Nos experts vous présentent leur analyse complète de toute l’actualité sur les marchés de l’énergie à la date de clôture du 13 juin 2025.
Marché de l'électricité
Nucléaire français : retour de stress sur le parc N4

C’est une vieille blessure qui se rouvre au plus mauvais moment. EDF a détecté de nouvelles fissures sur le réacteur Civaux 2, remettant le sujet de la corrosion sous contrainte au cœur du débat énergétique français. Le problème touche les soudures des circuits d’injection de sécurité, essentielles en cas d’accident. Ce n’est pas une première, mais la rapidité avec laquelle ces défauts réapparaissent soulève des doutes sur l’efficacité des réparations passées… et sur la conception elle-même du parc N4, le plus récent de France.
Avec Civaux 1, Chooz 1 et 2 également sous la loupe, la perspective d’un été chaud devient d’autant plus critique que la disponibilité du nucléaire pourrait être réduite. Et même si EDF assure une meilleure maîtrise du phénomène qu’en 2022, les marchés, eux, n’ont pas la mémoire courte.
À la une
Civaux 2 : l’alerte qui ravive les craintes
La découverte de nouvelles fissures sur le réacteur Civaux 2 (1,5 GW) ravive le spectre des problèmes de corrosion sous contrainte (CSC) qui avaient plongé la production nucléaire française à son plus bas niveau depuis 33 ans en 2022.
EDF inspecte désormais trois autres réacteurs de la même série (Civaux 1, Chooz 1 et Chooz 2), soulevant des interrogations sur un possible défaut générique.
Une production sous pression, un marché fébrile
Selon le cabinet Icis, un recul de 20 % de la disponibilité nucléaire française pourrait faire bondir les prix de l’électricité de 36 % dès cet hiver, et jusqu’à 45 % pour les contrats 2026.
Même un recul de 5 % suffirait à faire grimper les prix à terme.
Le contrat Cal 2026 a ainsi frôlé les 68,30 EUR/MWh cette semaine avant de retomber, signe de la nervosité persistante.
Pas de panique… pour l’instant
EDF, mieux préparée qu’en 2022, intègre désormais les réparations dans ses plannings et utilise des capteurs de détection avancés. Mais le timing des inspections, et la possibilité d’un phénomène plus profond (fatigue thermique ? géométrie défaillante ?), entretiennent l’incertitude.
Gaz, un effet domino
Un recul du nucléaire pèserait aussi sur la demande de gaz, avec une hausse estimée à +40 TWh cet hiver. Un cocktail explosif à l’approche de la saison froide, dans un marché toujours peu liquide et hypersensible aux moindres annonces.
Les tendances électricité de la semaine par notre expert
Le retour en force d’un géant énergétique
Tournant historique : la Banque mondiale s’apprête à financer à nouveau l’énergie nucléaire, après des décennies de retrait. Objectif : connecter 300 millions de personnes à l’électricité d’ici dix ans. Le soutien inclura les petits réacteurs modulaires (SMR) et s’accompagnera de partenariats avec l’AIEA pour garantir sécurité et non-prolifération. Une décision dictée par une réalité incontournable : dans les pays en développement, la demande en électricité va plus que doubler d’ici 2035.
La France dévoilera « dans les tout prochains jours » le schéma de financement de ses six futurs réacteurs EPR2. Le projet, soutenu par l’État via des contrats pour différence (CFD), garantit un prix plafond de 100 €/MWh. Cette stratégie reste soumise à l’aval de Bruxelles, mais les signaux envoyés par Berlin laissent espérer un assouplissement des lignes européennes sur les aides d’État. Un pas important pour EDF, désormais pilotée par Bernard Fontana, qui s’est engagée à maîtriser coûts et délais dans un contexte de forte vigilance budgétaire.
En parallèle, l’infrastructure énergétique européenne est la cible d’attaques cybernétiques de plus en plus sophistiquées. Ukraine, Croatie, Slovénie : l’Est du continent fait face à une vague continue de piratages, souvent pilotés par des groupes liés à la Russie. Malgré des sanctions récentes de l’UE, les intrusions repartent rapidement. Pour les experts, seule une défense proactive et une coopération renforcée permettront d’enrayer ces menaces hybrides.
– Helder FARIA RUBIO,
Responsable Vente Indirecte et Partenariats chez Capitole Energie
Marché du gaz
Gaz naturel : une stabilité précaire au cœur d’un été incertain

Sur le papier, le marché du gaz européen reste relativement stable. Le TTF évolue autour des 35 à 36,50 €/MWh, aidé par des maintenances norvégiennes bien gérées et des niveaux de stockage en progression (au-delà de 51 %). Mais cette sérénité est fragile. L’Allemagne accuse un retard inquiétant dans son remplissage, et certaines livraisons de GNL depuis les États-Unis pourraient être perturbées par des opérations de maintenance.
À cela s’ajoute une météo capricieuse : l’Europe se prépare à des vagues de chaleur précoces, qui dopent mécaniquement la demande pour la climatisation. En Espagne notamment, la consommation pourrait grimper en flèche. Si la tendance à la modération se maintient pour l’instant, il suffirait d’un imprévu — climatique ou géopolitique — pour réveiller la volatilité. Le souvenir de 2022 plane toujours.
