Nos experts vous présentent leur analyse complète de toute l’actualité sur les marchés de l’énergie à la date de clôture du 18 octobre 2024.
Marché de l’électricité
La France face à l’illusion des températures douces
Le marché européen de l’électricité a été influencé semaine dernière par un climat plus doux et une demande réduite en chauffage, avec une demande d’énergie en France de 43,6 GW. Les flux de gaz norvégiens, perturbés par des pannes dans le champ de Troll (13 millions de mètres cubes de moins par jour), devraient se stabiliser, mais ces interruptions montrent la vulnérabilité du marché.
Sur le marché du carbone, les prix sont sous pression en raison d’une offre accrue aux enchères et d’une demande plus faible, notamment en Allemagne, où les données économiques restent préoccupantes. Les vents forts stimulent également la production éolienne, réduisant la demande en énergies fossiles. Toutefois, les tensions au Moyen-Orient et les incertitudes sur les approvisionnements en pétrole pourraient rapidement inverser cette tendance et faire remonter les prix de l’énergie en Europe.
Tension croissante autour des politiques énergétiques françaises
Cette semaine, la commission des finances de l’Assemblée nationale a voté pour abandonner un projet de taxation de la vente d’énergie nucléaire d’EDF sur le marché de gros, prévu pour 2026.
Ce projet visait à remplacer le tarif nucléaire réglementé actuel, l’Arenh, par une nouvelle taxe sur les revenus d’EDF au-delà de certains seuils (78-80 €/MWh et 110 €/MWh).
L’accord initial conclu en novembre 2023 entre EDF et le gouvernement prévoyait de vendre l’électricité nucléaire à une moyenne de 70 €/MWh jusqu’en 2040.
Cependant, ce plan fait face à une vive opposition, notamment de la part de fournisseurs concurrents et d’analystes, qui jugent ce système impraticable, d’autant plus que les prix de gros pour 2026 sont tombés en dessous de 70 €/MWh. Le ministre de l’Industrie, Marc Ferracci, a appelé EDF à proposer des prix plus compétitifs pour les industries consommatrices d’énergie, tandis que la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, prévoit une réunion avec le PDG d’EDF, Luc Remont, pour évaluer la mise en œuvre de cet accord.
Alors que la législation financière pour 2025 sera débattue prochainement, l’avenir de cette réforme est incertain, d’autant plus qu’aucun parti ne détient de majorité absolue à l’Assemblée.
Cette situation reflète une tension croissante autour des politiques énergétiques en France, avec EDF au centre des discussions sur les tarifs et l’approvisionnement énergétique à long terme.
L’analyse électricité de notre expert
Entre volatilité et sérieux défis structurels
En Finlande, les fluctuations des prix de l’électricité, fortement influencées par la dépendance accrue à l’énergie éolienne persistent. La volatilité est désormais une caractéristique fondamentale du marché électrique, où les prix peuvent chuter en dessous de zéro lors de périodes venteuses, pour ensuite atteindre des sommets vertigineux les jours froids, comme le 5 janvier dernier, avec un record de 890,54 €/MWh.
Les ministres de l’énergie peinent à s’accorder sur une stratégie commune face aux pics de prix. Tandis que la Grèce et plusieurs pays d’Europe du Sud plaident pour des mécanismes de redistribution des bénéfices exceptionnels, d’autres nations comme l’Allemagne appellent à une réduction structurelle des prix. La Finlande quant à elle milite pour abaisser le plafond des prix sur le marché spot afin de prévenir des flambées excessives.
La hausse des énergies renouvelables intensifie la volatilité des prix, exacerbant les difficultés des petits développeurs à sécuriser des contrats d’achat d’électricité (PPA). La nécessité d’une meilleure couverture des prix devient urgente pour stabiliser les revenus des producteurs d’énergie renouvelable face à des risques géopolitiques croissants et des interconnexions fragiles.
– Helder FARIA RUBIO,
Responsable Vente Indirecte et Partenariats chez Capitole Energie
Marché du gaz
L’Europe joue-t-elle à la roulette russe avec son approvisionnement hivernal ?
L’Europe fait face à des tensions importantes malgré des stocks de gaz robustes, remplis à 95 % de leur capacité. Le risque d’approvisionnement pour cet hiver reste élevé, accentué par les tensions au Moyen-Orient, qui pourraient affecter le transport maritime du GNL, et l’expiration imminente du contrat de transit de gaz entre la Russie et l’Ukraine. Ces craintes sont contrebalancées par une demande réduite grâce à des températures plus clémentes en Europe pour l’instant, mais la situation pourrait rapidement changer.
Le marché du charbon, quant à lui, voit des importations européennes modérées malgré une baisse des stocks. L’augmentation des importations de charbon américain compense quelque peu cette baisse, mais la dynamique reste fragile. Ces éléments soulignent la vulnérabilité des approvisionnements européens en énergie, d’autant plus que la demande de GNL pourrait aussi augmenter en Asie, créant une concurrence supplémentaire pour les importations européennes en hiver.
L’Illusion de la transition énergétique et la réalité de la pénurie de GNL
L’avenir énergétique de l’Europe pourrait se dessiner sous un jour préoccupant, avec des prévisions de pénurie d’approvisionnement en gaz naturel liquéfié (GNL) dès 2030.
EQT, le plus grand producteur de gaz aux États-Unis, a récemment exprimé des doutes sur la durabilité de la pause actuelle sur les nouvelles licences d’exportation américaines. Bien que cette suspension ait été mise en pour examiner l’impact économique et environnemental des projets de GNL, elle est avant tout un « jeu politique ».
