Cette semaine encore, nos experts vous présentent leur analyse complète de toute l’actualité sur les marchés de l’énergie à la date de clôture du 06 octobre 2023.
Marché de l’électricité
Cette semaine, le marché est resté dans la lignée de la tendance baissière de fin septembre. En effet, après être passé sous le seuil des 130 €/MWh le 29 septembre, le CAL 24 Baseload est venu flirter avec la barre des 120 €/MWh cette semaine.
Les évolutions de prix de la semaine confirment d’une part la diminution des craintes portées sur l’offre d’électricité avec notamment la hausse de l’offre nucléaire et d’autre part la baisse de la demande. Les produits calendaires sur le marché de gros de l’électricité ont tous suivi une tendance baissière.
En effet, le contrat CAL 24 Baseload a évolué dans un corridor de prix entre 125 €/MWh et 120 €/MWh. Les prix du contrat CAL 24 Baseload ont diminué de -6,59 €/MWh cette semaine en clôturant ce vendredi 6 octobre à 122,26 €/MWh (soit une baisse de -5,11 % par rapport au vendredi 29 septembre). Les prix des contrats CAL 25 et CAL 26 Baseload accusent quant à eux d’une diminution respective de -3,07 % et de -3,34 %.
Un hiver qui s’annonce beaucoup moins tendu que l’année dernière
La situation énergétique en France et en Europe ne cesse de s’améliorer et les acteurs sont assez optimistes pour cet hiver. Les capacités nucléaires sont plus importantes que l’année dernière.
En France, la production nucléaire française a bondi de 48 % sur un an selon les données brutes du réseau RTE. La production nucléaire s’élève à 233 TWh depuis début 2023 et devrait atteindre environ 325 TWh d’ici fin 2023 (soir le haut de la fourchette de 300-330 TWh visée par EDF). La production a atteint 26,8 TWh en septembre.
En parallèle, la destruction persistante de la demande en France est un facteur déterminant de la baisse des tensions sur le réseau. La consommation d’électricité a diminué de 2% sur un an, et de 6,4% pour les 3 premiers trimestres de l’année selon les données de RTE.
Alors que la France était importateur net d’électricité l’année dernière, à hauteur de 3,4 TWh, les exportations nettes du pays ont bondi à près de 5,7 TWh. Les exportations nettes devraient atteindre environ 40 TWh sur 2023 alors que nous le niveau des importations nettes sur 2022 a atteint 16 TWh.
Un prix plafond du nucléaire en prévision pour remplacer l’ARENH ?
La succession au mécanisme de l’ARENH est un défi source de débat depuis plusieurs mois. Alors que la tendance semblait être portée par la mise en place de contrats pour différences (CFD), l’absence de certitudes concernant le cadre de sa mise en place, un plan B serait tourné vers un prix plafond. Néanmoins, un prix plafond sans prix plancher exposerait EDF à un cas d’effondrement des prix du marché. Les Etats membres de l’UE se réuniront le 17 octobre pour un conseil de l’énergie qui pourrait être déterminant.
Du côté des énergies vertes
La France est toujours en retard dans l’atteinte des objectifs : en 2022 les EnR ne représentaient que 19,1 % de sa consommation d’énergie (vs. Objectif de 23%). La ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher a indiqué que le taux de refus des projets d’énergies renouvelables en France a commencé à reculer.
La production d’électricité renouvelable est en croissance sur une année. L’hydroélectricité a augmenté de 25% par rapport à 2022, le solaire et l’éolien ont eux progressé respectivement de 31% et de 5%. Selon France Renouvelables, le « repowering » (le remplacement d’anciennes turbines éoliennes terrestres par des plus performantes) pourrait permettre d’accroître la puissance éolienne de 5 GW.
La situation du parc nucléaire en France n’a rien à envier à celle de l’année dernière. La France est redevenue exportatrice nette d’électricité en Europe et bénéficie d’une production d’électricité renouvelable importante. En parallèle, les efforts de sobriété énergétique et d’efficacité énergétique ont des impacts significatifs persistants sur le niveau de la consommation nationale. Au regard de l’évolutions de ces déterminants du prix de l’électricité, le prix sur le marché de gros de l’électricité pourrait encore baisser. Néanmoins, les conditions météorologiques resteront un facteur essentiel de l’évolution des cours de l’électricité cet hiver.
Tristan Baudu, Analyste Pricing chez Capitole Energie
Marché du gaz
Comme nous l’avions dit dernièrement, le marché du gaz témoigne d’une stabilité rassurante depuis maintenant plusieurs mois. En effet, d’un jour à l’autre, le prix des différents produits calendaires fluctuent dans des proportions moindres.
