Nos experts vous présentent leur analyse complète de toute l’actualité sur les marchés de l’énergie à la date de clôture du 24 mai 2024.
Marché de l’électricité
Hausse des prix de l’électricité : prévisions 2025-2027
Prix de l’électricité au 24 mai 2024
Les prix de clôture de l’électricité au 24 mai en France montrent des variations notables à la hausse des contrats bases sur les trois principales échéances.
Pour l’année 2025, le prix de l’électricité se fixe à 86,58 €/MWh, marquant une hausse de 4,27 €/MWh par rapport à la précédente clôture. En 2026 et 2027, les prix sont respectivement de 64,43 €/MWh et 59,10 €/MWh, marqués par une augmentation moins prononcée de 3,68 €/MWh et 2,14 €/MWh.
Ces fluctuations montrent un retournement de tendance avec une hausse des prix de l’électricité sur ces périodes. Nous pouvons également souligner que les augmentations soient moins prononcées pour les contrats à plus long terme.
Les investissements dans les réseaux électriques européens
En 2024, la France se trouve à un tournant crucial pour ses infrastructures électriques. Selon des rapports récents, les investissements annuels dans les réseaux électriques devront doubler, passant de 33 milliards d’euros actuellement à 67 milliards d’euros par an entre 2025 et 2050. Cette augmentation est nécessaire pour répondre à la demande croissante en électricité et pour atteindre les objectifs de décarbonation de l’Union européenne.
La demande en électricité en Europe devrait augmenter de manière significative et représenter 60 % de la consommation finale d’énergie d’ici 2050, contre 23 % aujourd’hui. Cette croissance est en partie due à l’électrification des transports, avec une estimation de 65 à 70 millions de véhicules électriques sur les routes européennes d’ici 2030, ainsi qu’à l’augmentation de l’utilisation des pompes à chaleur et des énergies renouvelables.
Les réseaux de distribution sont au cœur de cette transition énergétique. Ils doivent être modernisés de toute urgence pour intégrer les nouvelles capacités renouvelables qui devraient être multipliées par six d’ici 2050, et pour faire face aux demandes croissantes des secteurs des transports, du chauffage et de l’industrie. Des investissements de l’ordre de 375 à 425 milliards d’euros seront nécessaires pour adapter ces réseaux à un système de plus en plus décarbonisé, décentralisé et digitalisé.
La réforme du marché de l’électricité de l’UE
conseil de l’Union Européenne a récemment donné son accord final pour une réforme significative du marché de l’électricité. Cette réforme vise à réduire la volatilité des prix et la dépendance aux hydrocarbures, tout en encourageant les énergies renouvelables.
L’une des principales mesures de cette réforme est la mise en place d’un mécanisme permettant de déclarer une crise des prix de l’électricité. Ce dispositif pourra être activé en cas de flambée des prix de gros ou de forte augmentation des prix de détail. Cette déclaration de crise permettra aux États membres de prendre des mesures temporaires pour fixer les prix de l’électricité, offrant ainsi une protection aux PME ainsi qu’aux industries à forte consommation énergétique. Un autre volet important de cette réforme concerne les contrats pour différence (CFD), qui sont des accords à long terme visant à soutenir les nouvelles centrales à faibles émissions. La réforme promeut également la signature de contrats d’achat direct d’électricité (PPA) entre les producteurs d’énergie renouvelable et les consommateurs, ce qui devrait faciliter les investissements dans ce secteur.
La mise en œuvre de cette réforme aura des effets significatifs sur le marché de l’électricité en Europe. La stabilité des prix permettra aux entreprises de mieux planifier leurs coûts énergétiques, ce qui est crucial pour leur compétitivité. De plus, la promotion des énergies renouvelables contribuera à la décarbonisation du secteur énergétique, en réduisant la dépendance aux s, énergies fossiles et en favorisant l’innovation technologique.
Conclusion sur le marché de l’électricité
Le prix de l’électricité en France continue d’être attractif et poursuit sa baisse pour les trois principaux horizons 2025, 2026 et 2027. En effet, nous bénéficions d’une très bonne production renouvelable, principalement hydraulique, liée aux dernières intempéries. De plus, la disponibilité nucléaire reste élevée, permettant d’éviter l’utilisation couteuse des centrales à gaz et à charbons marginales. Enfin, on observe également une baisse du prix du CO2 et du charbon, ce qui permet également de réduire le coût variable de production des centrales à thermiques.
Comme signalé lors de notre précédente analyse, les premiers signes d’un essoufflement de la tendance baissière ont commencé à se manifester. Cette observation est confirmée par les récentes fluctuations des prix. Après 17 mois de baisse continue, les prix de l’électricité sur le marché ont brusquement rebondi, enregistrant une hausse rapide et significative de +32% depuis fin février pour le CAL-25.
Cette reprise des prix de l’électricité, en particulier pour les livraisons en 2025, est principalement attribuable à la tendance haussière observée sur les marchés du CO2 et des matières premières utilisées dans la production d’électricité, telles que le charbon et le gaz naturel. Notre analyse signale un potentiel de continuation haussière soutenu par des volumes d’achat accrus.
En parallèle, la France maintient une situation relativement confortable avec un niveau de production nucléaire et hydroélectrique élevé. Les indicateurs techniques montrent une consolidation des prix pour les livraisons allant de 2026 à 2028 renforcée par des fondamentaux robustes.
Toutefois, l’évolution des prix de l’électricité dépend aujourd’hui principalement de la dynamique haussière des marchés du gaz, du charbon et du CO2. La poursuite de l’emballement haussier sur ces marchés pourrait entraîner de nouvelles hausses significatives des prix de l’électricité, nécessitant une vigilance accrue pour ajuster les stratégies d’achat en conséquence.
