Cette semaine encore, nos experts vous présentent leur analyse complète de toute l’actualité sur les marchés de l’énergie à la date de clôture du 15 septembre 2023.
Marché de l’électricité
Cette semaine, les prix sont demeurés relativement stables, conservant leur tendance à la baisse malgré une légère hausse vendredi 15 septembre, clôturant à 135,62 €/MWh pour le contrat 2024 (EEX FRENCH POWER FUTURES Cal-24), soit 2,15 €/MWh de plus sur le vendredi précédent (+ 1,61 %).
À court terme, une bonne production française stabilise les prix
La production d’énergie nucléaire a augmenté de 8 % depuis le début de l’année et de 32 % par rapport au mois d’août dernier, grâce à une meilleure gestion des problèmes de corrosion et à des conditions météorologiques plus favorables. On prévoit un hiver plus chaud que la normale saisonnière, ce qui devrait encore réduire le niveau de la demande. De plus, cette baisse d’environ 6 à 7 % par rapport à la moyenne entre 2017 et 2021 pourrait, selon plusieurs cabinets d’analyse, se poursuivre sur une tendance à long terme.
En ce qui concerne les énergies renouvelables, la France continue de maintenir une très bonne productivité, et les prévisions futures sont bonnes avec des stocks hydroélectriques dépassant les 80 %. Par ailleurs, le marché électrique demeure attentif et sensible aux nouvelles concernant le gaz. Les réserves de gaz en Europe atteignent des niveaux historiquement élevés, ce qui compense les perturbations causées par les grèves en Australie. La réduction durable de la demande énergétique, conjuguée à une hausse notable des options de production d’énergie renouvelable, contribue de manière significative à la baisse des tarifs de l’électricité sur le marché à terme.
Une récente analyse effectuée par le directeur de recherche sur l’électricité chez LSEG prévoit une baisse des tarifs supplémentaire de 20 à 25 €/MWh pour le premier semestre 2024. On estime que la France devrait également rester exportatrice d’électricité jusqu’à la fin de l’année.
Une refonte du marché français en discussion
L’ARENH devrait normalement prendre fin au 31 décembre 2025. Dans cette perspective, l’État ainsi qu’EDF commencent déjà à rechercher et à proposer des solutions pour la fin prévue du mécanisme. À cet égard, EDF mène des expérimentations par le biais d’appels d’offres pour les contrats futures de 2027-2028, afin d’évaluer l’intérêt des fournisseurs pour ces offres. L’objectif demeure de proposer des offres fixes et compétitives à très long terme (plus de 5 ans). En attendant une réforme du marché, Emmanuelle Wargon, présidente de la CRE, envisage une augmentation du tarif réglementé de vente de 10 à 20 % pour accompagner la sortie du bouclier tarifaire. Cependant, cette proposition reste actuellement rejetée par le gouvernement.
Europe : le déploiement des énergies renouvelables avance
Le Parlement de l’Union européenne a approuvé la semaine dernière l’objectif d’accélérer le déploiement des énergies renouvelables. La nouvelle législation permet d’accélérer la procédure d’octroi de permis pour les nouveaux projets de production d’électricité verte à 12 mois. Malgré une politique favorable, l’inflation actuelle en Europe dissuade les investisseurs faute de rentabilité suffisante. C’est le cas pour le dernier appel d’offre au Royaume Unie pour un projet offshore de 50 GW ou aucun candidat ne s’est positionné sur l’appel d’offre. Dans ce contexte, Ursula von der Leyen a également annoncé la semaine dernière que la Commission européenne proposera bientôt un ensemble de mesures visant à améliorer les appels d’offres pour les projets éoliens. La France est cependant moins exposée à ces problématiques où un soutien public est déjà prévu et indexé sur le coût du projet pour faciliter l’installation des éoliennes en mer.