Durant cette semaine, l’ensemble des contrats toute temporalité confondue ont pu atteindre des montants historiquement bas depuis le début du conflit russo-ukrainien, en se rapprochant de la barre des 40 €/MWh.
Le contrat PEG CAL 24 par exemple, a clôturé en légère baisse à 44,986 €/MWh pour une livraison en 2024 (EEX PEG NATURAL GAS FUTURES Cal-24) le vendredi 6 octobre, soit 2,039 €/MWh de moins en une semaine (-4,53 %).
Une dynamique baissière des prix soutenue par plusieurs éléments
Plusieurs éléments ont pu réduire considérablement les tensions sur la demande.
Dans un premier temps, des températures clémentes ont été synonymes de baisse de consommation énergétique chez les ménages, accompagnées d’une sobriété énergétique toujours aussi soutenue dans les différents pays européens.
De plus, concernant la production d’électricité, les conditions climatiques ont pu engendrer une utilisation plus accrue des énergies renouvelables.
Dans un second temps, le charbon, ayant subi une baisse non négligeable cette semaine, a pu occuper une place plus importante dans le merit order, au dépend du gaz, sachant que ce sont deux énergies substituables. Quant à l’offre, celle-ci est toujours autant confortée principalement par l’approvisionnement provenant de Norvège.
Le marché européen gazier, toujours aussi fragile
Malgré tous les efforts réalisés par l’UE pour stabiliser les prix du gaz, le marché est toujours aussi sensible aux évènements géopolitiques. Il semble alors important de privilégier l’autosuffisance autant que possible ainsi que de diversifier au maximum les partenariats établis avec les différents producteurs de gaz.
De ce fait, l’offensive menée par le HAMAS envers Israël a eu des incidences sur le cours du gaz actuel. Le Géant américain Chevron a suspendu les activités de sa plateforme Tamar, localisée au large des côtes israéliennes. En effet, le gaz naturel est transporté de ce gisement vers l’Egypte, où il est liquéfié puis exporté vers l’Europe. A cela s’ajoute les grèves chez les travailleurs australiens qui sont susceptibles de reprendre si un accord n’est pas trouvé.
Bien que les fondamentaux du marché du gaz semblent indiquer une baisse des prix, les évènements récents au Moyen-Orient entre le Hamas et Israël impactent les cours du pétrole à la hausse. Nous rappelons que les cours du pétrole et du gaz sont corrélés. Face aux fortes incertitudes concernant un rétablissement de la situation, les primes de risques sur le marché du gaz devraient logiquement être revues à la hausse. En prenant en compte tous ces facteurs, cette semaine s’annonce donc haussière sur le marché du gaz.
Yanice Meguenni, Analyste Pricing chez Capitole Energie
Marché du pétrole
Cette semaine, les cours du brut (BRENT, pour une livraison en décembre 2023) ont connu une importante volatilité pour chuter en fin de semaine. Le vendredi 6 octobre, le BRENT clôturait ainsi à 84,58 $/t, soit 7,62 $/t de moins en une semaine (-8,26%). Pour le brut texan (WTI, pour une livraison en novembre 2023), la même tendance se retrouve, le marché clôturant vendredi 6 octobre à 82,79 $/t, soit 8,00 $/t de moins sur le vendredi précédent (-8,81%).
Une aversion pour le risque accrue : une nouvelle direction se dessine
Après plusieurs semaines de hausse consécutive, les prix du brut ont été tiraillés entre faible niveau de la demande et pressions sur l’offre. Une nouvelle direction devait être trouvée par le marché, ce qui semble être le cas en cette semaine n°40. En effet, l’aversion pour le risque des investisseurs vis-à-vis du brut se fait de plus en plus ressentir sur les cours. Dès le début de semaine, et avant même la réunion du comité ministériel conjoint de suivi (JMMC) de l’Opep+ prévue en milieu de semaine dernière, le prix des deux références mondiales (BRENT et WTI) observait une baisse. Bien que le JMMC n’ait pas de pouvoir de décision quant aux politiques d’objectifs de production des membres de l’Organisation, il émet des recommandations servant de base aux mesures prises. En prévision, des prises de bénéfices ont sans doute eu lieu, à la suite de la longue séquence de hausse des cours ces derniers mois. Quoiqu’il en soit, le brut ne semble plus être l’intérêt premier sur le marché des matières premières, d’autant que le cours du dollar joue en sa défaveur.
