Nos experts vous présentent leur analyse complète de toute l’actualité sur les marchés de l’énergie à la date de clôture du 21 février 2025.
Marché de l'électricité
Marché sous tension entre climat et politique

L’hiver touche à sa fin, mais le marché de l’électricité en Europe reste marqué par une volatilité persistante. En France, la baisse des températures maintient une demande modérée, tandis qu’en Allemagne, un climat plus doux limite la pression sur le réseau. Ce contraste thermique se traduit directement sur les prix, qui fluctuent en fonction des prévisions météorologiques.
EDF, acteur majeur du secteur, affiche des résultats en nette amélioration. Après une année 2022 difficile, marquée par des pertes abyssales, l’énergéticien retrouve des couleurs grâce à une production nucléaire en forte hausse, dépassant les 360 TWh. L’hydroélectricité profite également de conditions climatiques favorables, tandis que les énergies renouvelables poursuivent leur progression. Sur le marché européen, la correction des prix du gaz, combinée à une production éolienne en hausse, exerce une pression baissière sur l’électricité. Mais l’incertitude demeure. Entre décisions politiques sur les objectifs de stockage et négociations internationales qui pourraient influencer les flux d’énergie, le marché de l’électricité reste suspendu aux aléas climatiques et géopolitiques.
À la une
Énergie sous attaque : l’UE en alerte cyber
L’Europe fait face à une menace croissante : les cyberattaques sur son système énergétique.
Pour Leonhard Birnbaum, président d’Eurelectric, la numérisation accélérée du secteur expose l’ensemble du réseau à des attaques aux conséquences potentiellement désastreuses.
Autrefois cantonnés aux systèmes commerciaux comme la facturation, les ransomwares et autres intrusions informatiques pourraient désormais impacter directement l’approvisionnement en énergie. Le statu quo n’est pas une option : la transition énergétique impose des infrastructures connectées pour gérer des flux d’énergies renouvelables de plus en plus variables.
Pourtant, les règles actuelles de l’UE restent insuffisantes, trop centrées sur la déclaration des risques plutôt que sur des exercices de réponse concrets.
La Finlande apparaît comme un modèle à suivre. Selon Markus Rauramo, PDG de Fortum, le pays a fait face à des cyberattaques, du sabotage de câbles sous-marins et d’autres menaces tout en maintenant une résilience exemplaire. Sensibilisation du public, surveillance accrue et entraînements réguliers sont autant de leçons à tirer pour le reste de l’Europe.
Alors que la guerre en Ukraine ravive les craintes de nouvelles attaques, il devient impératif de renforcer la cybersécurité du réseau énergétique européen avant qu’un incident majeur ne plonge le continent dans le chaos.
Les tendances électricité de la semaine par notre expert
L’Italie défie Bruxelles, Londres traque Pékin
L’Italie défie l’orthodoxie européenne en proposant de suspendre le système d’échange de quotas d’émission (ETS), un mécanisme clé du marché carbone de l’UE, pour alléger le fardeau énergétique de ses entreprises et ménages. Vannia Gava, vice-ministre de l’Énergie, dénonce un marché du gaz dominé par la place néerlandaise du TTF, qu’elle juge spéculatif et nuisible. Avec une production d’électricité fortement dépendante du gaz (42 % du mix), l’Italie subit de plein fouet la flambée des prix. Mais cette tentative d’émancipation semble vouée à l’échec : Bruxelles ne cédera pas, et le Parlement européen reste verrouillé sur ces règles climatiques.
Pendant ce temps, au Royaume-Uni, l’ombre de Pékin plane sur le secteur énergétique. Le MI5 enquête sur l’influence croissante des technologies chinoises – des panneaux solaires aux batteries industrielles – dans les infrastructures critiques du pays. Une méfiance renforcée par les tensions géopolitiques et la guerre en Ukraine, qui a mis en lumière la vulnérabilité énergétique de l’Europe face aux cyberattaques et au sabotage.
Enfin, sur le marché du carbone, les investisseurs spéculatifs réduisent leurs positions longues après sept semaines de hausse. L’EUA recule à 74,84 €/t, influencé par un marché du gaz baissier et les négociations américano-russes sur la guerre en Ukraine. Une volatilité qui souligne l’interconnexion grandissante entre finance, géopolitique et transition énergétique.
– Helder FARIA RUBIO,
Responsable Vente Indirecte et Partenariats chez Capitole Energie
Marché du gaz
Entre détente des prix et incertitudes stratégiques

Le marché du gaz en Europe respire après des mois sous tension. L’apaisement des conditions hivernales et la possibilité d’un assouplissement des règles de stockage par l’Union européenne exercent une pression baissière sur les prix. Le contrat TTF, référence en Europe, est en recul après un pic de deux ans, tandis qu’en Asie, les prix du GNL suivent la même tendance.
Pourtant, derrière cette accalmie, l’incertitude reste palpable. Les stocks européens, bien en deçà des niveaux de l’an dernier, obligent Bruxelles à repenser ses objectifs. La question du gaz russe refait également surface : alors que les flux directs se sont effondrés, des discussions entre Washington et Moscou laissent entrevoir un éventuel retour de certaines exportations via l’Ukraine. Un scénario qui pourrait redéfinir les équilibres du marché. Mais la volatilité persiste, notamment en raison des tensions commerciales entre les grandes puissances. Dans ce contexte mouvant, le gaz reste un indicateur clé des dynamiques énergétiques et géopolitiques mondiales, où chaque décision politique peut avoir des répercussions majeures sur les prix et l’approvisionnement.
