refroidissement des centrales nucléaires pour éviter d’éventuels arrêts cet été, le gouvernement semble désormais vouloir augmenter la puissance des réacteurs actuels. C’est en effet ce qu’a demandé la ministre Agnès Pannier-Runacher auprès d’EDF : « Accroître la production de 3% sur 60 GW […] correspond à 2 réacteurs ». L’intérêt d’une telle mesure serait de « contribuer » à relever la production d’électricité décarbonée en France. Ce projet est en phase d’étude par EDF et l’ASN, cependant au vu des problèmes déjà rencontrés, cela pourrait être source de craintes quant à la sureté nucléaire sur le marché.
Comme l’illustre le graphique suivant, le marché à terme de l’électricité est significativement reparti à la hausse depuis le mois de mars 2023. Les épisodes de grèves ne cessent d’impacter les capacités de production dans un contexte où de fortes incertitudes planent quant à la disponibilité et à la sureté du nucléaire en France. Malgré la légère correction baissière initiée cette semaine, les prix de long terme devraient continuer à suivre une forte volatilité tournée à la hausse en raison des contraintes persistantes du point de vue de l’offre. Cependant, si EDF tient son programme de redémarrage des réacteurs, la tension sur le réseau devrait être amoindrie et les prix de gros pourraient repartir à la baisse.
Tristan BAUDU, Analyste pricing
Marché du gaz
Volatilité toujours très importante sur le marché du gaz
Comme nous le constatons depuis maintenant plusieurs semaines, les différents bourses gazières sont animées par un phénomène de « montagnes russes ». D’une semaine à l’autre, la tendance est différente. Après avoir subi une hausse ce lundi dernier, les différents produits calendaires sont repartis à la baisse fin de semaine dernière.
Les contrats pour une livraison en 2024 ont donc clôturé à 51,66 €/MWh le 7 avril 2023, subissant une baisse de 2,95 €/MWh sur la semaine.
Afin de sécuriser au mieux les marchés du gaz, vaut-il mieux s’axer sur la demande plutôt que sur l’offre ?
Malgré le fait d’avoir retrouvé des prix plutôt raisonnables en ce début d’année 2023, la France ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Les facteurs ayant favorisé cette chute vertigineuse des prix ne sont pas voués à perdurer dans le temps. En plus des grèves qui continuent de perturber l’approvisionnement en gaz, les différentes sources d’approvisionnement ne sont pas forcément fiables sur le long terme. Nous avons par exemple les Pays-Bas qui prévoient de fermer le plus grand gisement de gaz d’Europe dès cette année, suite à des séismes qui subsistent régulièrement.
Au vu de ces incertitudes, le ministre de l’Énergie français souhaite donc accentuer davantage le levier sur la demande. La principale mesure consiste à réduire considérablement la consommation de gaz concernant l’utilisation du chauffage. La CRE ambitionnerait d’atteindre une baisse comprise entre 43 et 85% d’ici 2050, selon ses différents scénarios établis.
Les objectifs émis par les dirigeants français sont-ils trop ambitieux ?
Actuellement, les chaudières à gaz représentent la principale problématique. Celles-ci sont déjà progressivement interdites à la vente sur le marché du neuf. La prochaine étape consisterait donc à les bannir définitivement et donc prohiber leur renouvellement au sein des bâtiments anciens. En plus d’intensifier les tensions sur la demande de gaz, ces appareils sont nocifs pour la planète, et ne permettent pas de respecter les critères de terme d’efficacité énergétique.
Malgré tous ces arguments incitant les français à s’en débarrasser, la transition ne peut pas être aussi radicale, surtout en cette période. La France n’est pas capable aujourd’hui de remplacer toutes ces chaudières à gaz par des appareils électriques. Pour cela, Il faudrait donc construire des réacteurs nucléaires et des champs de production d’énergies renouvelables pour pouvoir répondre à cette hausse de la demande en électricité. Ces projets étant réalisables sur le plus long-terme, il faudra donc se contenter pour l’instant d’autres alternatives comme les pompes à chaleur hybrides par exemple.
À court et moyen terme, la tendance est toujours aussi volatile, alimentée principalement par les mouvements de grève. Le fait que le plus grand gisement de gaz d’Europe devrait être fermée par les Pays-Bas, n’améliore guère la situation. Cet élément serait susceptible d’impacter significativement l’offre de gaz en Europe.
À plus long-terme, la tendance baissière est toujours aussi justifiée par les différents projets susceptibles d’émerger. De plus, certains pays comme la France par exemple focalisent davantage leur stratégie sur la demande. L’objectif consisterait donc à rentrer dans cette nouvelle ère, où la consommation de gaz pour les ménages, serait dérisoire.
Yanice MEGUENNI, Analyste pricing
Marché du pétrole
Nouvelle semaine à la hausse sur les cours du pétrole
Le prix du brut (BRENT, pour une livraison en juin 2023) poursuit sa hausse pour atteindre 85,12 $/barils le jeudi 6 avril, soit 5,23 $/barils de plus en une semaine (+ 6,55 %).
Globalement, les prix du brut des deux références mondiales parviennent à remonter pour la seconde semaine consécutive. Les indicateurs économiques sont meilleurs aux Etats-Unis, à court terme ; ce qui conduit à une hausse de la demande, notamment de carburant. Toutefois, le spectre d’une potentielle récession aux Etats-Unis, et plus largement au niveau mondial, continue d’apporter de l’incertitude sur les perspectives des investisseurs. Si les stocks commerciaux américains sont bien en recul, les perspectives de croissance américaine ne permettent pas de hausses très importantes. Dans le même temps, la décision de l’Opep+ de réduire encore un peu plus ses objectifs de production d’ici la fin de l’année ajoute une pression sur l’offre. On vous en parle plus bas.
