Nos experts vous présentent leur analyse complète de toute l’actualité sur les marchés de l’énergie à la date de clôture du 03 mai 2024.
Marché de l’électricité
La France mise sur l’éolien en mer mais des tensions secouent le marché
Les prix de clôture pour l’électricité du 3 mai révèlent des tendances variées pour les contrats à terme.
Pour 2025, le contrat de base affiche un prix de 82,85 €/MWh, en hausse de 3,73 €/MWh, indiquant une possible augmentation de la demande ou des coûts. En contraste, les prix pour 2026 et 2027 montrent une baisse, à 61,97 €/MWh et 58,44 €/MWh respectivement, reflétant de bonnes futures perspectives.
Le futur éolien de la France
Le gouvernement français vient d’annoncer un plan ambitieux pour transformer son secteur énergétique en lançant un neuvième appel d’offres pour l’éolien en mer. Cette initiative vise à développer des projets d’une capacité totale de 2,5 GW, répartis en trois projets de 500 MW et un projet colossal de 1 GW, prévus pour être opérationnels entre 2032 et 2034. De plus, un dixième appel d’offres encore plus spectaculaire, envisageant 10 GW de capacité supplémentaire, est en cours de finalisation.
Ces projets éoliens marins joueront un rôle crucial non seulement en augmentant la capacité énergétique renouvelable de la France mais aussi en réduisant significativement la dépendance aux combustibles fossiles. L’impact sur le marché de l’électricité sera profond, avec une baisse attendue des prix spot de l’électricité à mesure que ces parcs éoliens augmenteront l’offre d’énergie renouvelable. Historiquement, les contrats pour différence (CfD) attribués pour ces projets ont affiché des prix « très inférieurs » à 140 EUR/MWh, démontrant une tendance vers une énergie propre plus abordable.
La France vise à atteindre une capacité éolienne en mer de 18 GW d’ici 2035 et d’au moins 45 GW d’ici 2050, illustrant son engagement envers les objectifs climatiques mondiaux et l’autonomie énergétique. Le premier parc éolien flottant commercial de la France, d’une capacité de 250 MW, est également en bonne voie pour une mise en service d’ici 2031, soulignant l’innovation continue dans le secteur.
Tensions et transparence dans le marché de l’électricité français :
Le marché français de l’électricité traverse une période tendue avec des réductions significatives de ses capacités d’exportation, influençant directement les prix de l’électricité tant au niveau national qu’européen. Actuellement, le contrat français pour livraison au troisième trimestre se négocie à EUR 59,01/MWh, ce qui est EUR 17,05/MWh moins cher que le contrat allemand équivalent. Cette situation n’est pas isolée et suscite des interrogations sur la gestion et la transparence du Réseau de Transport d’Électricité (RTE). Des acteurs clés du marché, incluant des traders et des gestionnaires de réseau, expriment leur frustration face au manque apparent de clarté des actions de RTE.
Cette dynamique pourrait potentiellement influencer les prix de l’électricité pour l’année prochaine, avec des implications à long terme sur les droits de transport transfrontaliers. Les restrictions actuelles perturbent la gestion des risques transfrontaliers, compliquant ainsi les stratégies des acteurs de marché qui dépendent de prévisions stables et transparentes.
Selon les normes européennes, les gestionnaires de réseau doivent réserver au moins 70% de leurs capacités d’interconnexion pour les échanges transfrontaliers. Cependant, RTE n’a réservé que 40% de ces capacités, soulevant des questions de conformité avec les règles européennes. Le régulateur belge a déjà demandé des clarifications, et l’Agence de coopération des régulateurs de l’énergie (Acer) est en train de vérifier la conformité de RTE à ces normes.
Conclusion sur le marché de l’électricité
Nous venons de passer une deuxième semaine consécutive avec une baisse sur l’ensemble des échéances 2025, 2026 et 2027. Cependant, nous observons une décorrélation des courbes de prix entre 2025 et les autres années.
En étant au-dessus de 80 €, le prix de l’électricité pour l’année 2025 se maintient à des niveaux élevés par rapport aux trois derniers mois. Il semble que les restrictions d’exportation de la France, qui bénéficie de l’un des prix de l’électricité les plus bas en Europe, pourraient dès aujourd’hui avoir une répercussion négative sur les prix futurs de 2025. Dans l’attente des réponses promises pour le 22 mai, le manque de transparence actuel d’RTE pourrait accroître les tensions pour cette année de livraison et faire augmenter davantage les prix.