Globalement, le marché trouve une certaine stabilité, voire continuera de s’orienter à la baisse. Selon plusieurs prévisions, l’hiver à venir devrait être plus doux que prévu, ce qui ne devrait pas faire augmenter le niveau de la demande outre mesure. Concernant les approvisionnements en gaz (GNL notamment), la situation européenne est apaisée, ce qui devrait limiter la pression exercée sur la production d’électricité en période de pointe. Enfin, la production actuelle et à venir (projets) du renouvelable en Europe, et plus particulièrement en France, continuera d’orienter à court terme, les prix à la baisse. Le nucléaire également se porte mieux, ce qui rassure les acteurs sur un horizon plus lointain.
Loïc Arilaza, Analyste Pricing chez Capitole Energie
Marché du gaz
Le marché gazier est actuellement plus tendu que celui de l’électricité, et a clôturé en légère hausse à 51,203 €/MWh sur le PEG pour une livraison en 2024 (EEX PEG NATURAL GAS FUTURES Cal-24) ce le vendredi 15 septembre, soit 1,27 €/MWh de plus en une semaine (+2,53 %).
Des tensions persistantes concernant le GNL australien
Les tensions concernant le GNL australien sont partiellement compensées par la stabilité des échanges entre l’Europe et la Norvège. En effet, l’augmentation des importations de gaz en provenance de Norvège, conjuguée à des niveaux de stock historiquement élevés et à des prévisions météorologiques clémentes, limite la hausse sur les marchés à terme.
Cependant, même si la hausse reste limitée, elle pourrait bien s’intensifier si l’Asie surenchérit pour augmenter ses arrivages de GNL. De plus, cette instabilité risque de perdurer, car aucun accord n’a été trouvé entre Chevron et les syndicats en Australie. Les travailleurs des installations de GNL de Gorgon et de Wheatstone ont entamé de brèves grèves la semaine dernière qui pourraient prendre une plus grande ampleur. En métropole, Total annonce que la mise en service du terminal méthanier flottant du port du Havre, qui devait être effective d’ici le vendredi 22 septembre, est repoussée pour fin septembre-octobre, a minima.
Même si le marché reste attentiste concernant la situation globale du GNL, l’un des plus grands risques pour l’approvisionnement européen cet hiver serait une perturbation des flux de gazoducs en provenance de Norvège, actuellement le plus grand fournisseur de la région, suivie d’une forte demande asiatique de GNL.
Marché du pétrole
Cette nouvelle semaine de l’année a été synonyme de hausse sur les marchés des deux références mondiales de pétrole brut. Le vendredi 15 septembre, le contrat pour une livraison en novembre 2023 (BRENT, brut de la mer du Nord) clôturait à 93,93 $/baril, soit 3,28 $/baril de plus sur le vendredi précédent (+ 3,62 %).
Les risques de pénurie sur l’offre mondiale continuent d’orienter le marché
La semaine passée, nous mettions en lumière les annonces de réduction des objectifs de production de brut de la part de l’Opep (essentiellement l’Arabie saoudite) et de la Russie. Ces deux mastodontes, principaux pays exportateurs, avaient annoncé la prolongation de leurs coupes de production et du volume d’exportation de brut pour le quatrième trimestre de l’année. Ces coupes pourraient se traduire par un déficit substantiel de l’offre, à hauteur d’un million de barils/jour. L’AIE (Agence internationale de l’énergie) prévoit également une importante pénurie, ce qui vient alimenter la crainte déjà bien présente sur le marché.
D’autre part, dans son rapport mensuel publié le mardi 12 septembre, l’Opep estime que la demande pourrait dépasser l’offre de brut de quelques 3,3 millions de barils, si la production anticipée se maintient bien à 27,5 millions de barils/jour, soit le niveau du mois d’août 2023. Si ces chiffres se confirment, cela représenterait un épuisement quotidien des stocks de plus de 3 millions de barils/jour, soit le plus grand déficit de l’offre mondiale depuis près de 16 ans.
