Nos experts vous présentent leur analyse complète de toute l’actualité sur les marchés de l’énergie à la date de clôture du 25 octobre 2024.
Marché de l’électricité
Les enjeux cachés derrière la stabilité des prix de l’électricité
La dynamique des prix de l’électricité en Europe est actuellement marquée par des prévisions de températures douces et une demande réduite, contribuant à un climat favorable pour les consommateurs. Cependant, la production d’énergie éolienne connaît une baisse significative, ce qui pousse les centrales au charbon à augmenter leur production. Cette situation entraîne une hausse des émissions de carbone, exacerbant les tensions sur le marché du CO₂. Les centrales à gaz, qui déterminent toujours les prix de l’électricité dans près de 57 % des cas, restent sous pression à mesure que les volumes échangés augmentent, atteignant des niveaux historiques.
De plus, le contexte géopolitique incertain, notamment la situation au Moyen-Orient, pourrait influencer ces prix à la hausse si des perturbations dans l’approvisionnement se produisent. Ainsi, bien que la tendance actuelle soit optimiste en matière de demande et d’approvisionnement, l’ombre de la volatilité géopolitique et les défis saisonniers maintiennent les acteurs du marché dans l’incertitude.
La Transition énergétique Française : une ambition verte qui patine
La France accuse un retard préoccupant dans son processus d’électrification, une pierre angulaire de sa stratégie vers la neutralité carbone en 2050. La Direction générale de l’énergie et du climat révèle que la demande d’électricité pour 2035 sera inférieure aux prévisions initiales, pourtant indispensables pour compenser le recul progressif des combustibles fossiles.
Sophie Mourlon, directrice de cette institution, a souligné que l’électrification des usages – qu’il s’agisse des véhicules, de l’industrie ou encore des systèmes de chauffage – avance bien plus lentement que prévu. Les pompes à chaleur, censées se substituer aux chaudières polluantes, peinent à s’imposer à la cadence espérée, tandis que le parc de véhicules électriques tarde à se généraliser.
Yannick Jaquemart de RTE, responsable des nouvelles flexibilités, a précisé que la consommation électrique française demeure en retrait d’environ 7 % par rapport aux moyennes 2014-2019, freinée par une crise énergétique exacerbée par la guerre en Ukraine.
En dépit d’une production revenue à des niveaux stables, la demande ne suit pas, révélant un déséquilibre. Le développement de l’hydrogène, autre levier clé de la transition énergétique, affiche également un net retard : la capacité d’électrolyse du pays reste insignifiante, alors que des objectifs ambitieux visent 10 GW d’ici 2035.
Face à ce bilan contrasté, la France voit se profiler de sérieux défis pour concilier ambitions écologiques et réalité du terrain, imposant un rythme plus soutenu pour ne pas rater le virage énergétique.
L’analyse électricité de notre expert
L’Europe entre rêves nucléaires et réalités décevantes
À Milan, Kristian Ruby, secrétaire général d’Eurelectric, a évoqué le potentiel des petits réacteurs modulaires (SMR) pour renforcer la capacité nucléaire européenne à hauteur de 5 GW d’ici 2035. Cette ambition repose toutefois sur des autorisations et des investissements conséquents, car les SMR, soumis aux mêmes exigences de sécurité que les grandes centrales, sont plus coûteux par mégawattheure. Plusieurs pays, comme l’Estonie et l’Italie, misent sur cette technologie, alors que la France et d’autres pays européens poursuivent l’évolution de leurs réacteurs classiques.
Parallèlement, les besoins croissants des centres de données alimentent l’intérêt pour le nucléaire, capable de garantir une production continue 24h/24, comme le souligne Ignacio Sanchez Galan, président d’Iberdrola. L’exemple d’Amazon, qui investit dans des SMR pour ses installations américaines, pourrait influencer des initiatives similaires en Europe.