Malgré cette pause, les projets suspendus devraient progressivement entrer sur le marché d’ici 2029, entraînant une surabondance temporaire de GNL.
Cependant, à partir de 2030, la situation pourrait se renverser, nécessitant une planification stratégique de la part des États-Unis et de l’Europe pour éviter des chocs de prix.
Actuellement, les États-Unis représentent environ 45 % des importations de GNL en Europe, mais le marché asiatique demeure prioritaire en raison de la nécessité d’éliminer le charbon. EQT insiste sur le rôle crucial du gaz comme élément stabilisateur dans cette transition énergétique, remettant en question les perceptions souvent binaires de l’énergie.
Ces réflexions s’opposent aux prévisions plus optimistes de l’Agence internationale de l’énergie concernant la capacité d’exportation de GNL.
L’analyse gaz de notre expert
L’Europe et le risque du détachement du gaz russe
La semaine dernière, l’actualité économique était marquée par un événement marquant : la première cargaison de GNL en provenance du Mexique a été déchargée au terminal Gate de Rotterdam. L’UE se tourne vers le Mexique pour réduire sa dépendance énergétique dans un contexte géopolitique tendu, surtout avec les risques liés aux conflits au Moyen-Orient, qui pourraient perturber les approvisionnements mondiaux.
L’Agence internationale de l’énergie (AIE) a signalé que les tensions au Moyen-Orient posent des risques « élevés » pour l’approvisionnement en pétrole et en gaz. Toutefois, la montée des capacités de GNL, notamment avec la prévision d’une surcapacité d’exportation de près de 50 % d’ici 2030, devrait atténuer ces inquiétudes. Les prix du GNL devraient connaître une baisse significative, avec des prévisions indiquant une réduction de 50 % dans l’UE d’ici 2030.
Dans le même temps, la commissaire européenne à l’Énergie, Kadri Simson, a averti des dangers liés à l’achat de gaz russe, notamment après l’expiration de l’accord de transit par l’Ukraine en fin d’année. L’UE, tout en réduisant ses importations de gaz russe, se prépare à une transition énergétique plus durable, avec des investissements accrus dans les infrastructures de réseau pour intégrer les énergies renouvelables. Ainsi, l’Europe semble en voie de transformation, jonglant entre sécurité énergétique et transition vers des solutions plus durables.
– Helder FARIA RUBIO
Responsable Vente Indirecte et Partenariats chez Capitole Energie
Charbon, Pétrole et Hydrogène : retour en force des énergies fossiles dans un monde en crise?
Ce début d’automne 2024 voit un tournant significatif dans le paysage énergétique européen, avec plusieurs pays naviguant entre dépendance aux combustibles fossiles et ambitions vertes.
Aux Pays-Bas, une reprise potentielle de la production de charbon semble se profiler à l’horizon hivernal. Bien que les restrictions sur les centrales à charbon, levées en 2022 en réaction à l’invasion de l’Ukraine, n’aient pas encore entraîné une utilisation accrue, la récente baisse des bénéfices des centrales à gaz incite à une réévaluation. La chute des prix du carbone, maintenant autour de 62,50 euros par tonne, rend les centrales au charbon plus compétitives, notamment pour 2025. Les importations de charbon thermique, qui ont atteint un niveau record en septembre, laissent entrevoir une demande croissante pour cet hiver, même si une part importante de ce charbon pourrait être réacheminée vers l’Allemagne, où la consommation de charbon est également en hausse.
Toutefois, ce retour au charbon s’accompagnera inévitablement d’une augmentation des émissions de CO2, allant de 6,2 millions de tonnes estimées pour 2024 à 8,7 millions de tonnes en 2025.
Dans un contexte mondial troublé, les prix du pétrole se stabilisent alors que les investisseurs évaluent les impacts de l’économie chinoise et des tensions au Moyen-Orient. La Chine, premier importateur de pétrole, a affiché une croissance économique de seulement 4,6 % au troisième trimestre, suscitant des doutes sur sa capacité à atteindre son objectif de croissance de 5 %. Parallèlement, la production des raffineries chinoises est en déclin, alimentant les craintes de ralentissement de la consommation de carburant. L’OPEP et l’AIE ont également révisé à la baisse leurs prévisions de demande mondiale, accentuant le tableau incertain.
En parallèle, l’Italie se prépare à un virage stratégique en matière d’hydrogène. En réponse à des retards dans le développement par rapport à d’autres nations européennes, le pays élabore un plan ambitieux pour augmenter sa production d’hydrogène et améliorer ses infrastructures. Le projet vise une capacité d’électrolyse de 3 GW d’ici 2030 et 19 GW d’ici 2050, tout en planifiant une consommation nette de 2,8 millions de tonnes d’hydrogène. Cependant, la nécessité d’incitations publiques pour rendre ce secteur compétitif face à des fournisseurs étrangers moins coûteux, notamment en Afrique du Nord, demeure cruciale.
Enfin, la France mise sur l’éolien flottant dans son prochain appel d’offres, avec un objectif de 60 % pour cette technologie émergente. Bien que les ambitions soient élevées, la France doit surmonter des défis logistiques et technologiques importants pour atteindre ses objectifs de production d’énergie offshore. La concurrence avec d’autres pays européens, offrant des tarifs plus élevés pour des projets similaires, intensifie également la pression sur le secteur français.
Dans un monde où l’énergie est au cœur des préoccupations politiques et économiques, ces développements témoignent d’une transition complexe, où la recherche de l’équilibre entre sécurité énergétique et durabilité est plus cruciale que jamais.
– Helder FARIA RUBIO
Responsable Vente Indirecte et Partenariats chez Capitole Energie
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