Nos experts vous présentent leur analyse complète de toute l’actualité sur les marchés de l’énergie à la date de clôture du 09 mai 2025.
Marché de l'électricité
Entre gaz et carbone, l’effet domino électrique

Le marché de l’électricité ne vit pas en vase clos. Il absorbe de plein fouet les tensions venues du gaz, de la météo et du carbone. Cette semaine, c’est en Allemagne que l’effet domino se fait le plus sentir. La faible production éolienne, combinée à des températures plus douces que la moyenne, a déséquilibré l’offre électrique.
Et ce n’est pas tout : le prix du CO₂, stabilisé autour de 70 €/t, renforce la pression haussière. Même tendance sur le marché britannique, où l’UKA franchit les 51 GBP/t, porté par les espoirs de convergence réglementaire avec l’Union européenne. Cette dynamique donne de la consistance aux anticipations d’un marché carbone unifié, avec à la clé un renchérissement durable du coût de production électrique carbonée.
À la une
Énergie franco-allemande : l’heure du rapprochement stratégique
Dans une tribune conjointe publiée dans Le Figaro, Emmanuel Macron et le nouveau chancelier allemand Friedrich Merz affichent une volonté claire : réaligner les politiques énergétiques de leurs deux pays autour de trois piliers — neutralité climatique, compétitivité et souveraineté.
Ce geste marque un tournant dans une relation historiquement marquée par des divergences sur la transition énergétique.
Nucléaire contre renouvelables : la bataille d’hier
Paris n’a jamais caché son irritation face au refus allemand de reconnaître le nucléaire comme énergie bas-carbone. De son côté, Berlin, après avoir fermé ses derniers réacteurs en 2023, privilégie le gaz naturel comme énergie de transition. Désormais, place au compromis : les deux capitales s’entendent sur le principe de neutralité technologique, garantissant un traitement équitable à toutes les énergies bas-carbone dans l’UE, y compris le nucléaire.
Hydrogène, financements et CO₂ : les nouveaux fronts communs
Macron et Merz plaident pour une approche plus pragmatique, notamment sur l’hydrogène bas-carbone. Ils appellent aussi à intégrer la réduction des émissions de CO₂ comme critère central des politiques énergétiques européennes.
Reste à voir si cette ambition se traduira en actes, notamment du côté des financements : la Banque européenne d’investissement continue de favoriser les renouvelables, et aucune annonce concrète n’a été faite sur les investissements promis dans les infrastructures transfrontalières.
Les actus électricité de la semaine par notre expert
Coupures, Courants et Confiance
Après le black-out ibérique, les médias n’ont pas hésité à rappelle l’évenement du 20 mars dernier, une panne majeure au poste électrique de North Hyde qui a plongé l’aéroport d’Heathrow et plus de 66 000 foyers dans le noir. Trois transformateurs “super grid” ont simultanément lâché, entraînant la fermeture de l’un des hubs les plus stratégiques d’Europe pendant 16 heures. Si l’incident n’a rien de criminel selon le gestionnaire du réseau britannique (Neso), il soulève une inquiétude plus large : une infrastructure aussi critique dépendait d’un seul point d’alimentation. Une aubaine potentielle pour quiconque souhaiterait saboter le réseau.
En avril, la production nucléaire française a atteint 27 TWh, son plus haut niveau pour un mois d’avril depuis 2021. Un signal rassurant, bien que la hausse soit modeste (+1% sur un an). L’électricité renouvelable, en revanche, a fléchi de 15%, plombée par la baisse de l’éolien et de l’hydraulique. Malgré cela, l’Hexagone a couvert 98% de sa consommation grâce au couple nucléaire-hydraulique et a renforcé ses exportations, notamment vers l’Italie.
TikTok investit 1 milliard d’euros dans un nouveau data center en Finlande, prévu pour 2026, dans le cadre de son projet “Clover” visant à sécuriser les données européennes. Le site, développé par Hyperco, intègrera une valorisation de la chaleur perdue, mais soulève des débats autour de la fiscalité énergétique finlandaise. Un choix stratégique dans un pays à l’électricité bon marché, bas carbone et… stable.
– Helder FARIA RUBIO
Responsable Vente Indirecte et Partenariats chez Capitole Energie
Marché du gaz
Stockage accéléré, vigilance recommandée

+9 % sur une semaine. Ce n’est pas un simple soubresaut : c’est le reflet d’un marché qui prend acte. La déclaration choc de la Commission européenne d’interdire le gaz russe d’ici 2027 a réveillé les tensions latentes. Le TTF néerlandais, baromètre européen, s’est immédiatement redressé à 34,62 €/MWh. Et ce n’est que le début. En parallèle, les flux norvégiens restent instables, les stocks européens atteignent seulement 41 % (contre 63 % un an plus tôt), et la perspective d’une demande asiatique renaissante plane. Sans parler de la possible baisse des exportations américaines liée à des contraintes logistiques ou climatiques.
Certes, l’Europe remplit vite ses réservoirs, bénéficiant d’un LNG encore disponible à prix attractifs. Mais cette dynamique masque une réalité plus rugueuse : la compétition avec l’Asie pourrait reprendre dès l’été, et le contango observé entre contrats d’été et d’hiver traduit l’incertitude croissante sur la disponibilité future.
