Nos experts vous présentent leur analyse complète de toute l’actualité sur les marchés de l’énergie à la date de clôture du 15 décembre 2023.
Marché de l’électricité
Les cours de l’électricité sous la barre symbolique des 90 €/MWh
Cette semaine, les mouvements baissiers des courbes de long terme sur les marchés de gros se maintiennent et restent dans la trajectoire des évolutions de la semaine passée. Nous l’avions évoqué la semaine dernière, les cours ont touché la barre symbolique des 90 €/MWh, et l’ont même dépassé à la baisse.
Les baisses de prix enregistrées cette semaine se cumulent donc à celles des semaines passées. On observe alors une forte baisse de près de -30 €/MWh sur le CAL 24 Baseload depuis fin novembre. Le contrat CAL 24 Baseload a significativement baissé de –10,13 €/MWh cette semaine en clôturant ce vendredi 15 décembre à 87,66 €/MWh (soit une baisse de –10,36 % par rapport au vendredi 8 décembre). Les prix des contrats CAL 25 et CAL 26 Baseload suivent une trajectoire similaire : ils évoluent respectivement de –7,99 % et de –3,44 %.
La solidité des fondamentaux du marché semblent maintenir la tendance baissière de cette fin d’année 2023 pour le contrat CAL 24 Baseload. Comme nous l’anticipions, cette semaine marque également le passage des prix de l’électricité sous la barre des 90 €/MWh.
Des capacités nucléaires toujours surestimées par EDF
La disponibilité du parc français a baissé de 0,2 GW en une semaine pour atteindre 44,9 GW ce mardi 12 décembre, elle a augmenté de plus de 8 GW sur le mois de novembre. Néanmoins, la capacité nucléaire reste inférieure de 4,6 GW aux prévisions d’EDF.
Depuis le début du mois de décembre, la disponibilité moyenne du parc nucléaire a augmenté de 3,8 GW par rapport à celle du mois de novembre. On note encore 14 réacteurs à l’arrêt, soit près de 24% du parc.
EDF prévoit une augmentation de la disponibilité nucléaire pour atteindre 50,7 GW la semaine prochaine. EDF prévoit de redémarrer 7 réacteurs sur la fin d’année 2023 : la disponibilité moyenne du mois de décembre devrait avoisiner les 50 GW. D’après l’électricien public, la disponibilité nucléaire devrait atteindre 56,8 GW en janvier 2024.
EDF a rempli près de 96% de son objectif de production annuelle de 300-330 TWh, il devrait atteindre les 320 TWh d’ici à la fin d’année. Les prévisions pour 2024 et 2025 sont respectivement comprises entre 315-345 TWh et 335-365 TWh.
Et en Europe ?
L’énergéticien français et le gouvernement belge ont signé un accord pour prolonger l’exploitation des réacteurs nucléaires Tihange 3 et Doel 4 (1 GW chacun) pour une période de 10 ans à partir de 2025. L’accord est destiné à renforcer la sécurité d’approvisionnement de la Belgique ainsi que celle de l’Europe. Pour finaliser l’accord il faut qu’il soit approuvé par la Commission européenne. Cette décision de prolongation entre dans les perspectives européennes de développement de la filière nucléaire. Le maintien de l’exploitation de ces 2 réacteurs apparaît comme un facteur baissier des risques de hausse des prix sur les marchés de gros.
L’électricité sur le marché spot pourrait être moins chère en France qu’en Allemagne cet hiver. C’est en effet ce qu’affirment certains analystes en raison de la forte production nucléaire et hydroélectrique. Cela pourrait être une première depuis 17 ans.
Les négociations de l’UE ont abouti à un accord quant à la réforme du marché de l’électricité qui vise à décorréler les prix de gros aux combustibles fossiles et à protéger les consommateurs contre toute hausse de prix. Cet accord devrait permettre de réduire davantage la dépendance européenne au gaz russe. L’accord prévoit également l’obligation pour les Etats d’instaurer des contrats bidirectionnels pour différence (CFD) dans le cadre de contrats long terme. Ces contrats CFD impliquent que l’Etat garantisse un prix cible aux producteurs d’électricité : si le prix de marché est inférieur alors le gouvernement compense la différence, à l’inverse le gouvernement reçoit les recettes excédentaires à des fins de redistribution aux clients.
Un facteur important de la baisse des prix de l’électricité : le prix du carbone
Alimentant la chute des prix de l’électricité, les EUAs ont plongé à leur plus bas niveau depuis 13 mois en raison d’une combinaison de plusieurs facteurs baissiers. Du côté des émetteurs, une forte production renouvelable avec des températures douces et une disponibilité nucléaire française correcte (bien que temporairement inférieure à la moyenne historique en raison de maintenances prolongées et d’arrêts imprévus) ont réduit l’appel aux centrales thermiques et, par conséquent, les émissions du secteur de la production d’électricité. En outre, la situation de l’industrie européenne reste sombre, les indices PMI manufacturiers pointant continuellement vers une contraction de l’activité dans les mois à venir, et aucune reprise du secteur n’étant attendue avant au moins le second semestre 2024.