En revanche, les prix pour les années 2026 et 2027 offrent des opportunités d’économie avec des prix avoisinant les 60 €, se rapprochant ainsi d’un niveau de prix le plus bas depuis plusieurs années.
– Clément Tuffery, Analyste Pricing chez Capitole Energie
Marché du gaz
Europe : demande de gaz en baisse face à une offre instable
Les prix de clôture pour le gaz du 3 mai montrent une évolution diverse pour les années à venir.
En 2025, le prix est de 34,579 €/MWh, marquant une hausse significative de 1,639 €/MWh, potentiellement due à une hausse anticipée de la demande. Pour 2026, le prix reste stable à 29,36 €/MWh, avec une minime augmentation de 0,015 €/MWh. En 2027, le prix diminue à 25,869 €/MWh, en baisse de 0,535 €/MWh, reflétant peut-être une amélioration de l’offre ou de l’efficacité énergétique.
Répercussions sur la demande de gaz en Europe
L’Europe est confrontée à une transformation radicale de son marché du gaz naturel, accentuée par les hausses historiques des prix et la volatilité du marché. Selon les données de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), la demande européenne de gaz a chuté de 20 % depuis 2021, ce qui représente une réduction bien supérieure à l’objectif de 15% fixé par la Commission européenne. Ces changements pourraient avoir des implications durables, avec environ la moitié de cette demande réduite potentiellement perdue à jamais.
Les secteurs des engrais et des produits chimiques, vitaux pour l’économie européenne, comptent parmi les plus affectés par la crise du gaz. Ces industries ont subi une diminution significative de leur consommation de gaz en raison des prix élevés, ce qui a contraint beaucoup d’entre elles à ralentir ou à modifier leur production.
Après avoir atteint des sommets de près de 350 €/MWh en 2022, les prix du gaz européen se sont stabilisés autour de
30 €/MWh. Bien que cette baisse soit notable, elle ne suffit pas à inverser complètement les tendances de baisse de la demande. La viabilité future du marché du gaz dépendra largement de l’évolution des prix dans les années à venir, avec une attention particulière sur la possibilité d’une nouvelle baisse qui pourrait stimuler un retour de la demande.
Malgré la situation actuelle, certains experts restent optimistes. Par exemple, Antoine Hoxha de Fertilizers Europe suggère que si les conditions actuelles du marché se maintiennent, la demande européenne d’engrais pourrait revenir à la normale d’ici trois ans, avec une production également proche des niveaux habituels. Cela indique qu’une partie de la demande de gaz détruite pourrait potentiellement revenir, surtout dans les secteurs clés comme celui des engrais.
Le tournant du géant de l’énergie
TotalEnergies a récemment rapporté une baisse significative de 41% de son résultat net ajusté pour son unité GNL, qui s’établit à environ EUR 1,1 milliard pour le premier trimestre de l’année. Cette chute est principalement due à une réduction des prix et des ventes de gaz naturel liquéfié (GNL).
La diminution des prix du GNL chez TotalEnergies est notable, avec une baisse de 28% par rapport à l’année précédente, fixant le prix de vente moyen à 30,49 €/MWh. De manière parallèle, le prix de vente du gaz a connu une contraction encore plus marquée de 43%, à 16,26 €/MWh. Ce recul des prix reflète une volatilité réduite durant le trimestre, ce qui a été estimé par la société comme « en ligne avec la moyenne historique ».
L’environnement actuel pour le GNL est fortement influencé par les dynamiques globales, notamment en Europe où la fin de l’hiver avec des niveaux de stockage élevés a contribué à une demande moindre. Malgré cela, TotalEnergies anticipe une stabilité des prix du GNL entre 28,7-31,8 €/MWh pour le deuxième trimestre, se basant sur les tendances récentes des prix du pétrole et du gaz.
Conclusion sur le marché du gaz
Le point positif que nous pouvons relever, c’est que la demande de gaz a su s’adapter pour répondre à un contexte de crise énergétique. Notamment le secteur agricole, qui a su réduire sa consommation et substituer le gaz à d’autres énergies.
Cependant, les acteurs phares du monde de l’énergie comme TotalEnergies par exemple, continuent à faire en sorte que le GNL soit compétitif. Cela permettrait de stabiliser l’équilibre offre/demande du gaz à court/moyen terme, en attendant de trouver des alternatives viables sur le long terme.
– Yanice Meguenni, Analyste Pricing chez Capitole Énergie