Nos experts vous présentent leur analyse complète de toute l’actualité sur les marchés de l’énergie à la date de clôture du 14 mars 2025.
Marché de l'électricité
Électricité : le vent tombe, les prix grimpent
La production éolienne en Europe est en berne, et les conséquences ne se font pas attendre : la demande de gaz pour produire de l’électricité explose. L’Allemagne, principal consommateur européen, voit sa production éolienne chuter de 9 GW sous les normales saisonnières, accentuant la pression sur le marché.
Dans ce contexte, les prix de l’électricité corrigent à la hausse, freinant l’industrialisation, comme en France où l’ouverture d’usines énergivores ralentit. En parallèle, le marché du carbone s’affole : l’augmentation des prix du gaz a entraîné une flambée des quotas d’émission, créant une volatilité extrême. Si les conditions météo restent défavorables, le maintien de prix élevés pourrait peser durablement sur l’économie européenne.
À la une
Berlin s’adoucit : vers une union franco-allemande du nucléaire ?
C’était un tabou. Un sujet de discorde entre Paris et Berlin. Et pourtant, l’énergie nucléaire pourrait bien devenir le ciment d’un rapprochement inattendu entre les deux géants européens.
L’arrivée probable de Friedrich Merz à la chancellerie allemande et le retour de Donald Trump aux affaires américaines redessinent la carte énergétique de l’Europe.
Longtemps farouchement opposée à l’atome, l’Allemagne semble aujourd’hui plus ouverte.
Un tournant ?
Plutôt une nécessité géopolitique. D’un côté, Berlin craint une instrumentalisation du gaz américain par Trump, qui pourrait imposer ses conditions sur les exportations de GNL. De l’autre, l’Europe doit sécuriser son indépendance énergétique face à un monde incertain. Et là, le nucléaire français devient une carte stratégique difficile à ignorer.
Ce revirement ne tombe pas du ciel. Depuis 2022, des signes avant-coureurs sont apparus : l’Allemagne a accepté le nucléaire dans la taxonomie verte de l’UE et l’Europe a récemment inclus l’atome dans son cadre d’aides d’État.
La route reste semée d’embûches—le Luxembourg et l’Autriche restent fermement opposés—mais la France pourrait enfin voir son ambition nucléaire bénéficier d’un vent favorable.
Reste à savoir si cette lune de miel énergétique tiendra au-delà des négociations politiques. Une chose est sûre : le nucléaire n’a pas dit son dernier mot.
Les tendances électricité de la semaine par notre expert
La mise à niveau : L’Europe face à ses paradoxes
L’Europe énergétique est à la croisée des chemins. D’un côté, le Royaume-Uni se lance dans une transformation massive de son réseau électrique avec un investissement colossal de 46 milliards de livres dans le courant continu haute tension (HVDC). National Grid, pilier de l’énergie britannique, veut optimiser son réseau avec des technologies innovantes et des contrats long terme pour garantir l’approvisionnement. Une stratégie qui vise à moderniser les infrastructures et à sécuriser face à une demande en hausse. De l’autre, l’Allemagne tente de contrer la flambée des prix de l’électricité en réactivant des centrales au charbon mises en réserve. Deux visions diamétralement opposées, un seul continent.
En parallèle, les marchés du carbone montrent des signes de faiblesse. La position longue nette sur les quotas d’émissions européens (EUA) chute pour la quatrième semaine consécutive. Les investisseurs parient de moins en moins sur la hausse des prix du carbone, en raison d’un hiver doux et d’un contexte macroéconomique incertain.
L’Europe avance donc à deux vitesses : entre modernisation ambitieuse et solutions de court terme, entre transition et pragmatisme. Reste à savoir quel modèle l’emportera dans cette équation énergétique complexe.
– Helder FARIA RUBIO,
Responsable Vente Indirecte et Partenariats chez Capitole Energie
Marché du gaz
Gaz : entre pression climatique et stratégies géopolitiques
Les prix du gaz en Europe connaissent une correction à la hausse portée par une double dynamique : un climat plus froid que prévu et une faible production éolienne. L’indice néerlandais TTF s’est stabilisé autour de 43 €/MWh après une chute de 40 % en un mois, laissant place à une correction technique. Pendant ce temps, la Norvège intensifie ses flux vers l’Europe, tandis que la Russie, avec son projet Arctic LNG 2, pourrait revenir sur le marché en cas d’accord diplomatique.
En Asie, la demande reste incertaine : la Chine, freinée par un ralentissement économique, hésite à s’engager sur le marché spot. Cette situation crée un arbitrage constant entre l’Europe et l’Asie, où chaque fluctuation de prix façonne les flux mondiaux de GNL. Une chose est sûre : la géopolitique et la météo dicteront encore longtemps la tendance.
À la une
La fin du gaz russe est-elle vraiment pour 2027 ?
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a une nouvelle fois affirmé son ambition : d’ici 2027, plus une seule molécule de gaz russe ne devra alimenter l’Europe.
Un objectif ambitieux qui, sur le papier, semble couler de source. Après tout, depuis 2022, les importations de gaz russe ont chuté de 45 %, remplacées en grande partie par du GNL américain. Pourtant, derrière les déclarations de principe, la réalité est plus nuancée.
