Hebdo de l’énergie : l’actualité des marchés du 20 octobre 2023

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Cette semaine encore, nos experts vous présentent leur analyse complète de toute l’actualité sur les marchés de l’énergie à la date de clôture du 20 octobre 2023.

Marché de l’électricité : les marchés de gros de l’électricité en léger replis

Après avoir connu une forte augmentation de 20% la semaine précédente, les prix ont récemment enregistré une correction à la baisse, se clôturant finalement à 142,38€, représentant une réduction de 4,75 €/MWh soit plus de 3%.

Les prévisions pour l’hiver à venir sont encourageantes, car la demande reste toujours relativement faible par rapport aux années précédentes et la disponibilité de l’énergie nucléaire poursuit sa hausse. Les scénarios les plus pessimiste concernant des difficultés d’approvisionnement sont liés à la sensibilité accrue de la France aux variations de température. Chaque baisse de 1 degré Celsius entraîne une augmentation de la consommation de 3,2 GWh, équivalant à la production d’un réacteur nucléaire. Selon les dernières projections, des dysfonctionnements pourraient alors survenir entre novembre et décembre si les températures chutaient de 7°C en dessous des normales saisonnières.

Hydrogène devenu trop cher ?

Dans les scénarios établis par RTE « Futurs énergétiques 2050 » en vue de façonner l’avenir du système énergétique français, l’hydrogène vert occupe une place prépondérante en tant que carburant, source de stockage et moyen de production d’électricité. Cependant, la situation actuelle, combinée avec l’inflation que l’Europe subit, constitue une menace pour l’industrie de l’hydrogène, car le coût de production a doublé en l’espace d’une année, passant de moins de 3€/kg à environ 5-8€/kg.

De nouvelles mesures d’économies d’énergie

Le premier volet du plan de sobriété en 2022 posait les premières pierres des actions d’économies d’énergie à appliquer en limitant notamment le chauffage. Ce deuxième volet communiqué ce mercredi 11 octobre inclut notamment des incitations pour les entreprises de favoriser le télétravail, une obligation concernant l’éclairage des commerces et des subventions pour aider les ménages à s’équiper d’un thermostat électronique. 

Le niveau de la demande devrait être inférieur de 7% à 8% cet hiver par rapport à la situation pré-covid. Le gouvernement et les acteurs du marché sont confiants pour cet hiver, cependant les efforts de sobriété doivent continuer afin de ne pas être confrontés à des problèmes sur le réseau (délestages ou pannes). Pour rappel la France s’est donné pour objectif de réduire sa consommation d’électricité et de gaz de 10% d’ici fin 2024 par rapport à 2019.

Les Garanties d’Origine en manque de demande

Le prix des Garanties d’Origine (GO) françaises a chuté de 31% par rapport aux dernières enchères, atteignant 3,53€/MWh, en raison d’un manque d’intérêt du côté de la demande. De plus, l’offre a augmenté de 21% en raison d’une importante production d’électricité éolienne en juillet dernier.

Monde : La COP28, des négociations qui s’annoncent compliquées

Lors de la COP27 en Égypte l’année dernière, un accord  de principe avait été envisagé pour créer un fonds visant à indemniser les « pertes et dommages » subis par les pays du « Sud », particulièrement vulnérables aux effets actuels et à venir liés au changement climatique.

Cependant, une réunion préparatoire à la COP28, prévue à la fin du mois, s’est tenue ce samedi, et les négociations ont abouti à un échec en ce qui concerne ce fonds. Les problèmes soulevés touchent à plusieurs aspects, notamment la question des pays bénéficiaires et des contributeurs. De plus, le fait que la Banque mondiale soit envisagée pour gérer ce fonds est source de désaccord, prétextant que ce serait sous gestion des « Occidentaux ».

Accord trouvé concernant le projet de réforme du marché de l’électricité de l’UE 

La semaine dernière, un compromis a été trouvé pour la réforme du marché de l’électricité européen en attendant la validation du Parlement européen. La France, qui avait longtemps été en désaccord avec l’Allemagne, semble avoir obtenu un compromis favorable, en ligne avec sa volonté de prolonger l’exploitation de son parc nucléaire. Ce compromis consiste en la mise en place de Contrats de Différence (CFD) pour le nucléaire historique français, accompagné d’un mécanisme de plafonnement et plancher des prix (CFD Bidirectionnels). Cette approche vise à offrir une visibilité aux acteurs industriels qui cherchent à sécuriser leur approvisionnement en prévision de la fin de l’Arenh, et de protéger les consommateurs de la volatilité du marché en décorrélant le prix de l’électricité et du gaz.

