Nos experts vous présentent leur analyse complète de toute l’actualité sur les marchés de l’énergie à la date de clôture du 21 mars 2025.
Marché de l'électricité
Hausse des prix sur le marché à terme, mais pression baissière sur le spot

Le marché de l’électricité suit la tendance du gaz, enregistrant une forte hausse des prix à terme après plusieurs jours de recul. Le contrat CAL26 avoisine désormais les 65 €/MWh. Cette reprise s’accompagne également d’une augmentation du prix des quotas d’émission de CO₂, qui atteint 72 €/t.
Sur le marché spot, la situation est plus contrastée : l’augmentation de la production solaire exerce une pression baissière sur les prix, entraînant un retour des prix négatifs dans plusieurs pays européens, dont la Belgique. La volatilité des prix reste élevée, influencée par les variations de température et de production renouvelable.
Dossier spécial
Crise en Europe : Draghi tire la sonnette d’alarme sur une crise énergétqiue
Une flambée des prix de l’énergie qui inquiète
L’ancien président de la BCE et ex-Premier ministre italien, Mario Draghi, a tiré la sonnette d’alarme sur l’aggravation de la crise énergétique en Europe. Devant le Parlement italien, il a souligné que la situation est devenue « encore plus urgente », rendant impératif un renforcement du pouvoir d’achat de l’Europe sur le marché du gaz.
Une meilleure coordination pour éviter les erreurs du passé
Draghi a insisté sur la nécessité d’une plus grande coopération entre les pays européens et d’une gestion plus flexible des stocks de gaz. En 2022, une rigidité excessive de la demande avait aggravé la crise énergétique. Selon lui, une approche plus souple pourrait prévenir un scénario similaire.
Transparence et régulation des marchés du gaz
L’ancien dirigeant de la BCE a mis en lumière l’influence prédominante de quelques acteurs financiers sur le marché du gaz, plaidant pour une régulation renforcée et une transparence accrue. L’objectif : limiter la spéculation et garantir un marché plus stable et prévisible.
L’électricité trois fois plus chère qu’aux États-Unis
L’Europe souffre de prix de gros de l’électricité beaucoup plus élevés qu’outre-Atlantique, atteignant jusqu’à trois fois les tarifs américains. Draghi propose plusieurs solutions pour alléger cette pression : augmenter la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique, recourir aux contrats pour différence (CFD) et encourager les accords d’achat direct d’électricité (PPA).
Un risque pour la décarbonation et l’industrie européenne
Au-delà des conséquences économiques, Draghi met en garde contre une menace directe sur la transition énergétique. La flambée des prix met en péril la décarbonation, ainsi que la viabilité de nombreux secteurs industriels, sans parler du développement des nouvelles technologies énergivores, comme les centres de données.
Un appel à des réformes rapides et efficaces
Pour éviter que la crise ne s’aggrave, Draghi exhorte l’Union européenne à accélérer la mise en œuvre des réformes énergétiques prévues. Selon lui, seule une action rapide et coordonnée permettra d’éviter un ralentissement économique et une perte de compétitivité face aux autres grandes puissances mondiales.
L’analyse de Mario Draghi dresse un constat sans appel : l’Europe doit impérativement repenser sa stratégie énergétique pour éviter une crise de grande ampleur. Entre réformes nécessaires, coordination renforcée et transition énergétique, l’UE joue une partie décisive pour son avenir économique et environnemental.
À la une
Métaux et Acier : l’Europe veut alléger la facture énergétique
L’Union européenne cherche à redonner de l’oxygène à son industrie de l’acier et des métaux, frappée de plein fouet par des coûts énergétiques exorbitants. La Commission européenne appelle ainsi les États membres à réduire les taxes et les tarifs du réseau électrique pour ces secteurs, tout en accélérant leur transition vers des technologies bas-carbone.
Des aides pour une industrie plus verte
Dans cette optique, un projet pilote de la Banque européenne d’investissement prévoit 500 millions d’euros de garanties pour faciliter l’accès aux contrats d’achat d’électricité à long terme. La Commission encourage également les gouvernements à supprimer certaines taxes et à compenser les coûts indirects liés au prix du carbone dans le cadre du SEQE-UE.