Les investisseurs dans l’attente de nouveaux signaux
Le début de semaine est marqué par une hausse significative sur le prix de clôture de la session du vendredi 31 mars. Si pour le reste de la semaine le prix est resté relativement stable, la hausse constatée s’inscrit dans la tendance de reprise de confiance de la part des investisseurs.
En effet, la semi-crise bancaire et le manque de confiance associé aux faillites de plusieurs banques américaines sont désormais derrière. La confiance revient, et la demande américaine donne des signaux positifs pour les investisseurs. La demande d’essence est supérieure de 3,9% sur les quatre dernières semaines, comparé à son niveau de 2022 à la même époque. Il faut cependant relativiser ce chiffre pourtant encourageant. Les créations d’emplois dans le secteur privé restent en deçà des attentes (145 000, contre 261 000 anticipées) en mars. C’est le même constat pour l’indice ISM, qui répertorie les créations d’emplois dans le secteur tertiaire (services).
Les stocks commerciaux et les réserves américaines diminuent
Concernant l’état des stocks commerciaux, l’EIA annonçait cette semaine une nouvelle baisse des stocks commerciaux : -3,7 millions de barils pour la semaine achevée le 31 mars, soit plus du double attendu par les analystes. Par ailleurs, les réserves stratégiques, stables depuis janvier, ont reculé de 400 000 barils. Le gouvernement américain va même ponctionner quelque 26 millions de barils d’ici juin, en vertu d’une loi votée en 2015 par le Congrès.
Comme nous pouvons le constater, les réductions de production du côté de l’Opep+ n’ont qu’un effet limité sur les cours. Le marché semble pour l’heure plus préoccupé par un ralentissement de l’activité économique mondiale. Les cours devraient cependant pouvoir se maintenir au-dessus de 80 $/barils. Nous scruterons les nouveaux signaux avec attention.
Loïc ARILAZA, Analyste Pricing Team Leader
Marché du charbon
Le prix du charbon revient à la baisse
Cette semaine, le prix à terme de la tonne de charbon corrige à la baisse. Le produit ICE Coal API2 Cal 2024 clôturait la semaine à 135,85 $/t le jeudi 6 mars, soit 7,19 $/t de moins en une semaine (- 5,03 %). À court terme, la même tendance se retrouve, la tonne de charbon pour une livraison en avril 2023 clôturant à 135,10 $/t, soit en baisse de -5,90 $/t sur le vendredi précédent.
La demande diminue avec la hausse des températures
La courbe du charbon repart donc à la baisse cette semaine. La demande européenne se réduit avec l’arrivée des beaux jours. Dans le même temps, les prix du gaz naturel se maintiennent à des niveaux raisonnables et observent une tendance baissière cette semaine. Les efforts de sobriété énergétique cet hiver, accompagnés de températures douces, ont largement permis de réduire la facture énergétique de l’Union européenne. La crise énergétique de 2022 initiée par la forte dépendance européenne aux hydrocarbures russes s’éloigne de jour en jour, même si le conflit dure et qu’une sortie diplomatique ne semble pas pouvoir s’entrevoir. Quoiqu’il en soit, les stratégies de diversification des sources d’approvisionnement commencent à porter leurs fruits.
Le prix des Emissions dissuade les acteurs
L’autre élément notable réside dans la hausse continue des quotas d’émissions CO2 européens. Le prix des EUA doit permettre à l’Europe de sortir le plus rapidement possible de la consommation d’hydrocarbures, très nocifs pour l’environnement. Un prix élevé du CO2 contribue au désintérêt du charbon, plus polluant que le gaz naturel, notamment pour la production d’électricité. Il semble légitime de s’attendre à la même tendance pour les semaines à venir, jusqu’au moment où le prix retrouvera une certaine stabilité.
Marché des émissions
Nouvelle augmentation du prix des émissions
Sur le marché des droits à polluer européen, la tonne de CO2 continue de progresser à la hausse une semaine supplémentaire. Le contrat de référence ICE EUA Dec. 2023 termine ainsi la semaine à 96,66 €/t, soit en hausse de +4,73 €/t sur le vendredi précédent (+5,15 %).
C’est donc une nouvelle semaine de hausse pour le prix des EUA. La confiance des investisseurs dans le système financier de manière générale est globalement revenue. Le marché demeurant spéculatif, de meilleures perspectives de croissance au sein de l’Union européenne permettent aux prix des quotas de grimper, les acteurs spéculatifs misant sur une hausse des cours.
Le niveau actuel des prix contribue à l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre en Europe. Au niveau réglementaire, pas de nouvelles notables pour l’heure. Le système se régule, les obligés ont intégré cette variable dans leurs coûts de production. In fine, l’atteinte des objectifs environnementaux implique de facto un coût du CO2 élevé.
La courbe s’oriente donc vraisemblablement dans la bonne direction, et pourrait très prochainement tutoyer la barre de 100 €/t. Les prises de profits parviendront ponctuellement à stopper la progression des prix, mais la tendance de long terme semble se situer vers un prix élevé du CO2, autour de 100 €/t pour le moment, et au-delà ces prochaines années.
Loïc ARILAZA, Analyste Pricing Team Leader
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