Des stocks américains en hausse et la réunion de l’Opep+ font dévisser le marché
Le mercredi 4 octobre, la publication de l’état des stocks hebdomadaires commerciaux américains par l’EIA a soutenu les pertes enregistrées la veille. Alors même que les réserves commerciales ont diminué de 2,22 millions de barils (contre une hausse de 50 000 barils anticipée par le marché), la hausse de 6,48 millions de barils sur les stocks d’essence a focalisé l’attention. En effet, les analystes tablaient plutôt sur une réduction de l’ordre de 300 000 barils de ces mêmes stocks. Dans le même temps, l’appréciation du dollar sur les autres devises contribue au désintérêt pour l’or noir, le pouvoir d’achat des pays importateurs se dégradant.
Du côté de l’Opep+, le JMMC se disait prête mercredi à « prendre des mesures supplémentaires » selon les évolutions futures des conditions de marché. Plus tôt dans la journée, le ministère saoudien de l’Energie confirmait la prolongation de réduction des objectifs de production d’un million de barils par jour, au mois jusqu’à la fin de l’année. La Russie, de son côté, confirmait également le maintien de la diminution de ses exportations, à 300 000 barils/jour de moins jusqu’à décembre. Par ailleurs, le vice-Premier ministre russe, Alexandre Novak, n’excluait pas de nouvelles décisions, à la hausse comme à la baisse, d’ici le mois de novembre. Une nouvelle qui n’a pas vocation à rassurer davantage les acteurs du marché. La conjugaison de ces deux annonces n’a pour autant pas eu l’effet d’orienter les prix à la hausse, l’information étant déjà intégrée dans les décisions des investisseurs depuis plusieurs semaines. Au contraire, le manque de demande au niveau mondial semble désormais prendre largement le dessus sur les craintes concernant l’offre.
Le manque de demande impose une tendance baissière, malgré les pressions sur l’offre
Nous l’avons vu précédemment, les craintes concernant la demande l’emportent sur le déficit de l’offre. La morosité économique est bien au cœur des préoccupations, à contre-courant de l’état d’esprit de ces derniers mois. Les regards sont donc désormais portés sur la faible croissance, notamment aux Etats-Unis et en Chine, voire les risques de récession pour le premier trimestre 2024. Les signaux sont pessimistes, notamment au regard de la hausse de l’état des stocks d’essence américains. Du côté de la Chine, la saison épidémique de fin d’année (intensifiée par les nouvelles contaminations au virus de la Covid-19) pourrait porter un coût d’arrêt supplémentaire au faible de taux de croissance du pays. Premier importateur mondial, la Chine reste un moteur de la demande mondiale.
De manière générale, les produits pétroliers montrent des signes clairs de destruction de la demande. Depuis la mi-septembre, le prix de gros du gazole américain a chuté de 16%, et son équivalent européen de plus de 15%, par rapport au vendredi précédent. Le mazout américain, quant à lui, a plongé de 18% en trois semaines. Les raffineries demandent moins de brut, ce qui pourrait les amener à prolonger leur saison de maintenance, réduisant d’autant plus leurs besoins de brut.
Les cours s’envolent lundi à la suite de l’offensive du Hamas contre Israël
Si la tendance était jusqu’alors prévue pour être baissière au regard de la destruction de la demande mondiale, les événements du week-end ont retourné le marché ce lundi 9 octobre. La région, riche en or noir, suscite des inquiétudes quant aux conséquences de l’offensive surprise en matière d’approvisionnement. L’attaque, qui a déjà fait plus de 1 100 morts, a fait bondir les cours à l’ouverture des marchés de près de 4,7 % pour le baril de BRENT, et de 4,5% pour son homologue américain (WTI). Le marché scrutera avec attention l’évolution du conflit, et son caractère contenu ou au contraire étendu à d’autres régions, en particulier l’Arabie saoudite. Une plus forte volatilité est attendue pour les séances à venir, le devenir du conflit demeurant à ce jour incertain.
Ainsi, cette semaine a été forte en volatilité, bousculée en fin de semaine par la recrudescence des tensions entre le Hamas et Israël. Bien qu’en toile de fond la tendance soit baissière, les multiples pressions sur l’offre imposent une épée de Damoclès sur les cours. La volatilité des prix du brut devrait rester importante ces prochaines semaines, chaque nouvelle annonce orientant les cours d’un côté ou de l’autre.
Loïc Arilaza, Analyste Pricing chez Capitole Energie
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