Modernisation du réseau électrique
L’UE prévoit de publier des recommandations au deuxième trimestre pour optimiser les coûts de réseau et anticiper la hausse de la demande électrique due à l’industrialisation verte. Elle compte aussi simplifier et accélérer les raccordements au réseau.
Extension du mécanisme d’ajustement carbone (MACF)
Enfin, Bruxelles souhaite étendre d’ici fin 2025 son mécanisme de taxation carbone aux frontières aux produits en aval utilisant de l’acier et de l’aluminium. Dès 2026, les importateurs devront compenser les émissions carbone de leurs produits, afin de protéger les industriels européens d’une concurrence déloyale.
Les tendances électricité de la semaine par notre expert
L’Europe prise au piège du GNL américain ?
Depuis la rupture avec le gaz russe, l’Europe a trouvé un nouveau partenaire : les États-Unis. Aujourd’hui, le GNL américain représente plus de 40 % des importations européennes, un véritable pilier pour la sécurité énergétique du Vieux Continent. Mais avec Donald Trump de retour à la Maison-Blanche, cette dépendance prend une toute autre dimension.
D’un côté, l’Union européenne ne peut se passer du GNL américain, surtout à l’approche d’un nouvel hiver. De l’autre, la vision transactionnelle de Trump, associée à de potentielles restrictions ou hausses de tarifs, jette une ombre sur cet approvisionnement. Nous passons d’une dépendance à une autre. L’ironie est mordante : après avoir cherché à se libérer de l’influence russe, l’Europe se retrouve enchaînée à Washington.
La situation géopolitique complique encore l’équation. Tandis que Kiev subit le désengagement américain, Bruxelles doit composer avec un président américain imprévisible. Si Trump voit dans le GNL une arme de négociation, jusqu’où ira-t-il ? Et surtout, l’Europe peut-elle vraiment se permettre de s’en passer ?
Pour l’instant, le pragmatisme prime : difficile d’abandonner un fournisseur aussi crucial. Mais une chose est sûre, la leçon du gaz russe reste brûlante : il est temps pour l’Europe de repenser son autonomie énergétique avant qu’il ne soit trop tard.
– Helder FARIA RUBIO
Responsable Vente Indirecte et Partenariats chez Capitole Energie
Marché du gaz
Gaz : entre pression climatique et stratégies géopolitiques

Alors que l’espoir d’un accord de paix en Ukraine s’amenuise, les prix du gaz repartent à la hausse. Ces derniers jours, les marchés avaient enregistré une baisse des prix à terme, portée par l’optimisme autour des discussions entre les États-Unis et la Russie. Cependant, l’attaque russe contre une infrastructure énergétique ukrainienne a relancé les tensions, réduisant les perspectives de cessez-le-feu et de retour du gaz russe en Europe.
Sur le marché spot, la hausse des températures contribue à limiter l’augmentation des prix, malgré une légère baisse de l’approvisionnement norvégien. Par ailleurs, les niveaux de stockage de gaz en Europe restent inférieurs à ceux de 2024, mais la situation devrait s’améliorer dans les prochaines semaines.
À la une
L’Europe et le GNL russe : entre interdiction et dépendance
L’Union européenne s’apprête à interdire le transbordement du gaz naturel liquéfié (GNL) russe à partir du 26 mars. Cette mesure concerne les transferts de cargaison de navire à navire et de navire à terre dans les ports européens, notamment en Belgique, en France et en Espagne.
Une interdiction… qui maintient les flux ?
Ironiquement, cette interdiction pourrait conduire à un surplus de 4 à 5 milliards de mètres cubes de GNL russe en Europe, initialement destinés à l’Asie. Privés de transbordement, ces volumes pourraient être consommés localement plutôt que réexportés.
Cette situation pousse la Russie à revoir ses contrats avec la Chine et pourrait renforcer les échanges de cargaisons sur le marché spot. Par ailleurs, les coûts accrus rendent les exportations vers l’Asie moins attractives.