Conclusion sur le marché de l’électricité
Les prix calendaires de l’électricité ont suivi une tendance à la baisse significative depuis la mi-octobre dans un contexte de fondamentaux déprimés et d’effondrement des prix du gaz et des émissions. Les contrats calendaires pour l’année prochaine sont même passés sous la barre des 100 €/MWh début décembre pour la première fois depuis le troisième trimestre 2021.
Les températures sont tombées en dessous de la normale à la fin du mois de novembre mais n’ont pas réussi à déclencher un rebond significatif des prix car la pression haussière a été compensée par la solidité des fondamentaux. En effet, face à des stocks de gaz se maintenant à des niveaux historiquement élevés pour la saison, des importations soutenues et confortables de gaz et de GNL vers l’Europe, des réserves hydroélectriques très élevées et une forte production éolienne résultant de conditions particulièrement favorables ces dernières semaines.
La consommation d’électricité reste modérée, RTE estimant que la demande corrigée de l’effet de la température restera 8-9% en dessous du niveau pré-covid en France, avec des niveaux similaires attendus dans les pays voisins.
Comme nous l’anticipions, les prix de gros du marché de l’électricité sont venus toucher la barre des 90 €/MWh cette semaine et sont même passés sous cette barre. Alors que la situation fondamentale reste très confortable et que la prime de risque pour les hivers 23/24 et 24/25 s’érode, les risques sont désormais asymétriques. Le marché reste particulièrement nerveux et réagit violemment à toute mise à jour des prévisions météorologiques. Avec une offre de gaz et de nucléaire confortable, l’évolution à court terme des prix de l’électricité devrait dépendre presque entièrement des conditions météorologiques, qui clarifieront progressivement les prévisions de stocks de gaz à la fin de l’hiver et donc les risques de pénurie pour l’hiver suivant. Bien qu’il ne faille pas exclure une nouvelle baisse, le potentiel semble désormais plus limité et les marchés sont maintenant susceptibles de se concentrer sur un risque croissant de rebond.
Marché du gaz
Fin d’année 2023, une situation sur le marché du gaz plus que favorable
La demande repart à la hausse
La demande de gaz en Europe pour la production d’électricité a enregistré une baisse de 19 % sur une année. Cette diminution s’explique par l’accroissement de la production d’énergie nucléaire et renouvelable.
Cependant, la consommation devrait connaître une augmentation en 2024, stimulée par une demande industrielle croissante. En comparaison annuelle entre octobre et novembre, des signes de reprise sont perceptibles avec une hausse de 12 %, une tendance qui devrait s’accentuer progressivement.
Risque limité à court therme avec un rebond des prix possible à moyen terme
Bien que la demande ait réaugmenté en cette fin d’année, l’offre demeure assez abondante, ce qui maintient les réserves à un niveau supérieur à 92 % de leur capacité, un fait historique à cette date de l’année. En ce sens, même en cas d’un hiver rigoureux, le marché devrait pouvoir absorber cette situation avec des répercussions limitées sur les prix.
Les principaux éléments de volatilité se concentrent désormais sur la période du printemps et de l’été 2024. Pendant cette période, tous les pays s’efforcent de reconstituer leurs stocks en préparation pour l’hiver suivant. La demande varie de manière linéaire avec une certaine lisibilité, tandis que l’offre fluctue de manière cyclique, générant alternativement des périodes d’excédent et de pénurie.
COP 28 : Accord pour une sortie progressive des fossiles
Les gouvernements engagés dans les discussions climatiques de la COP28 ont conclu un accord historique visant à se retirer de manière progressive des combustibles fossiles afin d’atteindre la neutralité carbone.
Les pourparlers de la COP ont conduit à l’engagement de 22 pays en faveur du triplement de la capacité nucléaire mondiale d’ici 2050, tandis que 118 pays ont pris l’engagement similaire de tripler les capacités d’énergie renouvelable d’ici 2030.
Ainsi, en l’absence d’une technologie CCS (Capture et Stockage du Carbone) efficace, la part du gaz fossile dans les futurs mix énergétiques devrait considérablement diminuer.
Conclusion sur le marché du gaz
En cette fin d’année 2023, la situation sur le marché du gaz n’a jamais été aussi favorable. Depuis le mois d’octobre, semaine après semaine, les prix réagissent à la baisse, influencés par des fondamentaux exceptionnelle. Les risques actuels sont suffisamment maîtrisés pour que les prix du Calendaire24 se situent en dessous de ceux du Calendaire25, une situation relativement inhabituelle sur les marchés.
Le prix de clôture de la semaine dernière, à 32,745€/MWh, est le plus bas de l’année, marquant une chute impressionnante de 36,07€/MWh par rapport au prix du 02/01/2023 sur le marché Cal24. Cependant, cette diminution des prix pourrait entraîner une augmentation progressive de la consommation et une reprise significative des activités industrielles, qui fonctionnent actuellement en demi-teinte. Cela pourrait potentiellement compromettre la pérennité de la dynamique baissière qui pourrait commencer à s’essouffler au début de l’année 2024.