Cependant, des incertitudes subsistent quant aux décisions futures qui détermineront à la fois les prix et les volumes éligibles aux CFD. L’objectif est de maintenir la compétitivité tout en garantissant la pérennité d’EDF, qui doit simultanément construire de nouvelles centrales EPR4 et prolonger ses installations existantes, ce qui représente un investissement estimé à 25 milliards d’euros par an. Le gouvernement envisage un prix proche du coût marginal de production, à 60 €/MWh, tandis que la Commission de Régulation de l’Énergie (CRE) et EDF s’accordent sur un prix situé entre 75 et 80 €/MWh.

Enfin, le système de CFD pourrait également poser un problème en matière de réglementation de la concurrence européenne si le soutien public s’avère excessif que ce soit pour garantir le prix planché, ou se rémunérer en cas de dépassement du prix plafond.

Prix de l’électricité – Source EEX – 20/10/2023

Après une impressionnante hausse des cours de l’électricité sur le calandaire24 la semaine passée, il se pourrait qu’un excédent haussier ait été atteint et qu’une correction à la baisse est plausible.

Les fondamentaux du marché semblent avoir permis de limiter la hausse et de condenser la prime de risque. Alors que les capacités de production nucléaire continuent d’augmenter, il semble que les risques d’approvisionnement liés à la demande historiquement plus élevée en période hivernal soient relativement limités.

Un compromis a été trouvé pour la réforme des marchés de l’électricité de l’UE. La France devrait pouvoir proposer des CFD bidirectionnels sur le nucléaire historique. Les acteurs du marché sont désormais dans l’attente d’une décision concernant les quantités et les prix de ces nouveaux contrats, ce qui devrait être débattu dans les prochaines semaines.

Clément TUFFERY, Analyste Pricing chez Capitole Energie

Marché du gaz

Après une légère baisse en début de semaine, les prix ont rebondi pour finalement clôturer à 55,835€/MWh.

Alors que le marché électrique semble corriger à la baisse, le gaz est resté sur les mêmes niveaux de prix que la semaine dernière sur le calendaire24.

Malgré une hausse des importations en provenance de Norvège ainsi que des prévisions de livraisons de gaz naturel liquéfié (GNL) élevées pour les semaines à venir, le marché reste fortement tendu, en raison du contexte géopolitique mondial.

Un marché sous tension

L’histoire nous a démontré à de nombreuses reprises la forte dépendance et la volatilité des prix des énergies fossiles, y compris le gaz, face aux événements géopolitiques. Le risque d’une escalade dans les régions riches en gaz naturel pourrait entraîner une augmentation des prix. Il ne faut pas non plus exclure la possibilité d’une extension du conflit au Moyen-Orient, compte tenu du risque que l’Iran s’implique dans cette guerre en soutien de la Palestine.

L’Europe compte toujours sur le GNL et la Norvège

Les cours du GNL suivent la tendance du gaz naturel et se maintiennent à leurs niveaux les plus élevés depuis près de neuf mois (évalué à 48,38€/MWh). Pour garantir la sécurité d’approvisionnement, la Norvège a augmenté ses flux vers l’Europe de 7,5% ce jeudi, atteignant ainsi 316 millions de mètres cubes par jour.

Un price cap sur le gaz maintenu ?

La Commission Européenne envisage de prolonger une mesure d’urgence qui plafonne le prix du gaz utilisé pour la production d’électricité au-delà du 31 décembre.

Lors de la crise énergétique de 2022, les prix du gaz avaient dépassé les 300€/MWh, ce qui avait incité la Commission à établir un plafond de prix plafond à 180€/MWh sous certaines conditions.

Bien qu’on soit aujourd’hui loin de ces prix,  afin d’éviter de subir tout risque de sur-emballement du marché, la commission évoque cette politique comme un système « d’assurance ».

Ce choix est justifié par les récents incidents de sabotage du réseau en mer baltique liés à la guerre en Ukraine et le risque de réplique au Moyen-Orient.

Des fondamentaux structurellement bons

Parallèlement aux problématiques géopolitiques, les stockages de gaz européens atteignent  à présent 98,1%, en constante augmentation avant l’hiver soit 5% de plus qu’à la même période l’an dernier selon les données de Gas Infrastructure Europe.

Prix du gaz – Source EEX – 20/10/2023

Le marché du gaz semble toujours sous tension et extrêmement volatil alors que l’Europe et la France se retrouvent dans une position relativement confortable avant l’hiver.

Les tensions géopolitiques continuent d’affecter les cours du gaz. Effectivement, si le conflit qui reste aujourd’hui localisé entre Israël et la Palestine s’étend à travers le Moyen-Orient, la production et l’acheminement de gaz pour les pays consommateurs seraient alors paralysés en tout ou partie. En ce sens, les enchères autour du GNL pour acheminer les méthaniers pourraient s’envoler.

Malgré tout, la situation actuelle en Europe reste sous contrôle avec un niveau de stockage actuel à 98 %. De plus, les efforts des pays membres pour contrôler le marché et sécuriser l’approvisionnement semblent bénéficier d’un effet d’apprentissage. La création d’une plateforme d’achat groupé ainsi qu’une protection avec un Price-Cap pourrait s’avérer utile en cas d’emballement du marché.

