Comme chaque semaine, découvrez l’analyse de nos experts sur l’actualité du marché de l’énergie (électricité, gaz, pétrole, charbon…) avec une clôture des prix au 14 avril 2023.
Marché de l’électricité
Première accalmie des marchés depuis les découvertes des nouvelles fissures sur les réacteurs
La courbe de long terme sur les marchés de gros de l’électricité en France semble avoir stoppé sa tendance haussière. En effet, de légères corrections à la baisse ont été enregistrées après que les prix aient oscillé entre 220 et 230 €/MWh en début de semaine. Comme nous l’évoquions la semaine précédente, le potentiel haussier poussé par les grèves et les problèmes du parc nucléaire semble s’essouffler sur ce mois d’avril.
Du côté de la demande d’électricité nationale, nous pouvons noter une légère baisse avec une consommation comprise entre 40 et 55 GW toute la semaine, expliquant en partie l’atténuation de la tension sur le réseau. Cependant, les contraintes rencontrées sur les fondamentaux côté offre soutiennent toujours une certaine pression ne permettant pas de passer sous les 210 €/MWh. Comme c’est le cas depuis plusieurs semaines, la grève a de nouveau amputé la capacité électrique de 6 GW ce mardi 11 avril. On observe néanmoins une forte production d’électricité d’origine renouvelable sur la semaine.
Les prix du contrat CAL 24 Baseload ont diminué de -2,96 €/MWh en clôturant ce vendredi 14 avril à 216,21 €/MWh, soit une légère baisse de -1,35 % en une semaine. Les produits à très long terme suivent la même tendance, le CAL 25 Baseload et le CAL 26 Baseload ont respectivement enregistré une variation de -0,50 % et de -1,78 %.
Une production renouvelable de plus en plus visible au niveau national
En plus d’une demande relativement faible, la production d’électricité renouvelable a été importante en France et en Europe en ce début de semaine. Le cumul de la production d’électricité issue de l’hydraulique, de l’éolien et du solaire, a permis d’atteindre plus de 30 % de la production nationale en France, voire même de dépasser les 40 % ce mercredi 12 avril à 15h (RTE). Conséquence : les prix spot de l’électricité sont tombés en dessous de zéro sur plusieurs marchés européens (France, Allemagne, Danemark, Belgique et Pays-Bas). Au regard des efforts croissants de développement des EnR en France et en Europe, ces scenarii devraient se répéter sur le marché spot, mais également être source de baisses des prix de l’électricité à long terme.
Le programme de redémarrage des centrales devrait redorer la production nucléaire
En parallèle, on note une nouvelle fois une capacité nucléaire inférieure de 2,7 GW aux prévisions d’EDF. La disponibilité nucléaire a baissé de 1,3 GW par rapport à la moyenne du mois de mars pour atteindre 35,5 GW ce mercredi 12 avril. On note désormais 21 réacteurs à l’arrêt sur l’ensemble du parc. Sur la base du programme de redémarrage d’EDF, les perspectives à court et moyen terme sont plutôt rassurantes puisque 7 réacteurs devraient être redémarrés sur le mois d’avril.
Quel avenir pour l’Arenh ?
Alors que les décisions politiques en matière d’énergie sont fortement critiquées, accusées d’être source d’affaiblissement de la filière nucléaire et de contraintes de développement des EnR, une commission d’enquête de l’Assemblée Nationale réclame la suppression de l’ARENH. Le rapporteur de cette commission d’enquête a présenté 30 propositions au gouvernement pour retrouver une souveraineté énergétique. En plus de la suppression de l’ARENH, ce dernier invite le gouvernement à élaborer un plan intégrant la forte augmentation de la consommation d’électricité dans les prochaines années. En effet, selon le scénario de référence de RTE, la demande d’électricité devrait atteindre 650 TWh/an en 2050 (contre moins de 500 TWh/an aujourd’hui).
L’Europe reste divisée sur la question du nucléaire
Dans le même temps, les stratégies européennes divergent sur la question du nucléaire. Alors que l’Allemagne a déconnecté ses 3 derniers réacteurs nucléaires ce samedi 15 avril, la Finlande s’apprête enfin à démarrer son EPR le lundi 17 avril prochain après 14 ans de retard. La décision allemande est une mauvaise nouvelle du point de vue de la sécurité de l’approvisionnement énergétique et des émissions de CO2 puisque l’Allemagne se repose sur les centrales à charbon.
Après la forte remontée des prix initiée depuis le mois de mars, les évolutions de marchés enregistrées cette semaine sont plutôt rassurantes. Malgré des épisodes de grèves qui continuent d’impacter les moyens de production, la baisse de la demande et les niveaux de production d’électricité renouvelable permettent d’atténuer les tensions sur le réseau. La tenue du programme de redémarrage des réacteurs est également un facteur essentiel à une baisse des prix et pourrait permettre de repasser sous les 200 €/MWh sur le CAL 24 Baseload à court terme. Les craintes à plus long terme sur la disponibilité nucléaire persistent et maintiennent une certaine prime de risque.