– Clément Tuffery,
Analyste Pricing chez Capitole Energie
Marché du gaz
Le marché du gaz à la hausse pour 2025-2027
Les prix de clôture du gaz en France indiquent des variations notables selon les années de contrat.
Pour l’année 2025, le prix du gaz se fixe à 37,619 €/MWh, marquant une hausse de 2,184 €/MWh par rapport à la précédente clôture. En 2026, le prix est de 32,026 €/MWh, avec une augmentation de 1,356 €/MWh. En revanche, pour 2027, le prix est de 27,491 €/MWh, enregistrant une légère baisse de 0,159 €/MWh.
Ces fluctuations montrent une tendance générale à la hausse des prix du gaz à court terme, avec une légère diminution prévue pour les contrats à plus long terme.
L’Europe en route vers la dépendance énergétique
L’Union européenne est à un tournant décisif concernant son approvisionnement en gaz. Des récents rapports mettent en lumière les perspectives de l’Europe pour se passer du gaz russe et les actions recommandées par la Commission européenne pour renforcer cette transition.
L’UE pourrait se passer des importations de gaz russe jusqu’en 2045. Cette perspective est rendue possible grâce à une augmentation des importations de gaz naturel liquéfié (GNL), malgré une consommation qui reste au niveau actuel .
En parallèle, la commissaire européenne à l’Énergie, , a récemment appelé les États membres à utiliser la nouvelle législation européenne pour bloquer temporairement les importations de gaz russe. Cette législation permet de limiter les offres de capacité dans les réseaux de gaz naturel et les terminaux d’importation de GNL. Cette mesure vise à réduire l’influence du président russe Vladimir Poutine sur les marchés énergétiques européens.
Ces initiatives s’inscrivent dans le cadre du programme RePowerEU, qui promeut les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique, avec l’objectif de s’affranchir des combustibles fossiles russes d’ici 2027. Le programme met également en avant l’importance des gaz renouvelables et prévoit de mettre fin aux contrats de gaz fossile à long terme d’ici 2050.
L’impact sur le marché du gaz français se fait déjà sentir. En se détachant progressivement du gaz russe, la France devra renforcer ses capacités d’importation de GNL et investir dans des infrastructures pour accueillir ces nouvelles sources d’énergie. De plus, la transition vers des énergies renouvelables et l’intégration des gaz bas-carbone sont des éléments clés pour garantir la sécurité énergétique et atteindre les objectifs de neutralité carbone d’ici 2050 qui pourra cependant augmenter les prix à court terme.
Le projet Golden Pass LNG menacé par son entrepreneur principal
Le marché mondial du GNL est confronté à des défis majeurs suite à la défaillance de l’entrepreneur principal chargé de la construction de l’usine de GNL Golden Pass au Texas, un projet conjoint entre ExxonMobil et QatarEnergy. La société Zachry Holdings, qui détenait la majeure partie du projet de 10 milliards de dollars, a déposé son bilan sous le chapitre 11, citant des problèmes de coûts et des différends de paiement .
Le projet Golden Pass LNG, prévu pour commencer la production de GNL au premier semestre 2025, est conçu pour convertir une ancienne installation d’importation de gaz en une installation de traitement et d’exportation de GNL. Ce projet, qui devrait produire jusqu’à 18 millions de tonnes métriques de GNL par an, est crucial pour l’expansion des exportations de GNL des États-Unis, le plus grand exportateur mondial de GNL .
La faillite de Zachry Holdings et les défis rencontrés par le projet Golden Pass pourraient avoir des répercussions significatives sur le marché du GNL. En raison de la demande croissante en Asie et en Europe, les retards de projets tels que Golden Pass pourraient exacerber la concurrence pour les cargaisons de GNL, entraînant une augmentation des prix. En mai 2024, les prix mondiaux du GNL ont déjà atteint des sommets annuels, stimulés par une forte demande de refroidissement en Asie et le remplissage des stocks en Europe. Les prix en France se rapproche dangereusement des 40€/MWh.
Conclusion sur le marché du gaz
La transition énergétique liée au gaz naturel progresse de manière graduelle, reflétant les dynamiques complexes des marchés de l’énergie.
En attendant l’émergence de solutions alternatives moins polluantes, le Conseil des ministres prévoit de délibérer fin juin sur un nouveau train de mesures visant à perturber l’économie russe, en ciblant spécifiquement le commerce de GNL. Cette décision, potentiellement mise en œuvre cet été, dépendra de la capacité de l’Europe à maintenir un flux croissant de GNL.
Simultanément, le contrat entre OMV et Gazprom, arrivant à expiration, est actuellement empêché de renouvellement par une décision judiciaire, impliquant 40 millions de mètres cubes de gaz. Cette situation pourrait également provoquer l’arrêt des flux de GNL russe vers l’Europe, exacerbant les tensions sur le marché.
Récemment, les niveaux de stockage en Europe, qui avaient une avance confortable par rapport à l’année dernière, ont diminué, les réserves étant actuellement à environ 67% de leur capacité. La réduction significative des livraisons norvégiennes, en raison de travaux de maintenance, et l’augmentation des importations de GNL par la Chine en avril, en anticipation des températures élevées, ajoutent une pression supplémentaire sur l’offre.
Sur le plan technique, après 17 mois de déclin continu, les prix du gaz naturel ont connu un retournement abrupt et substantiel. Le CAL-25 a enregistré une hausse spectaculaire de 45% depuis fin février.
En conclusion, les dynamiques actuelles, tant fondamentales que techniques, signalent une volatilité accrue et un potentiel de hausse continue des prix du gaz naturel à court terme.
– Yanice Meguenni,
Analyste Pricing chez Capitole Energie