Nos experts vous présentent leur analyse complète de toute l’actualité sur les marchés de l’énergie à la date de clôture du 15 novembre 2024.
Marché de l’électricité
L’éolien en hausse, le carbone sous pression
L’Europe a vu l’éolien redistribuer les cartes du marché électrique et du carbone. La production éolienne allemande, en forte progression, devrait atteindre 150 GW cette semaine, atténuant les tensions sur l’électricité malgré une météo plus froide. En France, la demande énergétique, légèrement en baisse à 56,3 GW, masque des pointes à 61,4 GW, confirmant une dépendance accrue aux ajustements saisonniers. L’abondance de vent a également pesé sur les prix du carbone européen, qui ont reculé sous leur récent pic de 68,80 €/t.
Paradoxalement, cet afflux d’énergies renouvelables réduit la pression sur les combustibles fossiles, notamment le charbon, dont les prix restent stables autour de 124 USD/t, mais gagnent en compétitivité. Ce rééquilibrage met en lumière la complexité de la transition énergétique : tandis que le vent tempère les besoins en gaz et électricité fossile, il révèle les fragilités d’un système où le carbone reste un indicateur clé des efforts climatiques.
À la une
Nucléaire : la France fixe le cap pour ses 6 nouveaux réacteurs EPR2
La France poursuit sa révolution énergétique avec l’ambitieux projet de six réacteurs nucléaires EPR2.
Olga Givernet, ministre déléguée à l’Énergie, a confirmé devant le Sénat que le gouvernement finalisera d’ici fin 2024 un cadre de financement pour EDF.
Objectif : offrir à l’énergéticien une visibilité accrue sur l’engagement de l’État, en particulier alors que le coût des EPR2 dépasse désormais les prévisions initiales.
Estimés à 51,7 milliards d’euros, ces nouveaux réacteurs pourraient finalement coûter plus de 60 milliards, selon les projections actualisées. EDF, déjà engagé à hauteur de 5 milliards d’euros dans les études préliminaires, prévoit d’implanter ces réacteurs sur des sites stratégiques comme Penly, Gravelines et Bugey.
La décision finale d’investissement est attendue pour 2026, laissant le temps à l’entreprise de finaliser son plan d’action.
En parallèle, EDF se projette encore plus loin, avec l’attribution imminente des emplacements pour huit autres réacteurs EPR2. Ce projet symbolise un retour en force du nucléaire en France, sur fond de transition énergétique et de quête de souveraineté énergétique face aux crises globales.
Si le défi financier est colossal, il reflète une vision à long terme, dans laquelle le nucléaire reste un pilier stratégique pour garantir une énergie décarbonée et stable. Les enjeux sont aussi bien technologiques qu’économiques, mais l’ambition est claire : affirmer la France comme leader en matière d’énergie du futur.
Les tendances électricité de la semaine par notre expert
Miracle grec ou mirage européen ?
En Grèce, l’ambition de devenir un exportateur net d’électricité se précise grâce à un plan ambitieux d’augmenter la capacité éolienne terrestre et offshore à 8,9 GW d’ici 2030. Cette expansion pourrait bouleverser les prix sur les marchés de l’Europe du Sud-Est, notamment en réduisant la prime grecque habituellement associée au coût élevé du gaz italien. Cependant, la modernisation des interconnexions électriques avec des voisins comme l’Albanie et la Turquie reste cruciale pour concrétiser ces ambitions.
En Espagne, la sortie programmée du nucléaire entre 2027 et 2035 soulève des inquiétudes. Une augmentation de 9 % des prix de l’électricité et une hausse des émissions de carbone de 15 % sont à prévoir, faute d’alternatives renouvelables suffisamment robustes. Les centrales nucléaires espagnoles, déjà contraintes de réduire leur charge face à la montée en puissance des renouvelables, illustrent la complexité de cette transition.
Dans les Balkans, la réintégration d’un marché régional d’équilibrage pourrait accélérer l’adoption des énergies renouvelables et réduire la dépendance au charbon. Des projets comme la centrale hydroélectrique réversible de Djerdap 3 en Serbie offrent un potentiel de flexibilité essentiel pour cette transformation.
Enfin, la question des hubs virtuels d’électricité en Europe divise les experts. Bien qu’ils promettent une agrégation des prix régionaux, leur mise en œuvre pourrait fragiliser la liquidité des marchés physiques et augmenter les coûts pour les consommateurs.
– Helder FARIA RUBIO,
Responsable Vente Indirecte et Partenariats chez Capitole Energie
Marché du gaz
Gazprom coupe, l’Europe tremble.
Les marchés du gaz européen ont atteint leur point culminant de l’année, portés par l’annonce d’une suspension des livraisons de Gazprom à OMV. Ce différend contractuel, sur fond de condamnation judiciaire à 230 millions d’euros, exacerbe l’incertitude autour des flux transitant par l’Ukraine, d’autant plus que cet accord clé expire en fin d’année. Alors que les températures baissent nettement, la demande énergétique hivernale grimpe, mettant sous pression des stocks européens pourtant bien remplis à 93 %.
L’approvisionnement en GNL peine également à compenser ces tensions. Les prix du GNL pour décembre culminent à 13,57 USD/MMBtu, tirés par des retards en Australie et une demande accrue de chauffage. En parallèle, le charbon, plus compétitif, trouve sa place dans le mix énergétique malgré son coût environnemental. Cette dynamique reflète la vulnérabilité d’une Europe à la croisée des chemins, tentant d’équilibrer besoins immédiats et stratégie à long terme.
