Pourquoi la flambée des prix de l’énergie ?
Les prix de l’électricité ont complètement bondi sur l’année 2022-2023. Tristan Baudu, analyste pricing chez Capitole Energie, décrypte en 5 minutes la formation des prix qui peut permettre d’expliquer cette forte augmentation.
Tristan Baudu (TB) : « Alors aujourd’hui, nous allons parler de la flambée des prix sur le marché de l’énergie. Plus spécialement de la flambée des prix de l’électricité. Le prix de gros de l’électricité a connu une forte augmentation ces dernières semaines, atteignant de nouveaux records, comme vous avez peut-être déjà entendu parler.
On a atteint à la fin du mois d’août 2022 la barre symbolique dès 1 000 € du MWh, allant même jusqu’à 1 130 €/MWh ce 26 août 2022. Alors pour faire simple, ça fait quand même une augmentation multipliée par dix en seulement un an. Alors comment comprendre cette augmentation des prix sur le marché de l’électricité ? C’est ce que nous allons tenter d’expliquer. »
Voici un graphique représentant l’évolution du prix de l’électricité sur l’année 2022. On y constate la hausse conséquente des prix depuis le début de l’année, jusqu’à atteindre des records au mois d’août.
Comment se forment les prix de l’électricité ?
Les prix de l’électricité sont déterminés par plusieurs facteurs : l’offre et la demande sur le marché, les coûts de production de l’électricité, les coûts de transmission et de distribution, les politiques gouvernementales et réglementations, ainsi que les fluctuations des prix réels des combustibles fossiles.
TB : « Les prix de gros sur le marché de l’électricité sont régis par les lois classiques de l’offre et de la demande. Il est important de rappeler qu’en France, le mix électrique est principalement composé de nucléaire, donc de près de 70 %. On a également 20 à 25 % d’énergie renouvelable et le reliquat, donc les 5 à 10 % restant sont finalement les centrales thermiques et notamment les centrales à gaz. »
Les prix de l’électricité sont fixés sur ceux du gaz ?
Si le prix de l’électricité a tant augmenté, cela est aussi dû à l’actualité autour du gaz et de la Russie. En effet, le prix de l’électricité est fixé sur son coût de production le plus élevé. Ce sont les centrales de production thermiques au gaz qui coûtent le plus cher d’un point de vue production. Le prix courant de l’électricité suit donc celui du gaz.
Tristan Baudu et les analystes pricing de Capitole Energie analysent chaque semaine les actualités sur les marchés de l’énergie. Pour recevoir en avant-première dans votre boite mail leurs analyses complètes et leurs perspectives d’évolution, c’est par ici :
TB : « Dans ce contexte de reprise économique post-covid, nous avons tout d’abord eu une reprise forte de la consommation, avec une demande de gaz qui est repartie à la hausse et qui a naturellement poussé les prix du gaz à la hausse.
À côté de ça, nous avons eu également un choc d’offre par une production renouvelable relativement faible. C’est l’éolien, mais aussi de l’hydroélectricité qui a été fortement impacté par les épisodes de canicule cet été.
Au-delà de ça, nous avons eu une indisponibilité nucléaire record en France. L‘été 2022, il y a eu plus de 30 réacteurs à l’arrêt sur un total de 56 réacteurs. Ce qui a facilement poussé les producteurs d’énergie à se recentrer sur les centrales de production thermique et notamment les centrales à gaz.
Pour finir, et un évènement qui n’est pas des moindres, c’est le conflit entre la Russie et l’Ukraine. La Russie est normalement un des plus gros exportateurs de gaz en Europe. Avec ce conflit, la Russie a considérablement diminué les exportations de gaz en Europe. En conséquence, l’offre a diminué et poussé les prix à la hausse. »
Une production nucléaire historiquement faible
En effet, de nombreuses centrales nucléaires sont à l’arrêt depuis plusieurs mois. Les centrales en maintenance n’ont pas non plus redémarré dû à des problèmes de corrosion découverts sur certains réacteurs. La corrosion affecte des systèmes de refroidissement des réacteurs.
Si EDF s’est engagé à redémarrer ses centrales pour l’hiver 2022/2023, au mois de novembre, plus de 50% de la capacité nucléaire française est toujours à l’arrêt. Ainsi, sur les 9 premiers mois de l’année 2022, le nucléaire français a pu produire 209,2 TWh d’électricité. C’est 59 TWh de moins que sur les 9 premiers mois de 2021.