D’abord, des failles subsistent : si l’UE a banni le charbon et le pétrole brut russes, elle continue d’acheter du GNL russe. Ensuite, le plan d’action censé détailler la stratégie de sortie définitive a déjà été reporté à deux reprises… sans explication. Faut-il y voir un manque de consensus au sein des États membres ou une prise de conscience des défis colossaux qu’impose une rupture totale ?
Car au-delà du symbole, la question énergétique reste une équation à multiples inconnues. La transition vers des sources alternatives, bien que nécessaire, impose des coûts élevés et une refonte complète des infrastructures. Et dans un monde où « tout est devenu transactionnel », comme l’a rappelé von der Leyen, l’Europe doit aussi s’armer contre des menaces hybrides pesant sur sa sécurité énergétique.
Alors, 2027 ? L’intention est là, mais entre volonté politique et contraintes économiques, la route s’annonce semée d’embûches.
Les tendances gaz de la semaine par notre expert
L’Europe prise au piège du GNL américain ?
Depuis la rupture avec le gaz russe, l’Europe a trouvé un nouveau partenaire : les États-Unis. Aujourd’hui, le GNL américain représente plus de 40 % des importations européennes, un véritable pilier pour la sécurité énergétique du Vieux Continent. Mais avec Donald Trump de retour à la Maison-Blanche, cette dépendance prend une toute autre dimension.
D’un côté, l’Union européenne ne peut se passer du GNL américain, surtout à l’approche d’un nouvel hiver. De l’autre, la vision transactionnelle de Trump, associée à de potentielles restrictions ou hausses de tarifs, jette une ombre sur cet approvisionnement. Nous passons d’une dépendance à une autre. L’ironie est mordante : après avoir cherché à se libérer de l’influence russe, l’Europe se retrouve enchaînée à Washington.
La situation géopolitique complique encore l’équation. Tandis que Kiev subit le désengagement américain, Bruxelles doit composer avec un président américain imprévisible. Si Trump voit dans le GNL une arme de négociation, jusqu’où ira-t-il ? Et surtout, l’Europe peut-elle vraiment se permettre de s’en passer ?
Pour l’instant, le pragmatisme prime : difficile d’abandonner un fournisseur aussi crucial. Mais une chose est sûre, la leçon du gaz russe reste brûlante : il est temps pour l’Europe de repenser son autonomie énergétique avant qu’il ne soit trop tard.
– Helder FARIA RUBIO
Responsable Vente Indirecte et Partenariats chez Capitole Energie
Zoom sur l'énergie verte
Hydrogène vert, prix négatifs et faillites : l'Europe face à ses paradoxes
L’Europe énergétique est en pleine mutation, mais entre ambitions et réalités économiques, la transition verte se heurte à des vents contraires. L’Espagne, présentée comme un futur champion de l’hydrogène vert, voit aujourd’hui son secteur qualifié de « bulle » par certains analystes. Les 21 GW de projets déclarés dans le pays paraissent démesurés face à l’objectif officiel de 12 GW pour 2030. Entre subventions massives et compétition déloyale avec l’hydrogène gris, une purge semble inévitable pour écarter les projets non viables. Et comme si cela ne suffisait pas, la guerre commerciale entre les États-Unis, la Chine et l’Europe complique encore l’approvisionnement en électrolyseurs.
Pendant ce temps, en Allemagne, l’explosion de la production solaire transforme le marché de l’électricité. Avec un record de 100 GW installés en janvier, le pays devrait battre un triste record d’heures de prix négatifs. L’an dernier, le deuxième trimestre comptabilisait 165 heures de prix sous zéro ; cette année, les prévisions oscillent entre 146 et 350 heures ! Ce phénomène, autrefois ponctuel, devient structurel. L’Allemagne, les Pays-Bas et la Belgique, très exposés, doivent désormais gérer cette abondance d’électricité, parfois produite à perte.
L’instabilité ne s’arrête pas là. Northvolt, le fleuron suédois des batteries, a déposé son bilan. Malgré des avancées technologiques notables, l’entreprise n’a pas résisté aux coûts élevés, aux perturbations géopolitiques et à une chaîne d’approvisionnement mise à rude épreuve. Un signal d’alarme pour l’industrie européenne, qui cherche à rivaliser avec les mastodontes asiatiques et américains.
Enfin, la Commission européenne hausse le ton contre cinq pays en retard dans leur planification climatique. La Belgique, la Croatie, l’Estonie, la Pologne et la Slovaquie risquent des sanctions s’ils ne remettent pas leurs feuilles de route. L’objectif de 42,5% d’énergies renouvelables d’ici 2030 est en jeu, alors que l’Europe peine déjà à tenir ses engagements.
Entre promesses démesurées, chocs de réalités économiques et tensions commerciales, l’énergie verte européenne traverse une phase critique. La transition écologique sera longue, chaotique et coûteuse. Mais l’alternative, elle, n’existe pas.
– Helder FARIA RUBIO
Responsable Vente Indirecte et Partenariats chez Capitole Energie
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