Un état des stocks américains rassurant, mais insuffisant
Le rapport hebdomadaire de l’Agence américaine d’information sur l’énergie (EIA) a fait état de stocks commerciaux de brut de 4 millions de barils, bien au-dessus des prévisions des investisseurs qui tablaient sur une hausse de 2,5 millions de barils. C’est la première semaine positive depuis le début du mois d’août 2023. La chute des exportations (-37 % en une semaine), ainsi que la hausse des importations (+11 %) ont largement contribué au gonflage des stocks commerciaux. De plus, le repli des volumes d’essence livrés aux États-Unis a continué de soutenir la tendance.
Bien que ces indicateurs soient les bienvenus, ils demeurent insuffisants dans un marché toujours régi par les craintes concernant l’approvisionnement. Le marché américain a enregistré des prises de bénéfices à la suite de la publication du rapport, alors que le marché restait sur 11 séances de gain en 13 jours. Pour certains analystes, hormis l’essence, la demande pour la plupart des produits raffinés a augmenté la semaine dernière. Aussi, le niveau des stocks à Cushing dans l’état de l’Oklahoma, principal point de livraison physique du WTI, est tombé au plus bas depuis la mi-décembre 2022.
Enfin, l’enthousiasme du marché est resté modéré du fait d’une accélération de l’inflation aux États-Unis, à près de 3,7 % sur un an pour la relève du mois d’août, contre 3,2 % en juillet. Les cours restent donc sous pression, les investisseurs craignant de voir la Fed (banque centrale américaine) poursuivre son resserrement monétaire pour contrer l’inflation.
Des indicateurs de reprise économique chinoise meilleurs que prévus
Pour rajouter de la tension sur un marché déjà très incertain, les prix ont été soutenus cette semaine par de meilleurs indicateurs économiques chinois. En effet, sur le mois d’août 2023, les signaux sont encourageants et devraient soutenir la demande domestique, alors même que le marché redoute un déficit de l’offre pour le dernier trimestre de l’année.
En Chine, les ventes au détail, principal indicateur de la consommation des ménages, ont progressé de 4,6 % en août (par rapport à 2022), selon des chiffres officiels du Bureau national des statistiques (BNS). La production industrielle a également considérablement accéléré (+ 4,5 % sur un an), contre +3,7 % en juillet. La Chine, premier importateur mondial de brut, sera scrutée par les acteurs du marché, orientant le niveau de la demande mondial.
France : la vente à perte possible début décembre
Après le plafonnement des prix de l’essence et le prix coûtant à la pompe pour lutter contre l’inflation, le gouvernement sort la carte de la vente à perte de carburant. Le texte sera examiné par l’Assemblée nationale début octobre, pour une entrée en vigueur espérée début décembre. La Première ministre, Elisabeth Borne, annonçait samedi que les distributeurs pourraient vendre de l’essence à perte pendant quelques mois afin de baisser davantage les prix à la pompe.
Cette annonce s’inscrit dans un contexte estival tendu qui a vu le prix du brut augmenter dans un environnement pessimiste pour les acteurs. Interdite depuis 60 ans, la vente à perte constitue une nouvelle mesure d’urgence pour faire face aux hausses inévitables des prix. En effet, cet été, les prix du carburant frôlent à nouveau le seuil symbolique des deux euros le litre. Bien que les effets d’une telle mesure ne soit pas au goût de tout le monde, notamment du syndicat professionnel Mobilians (qui représente près de 5 800 stations services indépendantes), le dispositif vise à combattre l’inflation toujours en hausse. TotalEnergies, qui gère le tiers des stations services en France, annonce qu’il prolongerait le plafonnement à 1,99 €/L du prix de l’essence et du gazole.
Globalement, la volatilité reste importante dans un contexte général peu enthousiaste. Le risque de pénurie à la suite de réduction des objectifs de production des principaux pays producteurs prend le dessus. L’incertitude quant à la situation d’ici la fin de l’année devrait soutenir la hausse des prix du brut. Sans nouvelles rassurantes, le seuil symbolique de 100 $/baril pourrait être bientôt atteint.
Loïc Arilaza, Analyste Pricing chez Capitole Energie
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