Quelles sont les conséquences attendues ?
TB : « Nous avons tout d’abord un impact direct puisque la hausse des prix sur les marchés de gros de l’électricité va avoir un impact sur les factures énergétiques des consommateurs, que ce soient des professionnels ou des particuliers. Cette flambée des prix correspond à ce phénomène d’inflation record que nous connaissons actuellement.
Nous avons également des risques concernant une récession économique au niveau européen, mais également au niveau mondial. Au-delà, nous avons également des risques au niveau du réseau d’électricité puisqu’il se voit beaucoup plus tendu. Et les risques de coupure d’électricité sont réels et potentiels au niveau de l’hiver.«
Le signal Ecowatt pour surveiller le réseau
RTE a annoncé que le risque de coupures d’électricité est élevé pour le mois de janvier 2023. Pour prévenir les consommateurs, l’Ademe et RTE ont mis en place un signal qui permettrait de lancer des alertes en cas de risque sur le réseau. Le signal EcoWatt prévoit donc 3 niveaux d’alerte :
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- Le signal vert si le réseau est stable.
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- Lorsque le réseau est tendu, un signal orange est émis pour avertir les utilisateurs. Il est vivement recommandé de mettre en place des éco-gestes pour réduire la consommation d’énergie.
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- Le signal rouge indique que le système électrique est très tendu. Si rien n’est fait pour réduire la consommation, des coupures de courant sont inévitables.
Téléchargez l’application Ecowatt pour recevoir des notifications en cas de passage en signal orange ou rouge du réseau et ainsi être alerté des risques de coupure.
Quelles sont les solutions envisagées ?
TB : « Aujourd’hui, les pouvoirs publics tentent de trouver des solutions pour réguler le marché de l’énergie et plus particulièrement le marché de l’électricité.
Dans un premier temps, nous avons pris des mesures pour réduire la demande en énergie en encourageant la sobriété énergétique et l’efficacité énergétique. Les pays se sont également entendus sur des objectifs de stockage de gaz pour faire face à l’hiver.
Mais les pays cherchent également à diversifier leurs sources d’approvisionnement énergétique et à développer les capacités d’échange pour éviter la dépendance à la Russie et sécuriser l’approvisionnement.
En France, EDF s’est également engagé à redémarrer les centrales nucléaires à l’arrêt d’ici février 2023 afin de limiter le recours aux centrales à gaz et garantir un approvisionnement énergétique adéquat.
Dernier point, les pays cherchent également à développer plus rapidement les énergies renouvelables et notamment les éoliennes et le photovoltaïque. »
On met l’accent sur les énergies renouvelables.
En comparaison avec certains pays européens, la France accuse un retard important quant au développement des énergies renouvelables (EnR). À l’heure actuelle, le renouvelable représente environ un quart du mix électrique français. Le gouvernement a donc proposé un nouveau projet de loi afin de développer la mise en place de nouvelles infrastructures qui permettent de produire de l’énergie verte.
Un des objectifs est notamment de multiplier par 10 la capacité de production solaire de la France d’ici à 2050. Cet objectif entre pleinement dans le cadre de la transition écologique et énergétique. Le ministère de la Transition Énergétique tente d’ailleurs de multiplier les actions pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et favoriser les énergies propres aux dépens d’une énergie fossile.
Le futur électrique en France et en Europe reste incertain
TB : « Pour conclure, le marché de l’électricité connait divers rebondissements et des fluctuations très importantes. Ces derniers temps, les acteurs, dont les gouvernements, proposent des mesures pour baisser les prix de l’électricité sur les marchés et sur les factures des consommateurs.
Malheureusement, nous manquons de visibilité sur l’évolution des marchés de l’électricité, à court, moyen et long terme. De nombreuses incertitudes planent, notamment en cas d’un hiver très froid qui relancerait les prix à la hausse ».
Tristan Baudu et les analystes pricing de Capitole Energie analysent chaque semaine les actualités sur les marchés de l’énergie. Pour recevoir en avant-première dans votre boite mail leurs analyses complètes et leurs perspectives d’évolution, c’est par ici :