À la une
Gaz russe, fracture à l’Est de l’Europe
Alors que la Commission européenne ambitionne de couper les ponts énergétiques avec la Russie d’ici 2027, les voix discordantes ne se font pas attendre. La Slovaquie et la Hongrie, particulièrement dépendantes du gaz et du combustible nucléaire russes, dénoncent ce projet comme une menace économique directe.
Robert Fico, Premier ministre slovaque, dénonce un « suicide économique », alertant sur la hausse des prix attendue avec l’importation de GNL américain, plus coûteux.
Budapest et Bratislava vent debout
Du côté hongrois, le ton est encore plus virulent. Le ministre des Affaires étrangères, Peter Szijjarto, fustige une interdiction jugée « idéologique » et « violente ». Pour lui, la Commission européenne persiste dans l’erreur après l’échec des sanctions passées, et la Hongrie refuse de « payer le prix du soutien à l’Ukraine ».
Une posture claire : pas question de sacrifier la compétitivité nationale sur l’autel de la géopolitique.
Des ambitions européennes en trompe-l’œil ?
Mais cette fracture révèle une autre vérité : le plan européen, aussi ambitieux soit-il sur le papier, pourrait rester lettre morte. Martin Vladimirov, expert en sécurité énergétique, pointe un manque de volonté politique réelle, notamment face aux intérêts nationaux.
Malgré les beaux discours, le gaz russe continue d’alimenter l’Europe via TurkStream. Quant aux alternatives (corridor gazier vertical, terminaux GNL), elles peinent à s’imposer faute d’intégration stratégique.
Les actus gaz de la semaine par notre expert
Energie, géopolitique et turbulences
C’est désormais une certitude pour Stefano Venier, PDG de Snam : l’Europe est prête à tourner définitivement la page du gaz russe. Grâce à l’essor des infrastructures GNL (notamment en Italie) et à une diversification des sources d’approvisionnement, l’UE dispose enfin de la capacité technique pour substituer les flux russes. Bien que Moscou reste à l’origine de 10 à 15 % des importations européennes de GNL, la Commission prépare un cadre légal qui interdira toute nouvelle importation dès 2025, et mettra fin aux contrats existants d’ici 2027.
Tandis que Washington et Pékin s’apprêtent à renouer le dialogue commercial, les marchés pétroliers oscillent entre espoir diplomatique et crainte d’un ralentissement global. Les cours du Brent et du WTI ont légèrement rebondi, mais les fondamentaux restent fragiles : stocks d’essence US en hausse, production Opep+ en augmentation, et pression baissière persistante. Le spectre d’un baril à 55 dollars refait surface, nourri par la perspective d’une récession commerciale mondiale.
Friedrich Merz a finalement décroché la chancellerie allemande au second tour, mais sans panache. Malgré une coalition CDU-SPD majoritaire, des dissensions internes ont terni cette victoire. Son programme énergétique, ambitieux sur le papier, devra surmonter les doutes sur sa capacité à fédérer. Le signal est clair : le cap est fixé, mais les vents politiques seront contraires.
– Helder FARIA RUBIO
Responsable Vente Indirecte et Partenariats chez Capitole Energie
Zoom sur l'énergie verte
L'Europe entre ambitions vertes et réalités électriques
Allemagne : retour au réalisme énergétique
Le ton a changé à Berlin. Lors de son discours inaugural, Katherina Reiche, nouvelle ministre allemande de l’Économie et de l’Énergie, a appelé à une “reality check” sur la transition verte du pays. Bien que les progrès en matière d’énergies renouvelables soient salués, la ministre – ancienne cadre d’Eon – a souligné les limites structurelles : congestion du réseau, flambée des coûts système, et intermittence des sources vertes.
Reiche propose de revoir le fonctionnement du marché de l’électricité allemand, dans la lignée d’un rapport d’Entso-E suggérant de diviser le pays en cinq zones pour fluidifier les flux. Cette inflexion politique survient dans un contexte de changement de cap gouvernemental, avec l’arrivée au pouvoir du chancelier Friedrich Merz, qui place l’énergie au cœur de l’agenda post-crise.
Stockage par batteries : l’Europe à la traîne
Alors que l’Union européenne continue de verdir sa production électrique, la question du stockage devient critique. D’après SolarPower Europe, la capacité installée de stockage par batteries devrait être multipliée par six d’ici 2029, atteignant 400 GWh. Une croissance importante, mais insuffisante : le continent aura besoin d’au moins 780 GWh pour gérer efficacement l’intermittence des renouvelables à l’horizon 2030. Le dernier rapport de l’association pointe un ralentissement préoccupant. En 2024, seules 22 GWh ont été ajoutées, soit une croissance de 15 %, bien loin des taux de 84 à 145 % des années précédentes.
Bosnie-Herzégovine : une sortie du charbon à petits pas
Au sud-est de l’Europe, la Banque mondiale injecte 83 millions d’euros pour aider la Bosnie-Herzégovine à fermer ses mines de charbon et amorcer sa transition. Le financement permettra de reconvertir les anciens sites miniers, installer des centrales solaires, et former les travailleurs pour d’autres secteurs. Alors que plus de la moitié de l’électricité du pays provient encore du charbon, ce projet vise une décarbonation progressive d’ici 2050. Une illustration concrète des efforts nécessaires dans les régions les plus dépendantes aux énergies fossiles.
– Helder FARIA RUBIO
Responsable Vente Indirecte et Partenariats chez Capitole Energie
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