À la une
Gazprom coupe le robinet : l’Europe prise au piège
Les tensions énergétiques européennes sont de nouveau sur le devant de la scène, marquées par une flambée des prix du gaz.
Vendredi, le marché du gaz a atteint son plus haut niveau depuis un an après l’annonce de Gazprom de cesser ses livraisons à l’autrichien OMV dès samedi. Cette décision intervient dans un contexte juridique tendu, où un tribunal arbitral a ordonné à Gazprom Export de verser 230 millions d’euros de dommages à OMV.
Bien que ce contrat d’approvisionnement ne devait expirer qu’en fin d’année, cette rupture anticipée bouleverse les prévisions d’approvisionnement.
Simultanément, les températures hivernales prévues pour la semaine prochaine, notamment en Allemagne, où elles seront jusqu’à 3,5 °C sous la normale, risquent de stimuler davantage la demande de gaz.
L’énergie éolienne, après plusieurs semaines de calme, revient en force : les prévisions annoncent une production de 150 GW en milieu de semaine, contribuant à atténuer partiellement la pression sur les marchés. Par ailleurs, le charbon gagne en compétitivité, son prix atteignant 124 $/t, aidé par la flambée du gaz.
Entre tensions géopolitiques, arbitrages économiques et variations climatiques, le marché européen de l’énergie oscille entre incertitudes et nouvelles dynamiques.
Les tendances gaz de la semaine par notre expert
L’expansion du stockage de gaz et les défis climatiques
Selon Cedigaz, la capacité de stockage souterrain devrait augmenter de 14 % d’ici 2030, l’Europe devenant de plus en plus dépendante de ces installations. En 2023, l’Union européenne a atteint une capacité de stockage de 118 milliards de mètres cubes, soit 95 % de sa capacité maximale. Bien que les stocks actuels permettent de préparer l’hiver, des incertitudes persistent, liées notamment aux conditions météorologiques et aux tensions géopolitiques. La crise énergétique a aussi accéléré la transition vers le GNL, devenu une source clé pour l’approvisionnement.
Cependant, cette dépendance accrue au gaz soulève des inquiétudes. Des projets de nouvelles centrales à gaz, notamment en Italie, Allemagne et Royaume-Uni, pourraient compromettre les ambitions de décarbonation du continent d’ici 2030. Alors que certains pays de l’UE manquent encore de plans clairs pour éliminer progressivement le gaz fossile, le secteur de l’électricité continue de se renforcer grâce à de nouvelles capacités gazières.
Enfin, dans le contexte des relations avec les États-Unis, l’UE envisage d’augmenter ses importations de GNL américain, afin de réduire sa dépendance vis-à-vis du GNL russe et de renforcer ses relations commerciales avant les possibles droits de douane sous une administration Trump. Toutefois, des désaccords existent sur la mise en œuvre de sanctions contre le GNL russe, rendant l’avenir incertain.
– Helder FARIA RUBIO
Responsable Vente Indirecte et Partenariats chez Capitole Energie
Zoom sur l'énergie verte
Le Royaume-Uni annonce un nouvel objectif de réduction des émissions de 81 % d’ici 2035
Le Premier ministre britannique, Keir Starmer, est sur le point d’annoncer un objectif ambitieux de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 81 % d’ici 2035, une révision à la hausse de l’objectif précédent de 78 %. Cet engagement s’inscrit dans la vision du Royaume-Uni d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. L’accent sera mis sur la décarbonisation du secteur de l’électricité, en développant l’éolien offshore, la capture du carbone et les investissements nucléaires. Bien que ce nouvel objectif soit salué, des activistes, comme Rosie Downes des Amis de la Terre, estiment que des réductions plus ambitieuses sont nécessaires pour éviter une collision climatique.
D’un autre côté, le groupe énergétique allemand RWE a annoncé une réduction significative de ses émissions de CO2, qui ont chuté de 21 % au cours des neuf premiers mois de 2024. Cette baisse résulte de l’utilisation réduite du charbon et du gaz, ce qui a permis à l’entreprise de diminuer son intensité carbone de 0,47 à 0,43 tonne par MWh. Malgré une réduction de sa production totale d’électricité, RWE a constaté un bond de sa production d’énergie renouvelable, passant de 31,8 TWh à 36,1 TWh.
Au niveau européen, la Commission européenne poursuit 13 États membres pour ne pas avoir soumis leurs plans énergétiques et climatiques pour 2030. Ces plans sont cruciaux pour évaluer la trajectoire de l’Union européenne vers ses objectifs climatiques, notamment la réduction de 55 % de ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 et l’atteinte de 42,5 % d’énergies renouvelables. L’absence de ces plans empêche la Commission de savoir si l’UE sera en mesure de remplir ces objectifs ambitieux. Certains pays de l’UE n’ont pas respecté la date limite de soumission et risquent de se voir adresser un avertissement formel suivi d’éventuelles sanctions.
L’Azerbaïdjan, quant à lui, est sur le point de conclure des négociations pour exporter de l’électricité produite à partir d’éolien en mer Caspienne vers l’Europe. Le pays prévoit de construire un câble sous-marin capable de transporter entre 20 et 30 TWh d’électricité par an vers plusieurs pays européens, dont la Roumanie, la Hongrie, la Géorgie et la Bulgarie. Ce projet s’inscrit dans les efforts plus larges de l’Azerbaïdjan pour exploiter son potentiel éolien en mer Caspienne, estimé à 157 GW, dont une part significative en eaux peu profondes.
– Helder FARIA RUBIO
Responsable Vente Indirecte et Partenariats chez Capitole Energie
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