Sur le front des énergies renouvelables, les Pays-Bas progressent en matière de solaire, avec une capacité installée projetée à 33,1 GW d’ici 2027, malgré un ralentissement attendu. En France, cependant, la demande d’électricité semble sous les prévisions initiales, freinée par une électrification plus lente des transports et de l’industrie, selon la DGEC.
– Helder FARIA RUBIO,
Responsable Vente Indirecte et Partenariats chez Capitole Energie
Marché du gaz
Entre la douceur de l’hiver et les menaces géopolitiques, qui paiera la facture ?
Les prix du gaz ont atteint 41 €/MWh (CAL25), en raison de la réduction des flux en provenance de Norvège et des préoccupations liées à la situation au Moyen-Orient. Bien que les niveaux de stockage soient élevés, l’arrêt temporaire de la plateforme Sleipner B et les problèmes sur le champ d’Oseberg soulèvent des inquiétudes quant à la disponibilité d’approvisionnements suffisants cet hiver.
En parallèle, la demande de gaz pourrait être stimulée par une baisse de la production d’énergie renouvelable, entraînant un recours accru au charbon et, par conséquent, à des émissions de carbone plus élevées. La compétition mondiale pour le GNL se renforce, notamment en raison de l’intérêt croissant de l’Asie pour les importations, ce qui pousse l’Europe à payer des prix plus élevés pour sécuriser ses propres approvisionnements. La combinaison de ces facteurs souligne la fragilité du marché du gaz, où une dégradation des conditions géopolitiques ou climatiques pourrait rapidement faire grimper les prix.
L’Égypte et Israël mettent l’Europe sous pression
Cet hiver, la demande mondiale de GNL pourrait s’intensifier, en partie sous l’impulsion de l’Égypte. Face à une baisse rapide de sa production de gaz, ce pays a récemment acheté 20 cargaisons de GNL et devrait augmenter ses importations à environ 6 millions de tonnes en 2025, soit presque le double de son volume actuel.
Cette situation pourrait accentuer la concurrence entre l’Europe, l’Asie et le Moyen-Orient, propulsant les prix du gaz européen alors que d’autres demandes émergent, notamment en Jordanie.
En parallèle, des inquiétudes subsistent quant à une éventuelle interruption des flux israéliens, qui, en cas de crise régionale, impacterait l’approvisionnement de pays voisins comme l’Égypte et la Jordanie. Un tel scénario augmenterait la pression sur le marché européen et pourrait provoquer une flambée.
Les tensions autour du GNL ne s’arrêtent pas là. Les incertitudes quant aux exportations de gaz russe, les perspectives de production américaine et canadienne, et même l’évolution de la demande asiatique jouent un rôle. Toutefois, une envolée des prix TTF risquerait de déclencher une « destruction de la demande », poussant les industriels à se tourner vers des sources d’énergie alternatives.
Cet hiver s’annonce donc tendu pour le marché du GNL, chaque fluctuation pouvant intensifier la pression sur les prix européens.
L’analyse gaz de notre expert
Vers une dépendance croissante au gaz en Europe
L’Europe se dirige vers une augmentation notable de la production d’électricité à partir du gaz, avec une hausse de 11% prévue d’ici 2027, marquée par la fermeture progressive des centrales à charbon et une demande électrique croissante. Cette montée est soutenue par des marges bénéficiaires favorables au gaz, en particulier face au charbon, dont les coûts sont lestés par l’augmentation du prix du carbone. L’Allemagne et l’Europe de l’Est devraient ainsi intensifier la fermeture de leurs centrales à charbon, bien que les centrales à gaz domineront encore 57% du temps le marché de l’électricité en 2027.
Dans un contexte tendu, les prix mondiaux du GNL connaissent un pic inédit, atteignant USD 13,10/MMBtu en Europe, conséquence des réductions de production norvégiennes et de préoccupations géopolitiques liées aux tensions au Moyen-Orient et en Asie. L’Europe fait aussi face à une hausse des tarifs de transport gazier transfrontalier dans l’UE, qui a bondi de 40% en trois ans. L’Acer, régulateur européen de l’énergie, attribue cette augmentation à la baisse des flux de gaz russes et à la contraction de la demande européenne.