Clément TUFFERY, Analyste Pricing chez Capitole Energie

Marché du pétrole

Les cours du pétrole continuent de grimper poussés par les risques géopolitiques au Moyen-Orient atteignant 92,16 $/barils.

Un contexte géopolitique toujours sous tension

Les investisseurs restent concentrés sur le conflit entre le Hamas et Israël qui pourrait s’intensifier cette semaine augmentant ainsi la prime de risque sur le baril. La déclaration jeudi dernier du ministre israélien envisage une envenimation du conflit malgré les efforts de la communauté internationale pour contenir cette guerre. De plus, les risques d’extension du conflit au Moyen Orient ne sont pas non plus à écarter sachant que l’Iran se dit prêt à intervenir d’une manière ou d’une autre dans le conflit.

Généralement, le pétrole est extrêmement corrélé aux tensions géopolitiques mondiales, particulièrement si les conflits touchent de près les zones de production. Plus la proximité des protagonistes est élevée, plus le risque de voir une flambée durable des prix est plausible.

Les acheteurs physiques de pétrole doivent également anticiper les fluctuations et préfèrent utiliser des stratégies de couvertures contre les risques actuels d’emballement de la guerre israélo-palestinienne.

Total bloque les prix du pétrole à la pompe en France

Après plusieurs débats la semaine dernière entre l’Etat et la multinationale françaises, un accord semble avoir été trouvé pour que TotalEnergies poursuive son plafonnement actuellement en vigueur limitant les prix  la pompe à 1,99€ maximum.

En contrepartie, Total semble avoir été exonéré de certaines taxes sur les raffineries accusées de faire des « super profit » .

Ce price cap devrait être en vigueur jusqu’à fin 2024 alors que les tensions géopolitiques au Moyen-Orient ne semblent pas prêtes de s’arrêter.

Consommation : L’AIE prévoit un pic de demande de pétrole pour 2030

Dans son rapport annuel « World Energy Outlook », le directeur exécutif de l’Agence Internationale de l’Energie déclare : « La transition vers les énergies propres est en cours dans le monde entier […] Ce n’est pas une question de si, c’est juste une question de quand ».

En raison de la hausse des achats de véhicules électriques et une réduction de la croissance économique chinoise, la demande d’énergie s’oriente peu à peu vers des sources décarbonées.

Cependant, l’OPEP+ reste optimiste et poursuit ses investissements dans le secteur pétrolier en prévoyant une augmentation de la demande, même après 2030.

Le marché du pétrole reste actuellement très sensible à la situation géopolitique au Moyen-Orient. Les investisseurs restent prudents sur les marchés et les prix du baril continuent leurs hausses progressives cette semaine. 

Les investisseurs craignent que le conflit ne s’étende aux pays limitrophes, entrainant de facto une réduction de l’offre mondiale.

Des efforts diplomatiques et l’arrivée d’aides humanitaires peuvent apaiser les tensions et par conséquent, assouplir le marché pétrolier, surtout si le conflit reste localisé entre Israël et la Palestine.

Loïc Arilaza, Analyste Pricing chez Capitole Energie

Marché du charbon

Le marché du charbon est en repli cette semaine pour clôturer à 135,73 $/t, soit en baisse de 3,09 $/t.

Contrairement au gaz et au pétrole, le charbon est une ressource plus éparse à travers le monde et les principaux producteurs sont asiatiques : l’Australie, la Chine, l’Indonésie, ou encore  l’Inde.

Bien que le marché soit mondial, on observe deux principales zones d’échanges, une située au  sein des pays du l’hémisphère nord et une seconde dans l’hémisphère sud.

En ce sens, le charbon est moins impacté par les problématiques autour du Moyen-Orient, et la volatilité liée à cet évènement mondial majeur est moindre.

Le charbon demeure aujourd’hui la première source d’énergie à l’échelle mondiale malgré les efforts de décarbonation. Etant une source énergétique substituable au gaz, un emballement des prix gaziers devrait affecter à la hausse la demande de charbon et donc les prix sur les marchés.

Marché des émissions

Sur le marché européen d’échange de quotas d’émissions, les cours se sont stabilisés pour finir en baisse en fin de semaine. Vendredi dernier, le contrat de référence ICE EUA FUTURES Dec.23 se négociait à 81,41 €/t, soit 4,54 €/t.

Comme évoqué la semaine précédente, les prix des EUA ne devraient pas chuter sous la barre des 80 €/t d’ici à la fin de l’année. Sauf si les tensions géopolitiques se retournent en faveur d’une paix, la guerre au Moyen-Orient qui affecte les énergies fossiles devraient impacter également négativement les cours des EUA. 

Vous voulez en savoir plus ? Notre magazine les Tendances de l’Energie vous détaille chaque mois les dernières nouvelles du marché de l’énergie.

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