Nos experts vous présentent leur analyse complète de toute l’actualité sur les marchés de l’énergie à la date de clôture du 12 avril 2024.
Marché de l’électricité
Un marché à la hausse pour 2025-2026
Les prix de l’électricité pour les contrats futurs en France ont enregistré une hausse significative cette semaine.
En 2025, le prix de l’électricité s’élève à 83,82 €/MWh, enregistrant une augmentation de 9,39 €/MWh par rapport à la semaine précédente. Les augmentations sont moins marquées pour les années 2026 et 2027, avec des hausses respectives de 2,26 € et 1,18 € en une semaine.
Le financement des EPR : un défi pour EDF
La situation financière d’EDF est à la croisée des chemins. Lors d’une récente audition sénatoriale, le PDG d’EDF a lancé un signal d’alarme : l’entreprise seule ne peut porter le fardeau financier nécessaire au déploiement d’un programme nucléaire ambitieux en France. Le coût pour la construction de six nouveaux réacteurs EPR est désormais estimé à 67,4 milliards d’euros, un chiffre en hausse de 30% par rapport aux prévisions initiales.
À ce jour, EDF a déjà consacré 2 milliards d’euros au programme EPR, avec des dépenses prévues pour atteindre 3 milliards d’ici la fin de l’année. Bien que ces dépenses soient considérées comme « soutenables » pour l’instant, l’accent est mis sur la nécessité d’un mécanisme de financement robuste qui rassemblerait les investissements nécessaires pour mener à bien ce projet. Le PDG d’EDF fait ainsi écho au modèle financier régulé BAR, utilisé au Royaume-Uni, comme une éventuelle solution.
Ce défi financier pèse lourd sur l’avenir de la transition énergétique en France. La construction de la centrale nucléaire de Penly, prévue pour commencer en 2027, ainsi que la réalisation de l’objectif de construire jusqu’à 14 nouveaux réacteurs d’ici 2050, dépendront de la capacité d’EDF à s’accorder avec l’État sur un mode de financement viable d’ici la fin de l’année.
Réforme du marché électrique européen
Le Parlement européen a franchi une étape décisive vers la stabilisation et la durabilité du marché électrique européen, avec l’approbation formelle d’une réforme ambitieuse. Cette initiative législative, saluée pour son potentiel à réduire la volatilité des prix et la dépendance de l’Europe aux hydrocarbures, se dirige désormais vers son adoption finale.
Au cœur de cette réforme se trouve un mécanisme permettant la déclaration d’une crise des prix de l’électricité à l’échelle régionale ou communautaire, en réponse à des prix de gros élevés ou à des hausses substantielles des prix de détail. Une caractéristique notable de cette initiative est la possibilité pour les gouvernements nationaux de fixer temporairement les prix de l’électricité pour les PME et les industries à forte consommation d’énergie.
L’accord souligne également l’importance des contrats pour différence bidirectionnels (CFD) ou des mécanismes équivalents, dans l’octroi de soutien direct des prix pour de nouvelles centrales électriques à faibles émissions. Cette mesure vise spécifiquement les sources d’énergie renouvelables telles que l’éolien, le solaire, la géothermie, l’hydroélectricité sans réservoir, et même l’énergie nucléaire, dans le but de garantir un certain prix cible aux producteurs, tout en assurant une répartition équitable des recettes excédentaires en cas de dépassement de ce prix par le marché.
Capacité nucléaire en France et Corrosion Sous Contrainte (CSC)
La disponibilité du parc nucléaire français est tombée à 41,3 GW au 9 avril, ce qui est inférieur de 5,1 GW aux prévisions d’EDF une semaine auparavant. Plus inquiétant encore, EDF a découvert de nouvelles fissures dues à de la corrosion sous contrainte sur un réacteur en Normandie. Actuellement, 16 réacteurs sur les 56 que compte le parc nucléaire sont hors service. Malgré les arrêts, les centrales en fonctionnement produisent 64% de l’électricité française, illustrant l’importance du nucléaire dans le mix énergétique du pays.
Tensions géopolitiques
Une centrale ukrainienne majeure a récemment été entièrement détruite par la Russie, aux frontières de l’Europe. Ceci s’ajoute à des événements similaires survenus les 22/03 et 29/03. Ainsi, le système de production ukrainien devient de plus en plus fragile, nécessitant une collaboration renforcée avec l’Europe pour maintenir l’approvisionnement énergétique grâce à l’interconnexion.
Conclusion sur le marché de l’électricité
C’est la deuxième semaine consécutive que les marchés de l’électricité affichent une tendance à la hausse, ce qui témoigne d’une augmentation de la prime de risque principalement due aux événements géopolitiques mondiaux.
Malgré des fondamentaux solides, les tensions persistantes en Europe de l’Est et au Moyen-Orient continuent d’exercer une pression sur le marché entraînant une hausse des prix à terme.