Une dépendance persistante
Malgré une baisse des importations de gazoduc depuis l’invasion de l’Ukraine, l’Europe reste tributaire du GNL russe, avec 23,4 milliards de mètres cubes importés en 2024 (+14 % vs 2023). Le faible niveau de stockage (35 % de la capacité) et les prix compétitifs expliquent cette situation.
Un équilibre fragile
L’UE hésite à interdire totalement ces importations, redoutant une flambée des prix du gaz. En attendant, le GNL russe continue de couler vers l’Europe, interdiction ou pas.
Les tendances gaz de la semaine par notre expert
GNL en Asie : Stagnation des Prix, Hausse des Importations Chinoises
Les marchés asiatiques du GNL traversent une phase d’attentisme. Malgré une légère baisse des prix du JKM à 13,53 USD/MMBtu, les importations chinoises ont bondi de 115 % en une semaine, atteignant 1,76 million de tonnes. Un paradoxe ? Pas tant que ça : la Chine, qui utilise peu de GNL pour produire de l’électricité, semble jouer un rôle de revendeur, profitant d’une demande modérée au Japon et en Corée. Les perspectives estivales, avec un climat plus chaud, pourraient cependant raviver les tensions sur les prix.
Pendant ce temps, en Allemagne, la mise en service du terminal GNL de Stade vire au feuilleton judiciaire. En cause, un bras de fer entre Deutsche Energy Terminal (DET) et Hanseatic Energy Hub (HEH), qui s’accusent mutuellement de ne pas avoir tenu leurs engagements. Ce différend met en lumière les défis d’indépendance énergétique de Berlin, qui, malgré ses efforts pour diversifier ses sources, voit planer une question délicate : le retour du gaz russe en Europe est-il inévitable ? Pour Markus Krebber, PDG du premier producteur d’électricité allemand, la réponse est claire : tout dépendra de la fin du conflit en Ukraine. Une décision qui, plus que jamais, appartient aux sphères politiques.
– Helder FARIA RUBIO
Responsable Vente Indirecte et Partenariats chez Capitole Energie
Zoom sur l'énergie verte
Transitions Énergétiques : Entre Ambitions et Réalités
L’Europe continue sa mue énergétique, mais les trajectoires varient selon les pays. En Slovénie, Energetika Ljubljana veut en finir avec le charbon d’ici 2030. Une centrale au gaz réduira déjà sa consommation de 70 % dès l’hiver prochain. À cela s’ajouteront une conversion à la biomasse, une incinération des déchets et des investissements dans le solaire, l’hydroélectricité et l’hydrogène vert. Un virage ambitieux pour une entreprise qui brûle encore 330 000 tonnes de charbon par an.
En France, l’opposition entre nucléaire et renouvelables s’intensifie. Le gouvernement a revu à la baisse ses ambitions pour le solaire, ce qui alimente les critiques sur la souveraineté énergétique. EDF, de son côté, met en avant les contraintes induites par la variabilité des énergies vertes. Tandis que la demande d’électricité stagne, certains plaident pour une relance de la consommation afin d’éviter un affrontement stérile entre filières décarbonées.
L’Italie défend quant à elle une approche plus pragmatique en matière d’énergie. Rome milite pour une neutralité technologique au sein de l’UE, refusant de privilégier les renouvelables au détriment du nucléaire ou du gaz. Ce positionnement soutient son ambition de devenir un hub énergétique reliant l’Europe et l’Afrique.
L’Allemagne, malgré ses efforts, risque de manquer son objectif de neutralité carbone d’ici 2045. La consommation énergétique va exploser, et le pays ne devrait atteindre « que » 95 % de réduction des émissions. Toutefois, avec 98 % d’électricité renouvelable prévue en 2050 et une dépendance énergétique divisée par trois, la transformation est bien engagée.
Enfin, la Finlande, championne de l’éolien, se heurte à un nouveau défi : la volatilité des prix de l’électricité et l’incertitude réglementaire freinent les investissements. Sans mesures pour stimuler la demande et améliorer le stockage, la dynamique pourrait s’essouffler.
Partout en Europe, la transition énergétique avance, mais les tensions entre impératifs économiques, choix technologiques et sécurité énergétique sont plus vives que jamais.
– Helder FARIA RUBIO
Responsable Vente Indirecte et Partenariats chez Capitole Energie
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