Par ailleurs, la demande gazière industrielle française a augmenté de 5% au troisième trimestre, surtout dans le secteur chimique, mais les défis persistent, notamment pour l’industrie verrière et l’emballage, toujours en difficulté. La reprise industrielle, bien que modeste, souligne des enjeux complexes pour l’avenir énergétique et la transition écologique en Europe.
– Helder FARIA RUBIO
Responsable Vente Indirecte et Partenariats chez Capitole Energie
L’Hydrogène en Europe : entre retards nordiques et opportunités ibériques, qui s’en sortira vainqueur ?
La récente « crise » de l’hydrogène en Europe du Nord a mis en lumière des opportunités stratégiques pour la péninsule ibérique, notamment grâce au projet H2Med. Ce gazoduc, qui vise à relier la production d’hydrogène vert en Espagne et au Portugal à des consommateurs industriels en Europe centrale, s’inscrit dans un contexte de retards et d’annulations de projets d’hydrogène en Europe du Nord. Selon Arturo Gonzalo, le PDG d’Enagas, ces défis rencontrés par le Nord renforcent l’importance du H2Med, un projet qui pourrait atteindre une capacité de 2 millions de tonnes d’hydrogène vert par an d’ici 2030. Cela s’aligne sur l’objectif de l’Union européenne (UE) de produire et d’importer respectivement 10 millions de tonnes d’hydrogène vert d’ici la fin de la décennie.
Malgré un soutien solide de la France, du Portugal, de l’Espagne et de l’Allemagne, le PDG d’Enagas a noté que la situation actuelle est due à des coûts de production élevés, exacerbés par une inflation galopante. Ce contexte a découragé les investissements et provoqué des retards dans plusieurs projets nord-européens.
Enagas a pris des mesures significatives, y compris la vente de sa division américaine Tallgrass, pour rediriger ses ressources vers l’hydrogène en Espagne. Cette décision a contribué à une perte de 130 millions d’euros au cours des neuf premiers mois de l’année, mais souligne également une volonté de se concentrer sur des opportunités émergentes.
Le marché de l’hydrogène vert est actuellement sous pression en raison de l’inflation, mais Gonzalo prévoit une amélioration à court terme qui pourrait rendre les prix de l’hydrogène compétitifs d’ici 2030. Cette dynamique pourrait être renforcée par une augmentation des prix du carbone, rendant les alternatives comme l’hydrogène gris moins attractives. En somme, bien que les retards soient préoccupants, ils pourraient paradoxalement renforcer les projets en Espagne et au Portugal, qui se positionnent comme des leaders dans le secteur.
En parallèle, l’UE fait face à des défis concernant ses objectifs de production de biométhane. Selon Giulia Cancian de l’Association européenne du biogaz, les plans nationaux actuels ne permettront pas d’atteindre l’objectif de 35 milliards de mètres cubes par an d’ici 2030. Avec environ 1 500 installations actuelles, la production pourrait atteindre seulement 15 milliards de mètres cubes, soulignant la nécessité de politiques plus ambitieuses et contraignantes.
Les marchés pétroliers, quant à eux, ont également connu des fluctuations. Les tensions au Moyen-Orient et les perspectives de l’offre et de la demande continuent d’influencer les prix. Les prix du pétrole brut Brent ont montré un léger rebond, mais les analystes estiment que la demande reste faible, avec un surplus d’offre persistant sur le marché. Ce contexte économique en constante évolution souligne l’importance de stratégies adaptées pour naviguer dans les défis énergétiques contemporains.
– Helder FARIA RUBIO
Responsable Vente Indirecte et Partenariats chez Capitole Energie
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