Paradoxalement, les prix du marché spot européen ont chuté vendredi dernier, atteignant -55 €/MWh, ce qui témoigne d’une forte production d’énergie renouvelable. Ainsi, EDF a coupé 5 réacteurs en raison d’une faible demande en électricité.
Par conséquent, si les tensions géopolitiques s’atténuent, on devrait observer une baisse des prix sur le marché dans les semaines à venir.
Marché du gaz
Forte hausse des prix du gaz cette semaine
Les prix du gaz pour les contrats de base en France montrent une augmentation continue sur les trois années présentées.
Pour l’année 2025, le prix est fixé à 35,386 €/MWh, avec une hausse notable de
4,508 €/MWh par rapport à la semaine précédente. En 2026, le prix du contrat de base augmente légèrement pour s’établir à 31,607 €/MWh, et cela représente une augmentation de 2,769 €/MWh par rapport à la semaine d’avant, indiquant une tendance persistante à la hausse des prix. Enfin, pour 2027, le prix continue de refléter cette tendance avec un tarif de 28,11 €/MWh, qui est 0,985 €/MWh plus élevé que la semaine précédente.
L’impact du réseau hydrogène franco-allemand sur le marché du gaz
Dans une démarche vers la transition énergétique, GRTgaz et Creos ont annoncé un investissement majeur dans la construction d’un réseau de transport d’hydrogène reliant l’Allemagne et la France. Ce projet, baptisé « MosaHYc », représente un investissement de 110 millions d’euros pour la conversion de
70 km de gazoducs existants et la construction de 20 km de nouvelles canalisations, avec une capacité prévue de transporter jusqu’à 50 000 tonnes (environ 1,7 TWh) d’hydrogène par an.
L’inauguration de MosaHYc, prévue pour 2027, pourrait marquer un tournant dans la manière dont l’Europe approche la question de la durabilité énergétique et de l’indépendance. Ceci peut avoir un impact sur la dépendance aux combustibles fossiles en la réduisant car en effet, la capacité à transporter l’hydrogène ouvre cette voie. De plus, l’investissement dans les infrastructures d’hydrogène peut avoir un effet modérateur sur les prix du gaz à moyen et long terme. À mesure que l’hydrogène devient une alternative viable pour des secteurs tels que l’industrie sidérurgique, la demande de gaz naturel pourrait se stabiliser ou diminuer, entraînant potentiellement une modération des prix du gaz sur les marchés européens.
Le projet MosaHYc et d’autres initiatives similaires peuvent contribuer à l’émergence de nouveaux marchés pour l’hydrogène, offrant de nouvelles opportunités pour les producteurs d’hydrogène vert. Cela pourrait entraîner une diversification des sources d’énergie sur le marché, réduisant ainsi les risques associés à la volatilité des prix du gaz naturel.
La hausse du prix du gaz
Le contrat gazier de référence en Europe a connu une hausse significative, atteignant son niveau le plus élevé en
11 jours. Ces perturbations sont dues à une panne imprévue sur le champ de gaz d’Asgard en Norvège, qui a réduit les flux de gaz vers l’Europe. Cela intervient dans un contexte où la météo douce et venteuse en Europe diminue la demande de gaz pour la production d’électricité. Toutefois, les craintes d’un conflit au Moyen-Orient après une attaque d’Israël en Syrie ont également joué un rôle dans l’augmentation des prix.
L’impact sur le marché du gaz en France peut se manifester de plusieurs façons. Premièrement, l’augmentation des prix sur le hub TTF néerlandais, une référence pour le marché européen, peut entraîner une hausse des coûts pour les importateurs de gaz en France. Deuxièmement, toute perturbation dans l’approvisionnement en gaz, que ce soit en raison de problèmes de production en Norvège ou de tensions géopolitiques au Moyen-Orient, peut augmenter la volatilité des prix et affecter la sécurité de l’approvisionnement en France.
Conclusion sur le marché du gaz
Le marché du gaz sur la semaine à venir, pourrait s’annoncer particulièrement mouvementé. En plus des pannes subies sur les infrastructures en Norvège, le conflit au Moyen-Orient, qui s’est aggravé ces derniers jours entre l’Iran et Israël, serait susceptible de refaire partir les prix du gaz à la hausse.
A plus long-terme, il y a une concrétisation progressive des projets liés à l’hydrogène, ce qui pourrait permettre d’alléger les tensions pour les années
à venir.
Cependant, en ce début de printemps, la situation actuelle laisse entrevoir des perspectives positives pour les prochaines semaines. En effet, les niveaux de stockage actuels devraient limiter la compétition internationale pour reconstituer les réserves, ce qui met l’Europe dans une position relativement favorable pour acheter lorsque les prix sont au plus bas.