À la une
Gaz d’Afrique du Nord : l’espoir européen sous pression
Alors que l’Europe cherche à se sevrer du gaz russe d’ici 2027, ses espoirs placés dans l’Algérie et la Libye peinent à se concrétiser.
Malgré des accords signés en grande pompe – notamment celui de 2022 entre l’Italie et l’Algérie sous Mario Draghi – la réalité du terrain est bien moins prometteuse : investissements en berne, instabilité politique, et législations décourageantes freinent les ambitions.
L’Algérie, potentiel bridé
Avec une production en baisse (48,7 milliards de m³ en 2024 contre 52 en 2023), l’Algérie, quatrième fournisseur de l’Europe, voit ses capacités d’exportation diminuer, notamment vers l’Italie, qui dépend de son gaz à hauteur d’un tiers.
Si le pays dispose encore d’un potentiel notable, il se heurte à une demande intérieure croissante et à des signaux européens peu clairs sur l’avenir du gaz.
La Libye, incertitude chronique
Du côté libyen, les ambitions de tripler la production d’ici cinq ans paraissent bien fragiles face à une instabilité politique persistante. Le pipeline Greenstream, vital pour l’Italie, tourne au ralenti, miné par des champs en déclin et l’absence de gouvernance claire.
Vers un gaz plus cher ?
Face à ces limites structurelles, l’Europe pourrait être contrainte de se tourner davantage vers le GNL américain, plus onéreux, compromettant ses efforts pour stabiliser les prix et sécuriser ses approvisionnements. Un rappel que la géopolitique de l’énergie reste, plus que jamais, une équation complexe.
Les tendances gaz de la semaine par notre expert
Gaz, Climat, GNL : l’Europe sous haute tension
L’Union européenne avance à pas comptés vers la fin des importations de gaz russe d’ici 2027. Un objectif politiquement consensuel, mais juridiquement glissant. Contraindre les entreprises à rompre des contrats long terme avec Gazprom soulève des questions de force majeure et de solidité juridique. Si un vote à la majorité qualifiée pourrait créer un précédent législatif, la Commission européenne devra manier la plume avec une prudence redoutable. Pologne en tête, les États membres semblent unis, mais Slovaquie et Hongrie pourraient encore freiner.
Outre-Atlantique, le secteur du GNL est à la croisée des chemins. Soutenu par Trump, freiné par les blocages réglementaires hérités de l’ère Biden, le GNL américain fait aussi face à une inflation des coûts et à une régulation européenne jugée « ingérable ». Dès 2027, l’UE pourra sanctionner jusqu’à 20 % du chiffre d’affaires annuel des importateurs ne respectant pas ses standards sur les émissions de méthane. Une contrainte qui pourrait freiner les exportations.
Mai 2025 marque la fin d’un enchaînement record de mois au-dessus du seuil critique de +1,5°C. Une pause statistique, mais pas un changement de tendance. L’été s’annonce chaud et sec en Europe, avec des pics proches de 40°C. Une situation qui menace les capacités de production hydraulique et nucléaire, et pourrait faire grimper les prix de l’électricité.
– Helder FARIA RUBIO
Responsable Vente Indirecte et Partenariats chez Capitole Energie
Zoom sur l'énergie verte
Éolien en mer : le vent tourne en Europe
Une ambition qui prend l’eau
L’éolien offshore, autrefois fer de lance des ambitions climatiques européennes, fait désormais face à une mer houleuse. Malgré des objectifs colossaux – jusqu’à 360 GW installés d’ici 2050 – la réalité est moins enthousiasmante : inflation, incertitudes réglementaires et manque de lisibilité politique freinent les investissements. À titre d’exemple, l’Allemagne, qui vise 30 GW d’ici 2030, n’en affiche que 9,2 aujourd’hui. Le doute gagne les investisseurs.
Appels d’offres en berne
Le cas danois illustre le malaise : un appel d’offres pour 3 GW est resté sans candidat fin 2023. Les Pays-Bas, eux, ont suspendu un projet de 2 GW en raison de « conditions de marché dégradées ». Le Royaume-Uni, malgré ses ambitions de 95 % d’électricité bas carbone d’ici 2030, risque de plafonner à 38 GW offshore contre les 50 nécessaires. L’annulation du projet Hornsea Four par Orsted n’a fait que renforcer la défiance.
Tensions généralisées, cap incertain
France, Irlande, Belgique, Italie… même constat : retards d’autorisations, chaînes logistiques sous pression et infrastructures insuffisantes minent les ambitions nationales. En France, le pacte éolien de 2022 peine toujours à se concrétiser. En Italie, un unique parc de 30 MW a mis 14 ans à voir le jour.
Le défi européen
L’Union européenne tente de simplifier les procédures, mais face à des objectifs « colossaux », selon Montel Analytics, l’heure est à la reconquête de la confiance. Faute de cap clair et d’alignement politique, l’éolien offshore pourrait manquer le coche de la transition énergétique.
– Helder FARIA RUBIO
Responsable Vente Indirecte et Partenariats chez Capitole Energie
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