À la une
L’Europe hésite, Washington attend
L’Europe cherche-t-elle à parler d’une seule voix sur le gaz naturel liquéfié (GNL) ? Pas encore.
La ministre polonaise de l’Industrie, Marzena Czarnecka, a rappelé que l’UE n’a pas encore décidé d’entamer des négociations conjointes avec les États-Unis sur l’approvisionnement en GNL.
Une question stratégique qui s’inscrit dans un contexte plus large : celui de l’émancipation énergétique vis-à-vis de la Russie. Varsovie, qui préside actuellement l’UE, met la sécurité énergétique au cœur de ses priorités, et Bruxelles planche sur une feuille de route pour réduire la dépendance aux combustibles fossiles russes, attendue en mars.
Dans ce cadre, la Commission européenne s’apprête à dévoiler le 26 février son Plan d’action pour l’énergie abordable, qui explore de nouvelles formes d’achats groupés de GNL. L’idée ?
Tirer parti du poids économique de l’UE pour sécuriser un approvisionnement stable et compétitif, en misant sur des engagements contractuels de long terme et en investissant directement dans les infrastructures d’exportation.
Un enjeu d’autant plus stratégique que la moitié du GNL européen provient déjà des États-Unis, un partenaire qui, selon le commissaire européen Maros Sefcovic, voit en l’Europe son principal débouché, bien avant l’Asie.
Les tendances gaz de la semaine par notre expert
Gaz russe : l’Europe à la croisée des chemins
L’Italie hausse le ton face à la spéculation sur le marché du gaz. Vannia Gava, vice-ministre de l’Énergie, appelle Bruxelles à enquêter sur d’éventuelles manipulations des prix sur le hub néerlandais TTF, une référence clé en Europe. Avec un pays où l’électricité dépend largement du gaz, l’envolée des prix menace directement les ménages et l’industrie. Gilberto Pichetto Fratin, ministre de l’Énergie, soutient cette initiative et plaide pour une action européenne coordonnée.
En parallèle, la France et le Royaume-Uni discutent de nouveaux projets d’interconnexion électrique, mais le partage des coûts reste un point d’achoppement. La CRE estime que seule une augmentation de 1 GW de capacité serait bénéfique pour la France, posant la question du financement.
Sur un autre front, Paris assume son statut de principal importateur européen de GNL russe. Si la France sert de hub pour l’Europe, la hausse des importations en 2024 alimente la controverse sur le rôle des États dans le financement indirect de la guerre en Ukraine.
Enfin, Bruxelles prépare une réforme du stockage du gaz pour plus de flexibilité d’ici 2026, afin d’éviter les hausses estivales et de stabiliser le marché. Une mesure qui s’inscrit dans un contexte de tension persistante sur les prix de l’énergie.
– Helder FARIA RUBIO
Responsable Vente Indirecte et Partenariats chez Capitole Energie
Zoom sur l'énergie verte
Batteries et Réseau : une course contre-la-montre
Le Royaume-Uni fait face à un défi de taille dans sa transition énergétique : la connexion des systèmes de stockage d’énergie par batterie (BESS) à son réseau électrique. Une récente étude de Cornwall Insight révèle que 61 GW de projets BESS attendent d’être raccordés, un chiffre largement supérieur à l’objectif gouvernemental de 30 GW d’ici 2030. Cette congestion devrait encore s’aggraver, atteignant potentiellement 129 GW en 2035, bien au-delà des 29 GW requis.
L’enjeu est de taille : sans accès au réseau, ces infrastructures ne peuvent pas contribuer à la stabilité énergétique du pays. Certains projets bénéficieront toutefois d’une priorité, notamment ceux ayant obtenu des contrats de marché de capacité ou ayant significativement progressé dans leur développement. Mais pour tenir ses engagements climatiques, le Royaume-Uni devra accélérer son rythme de raccordement, le multipliant par 2,5 par rapport aux cinq dernières années.
Au-delà du simple problème d’attente, le défi majeur reste l’investissement. Selon la Commission nationale des infrastructures (NIC), entre 37 et 50 milliards de livres sterling seront nécessaires d’ici 2050 pour moderniser et étendre les réseaux locaux. Sans investissements proactifs, le pays risque non seulement de rater ses objectifs de décarbonation, mais aussi de freiner sa croissance économique. Une approche plus stratégique et numérique du réseau est ainsi impérative pour éviter goulets d’étranglement et retards coûteux.
Dans ce contexte de transition énergétique, l’Union européenne intensifie également son soutien aux infrastructures vertes. La Commission européenne vient d’approuver un programme d’aides d’État finlandais de 2,3 milliards d’euros, destiné à booster la production d’énergies propres et la décarbonation industrielle. Cette initiative s’inscrit dans la stratégie européenne de réduction des importations de gaz russe d’ici 2027, une ambition renforcée par la crise géopolitique actuelle.
Le message est clair : sans une refonte accélérée des infrastructures électriques et un soutien financier massif, la transition énergétique pourrait être ralentie, compromettant les ambitions climatiques et économiques du continent.
– Helder FARIA RUBIO
Responsable Vente Indirecte et Partenariats chez Capitole Energie
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