Tristan BAUDU, Analyste pricing

Marché du gaz
Malgré une volatilité à court terme, le marché du gaz devrait se stabiliser pour les prochains mois à venir
La tendance volatile se poursuit sur le marché du gaz. D’une semaine à l’autre, le prix du gaz varie en moyenne de 4%, ce qui n’est pas négligeable étant donné que celui-ci oscille autour de la barre des 50€/MWh actuellement. Cette fluctuation des prix n’est donc pas synonyme de parfaite stabilité, même si nous sommes encore loin des variations que nous connaissions il y a plusieurs mois maintenant.
Les contrats pour une livraison en 2024 ont donc clôturé à 53,26 €/MWh le 14 avril 2023, subissant une hausse de 1,60 €/MWh sur la semaine.
Quel avenir pour le marché du gaz d’ici fin 2023 ?
Malgré l’instabilité des flux ces dernières semaines, certaines organisations, telles que Entsog, prévoient que l’UE pourrait remplir ses stockages de gaz à au moins 90% d’ici octobre. Tant que les autres sources d’approvisionnement restent disponibles, ce scénario reste cohérent.
Cependant, interdire le GNL russe, ne serait peut-être pas une bonne idée pour conforter ces projections. Cela fait maintenant plusieurs semaines que cette ultime mesure traverse l’esprit des dirigeants européens. L’objectif est toujours le même : accentuer les sanctions financières auprès de la Russie, afin que cette nation cède et se retire du conflit. Certains analystes se sont rendus comptes que cette stratégie n’est pas forcément pertinente. Sachant que la Russie est le deuxième fournisseur de GNL de l’UE après les Etats-Unis, stopper cet approvisionnement pourrait mettre en danger le remplissage futur des stocks de gaz. À cela s’ajoute le fait que la Russie n’aurait pas de mal à réorienter ses flux. La reprise progressive de l’activité des pays asiatiques par exemple pourrait compenser les pertes européennes.
Le marché de l’énergie dans sa globalité maintient des prix du gaz raisonnables
Comme nous le savons, le marché de l’énergie est interconnecté. Toutes les énergies sont plus ou moins liées entre elles étant donné qu’elles sont soit substituables, soit complémentaires.
Tout d’abord, nous avons l’exemple des énergies renouvelables qui actuellement sont davantage sollicitées au vu du climat qui s’y prête. Cela permet de relâcher un peu plus la pression sur la demande de gaz sur certains secteurs.
Ensuite, nous avons aussi les prix du charbon qui sont en baisse depuis maintenant plusieurs semaines. Le charbon étant plus accessible malgré les problématiques environnementales, cela engendre donc une utilisation moins accrue des centrales à gaz.

À court et moyen terme, la tendance devrait se stabiliser, si l’UE ne rompt pas son partenariat avec la Russie concernant l’approvisionnement en GNL.
À plus long-terme, la tendance reste baissière. Les différents projets gaziers continuent à se multiplier. C’est le cas notamment du géant pétrolier chinois Sinopec, qui est devenu la semaine dernière, le premier actionnaire asiatique dans le projet North Field East au Qatar (le plus grand champ gazier au monde). Ces différents investissements permettront d’assurer l’approvisionnement futur en gaz des différents pays du monde.
Yanice MEGUENNI, Analyste pricing
Marché du pétrole
Les prix du pétrole, toujours à la hausse une semaine supplémentaire
Le prix du brut (BRENT, pour une livraison en juin 2023) finit la semaine légèrement en hausse pour clôturer à 86,31 $/barils le vendredi 14 avril, soit 1,19 $/barils de plus en une semaine (+ 1,40 %).
Les cours mondiaux des deux références mondiales restent donc relativement stables tout le long de cette nouvelle semaine. Les craintes de récession mondiale semblent à nouveau orienter le marché, alors même que l’Opep+ prévoit toujours une croissance de la demande d’ici la fin de l’année. La faiblesse du dollar, notamment face à l’euro, permet également un regain d’intérêt pour les achats. Globalement, le marché hésite et la volatilité des cours devrait rester importante ces prochains jours.
Les doutes subsistent quant aux évolutions du marché
Bien que la session de lundi ait clôturé en légère baisse, les cours du BRENT remontent dès le lendemain, quasiment jusqu’en fin de semaine. La faiblesse du dollar incite les investisseurs disposant d’autres devises à acheter, le pétrole étant toujours libellé en dollar. Aux États-Unis, l’inflation a fortement ralenti sur le mois de mars (5% sur un an, contre 6% en février sur un an) s’inscrivant à son niveau le plus bas depuis presque deux ans (indice CPI des prix à la consommation).
Ces données font naître des doutes sur une éventuelle hausse des taux de la Fed le mois prochain, et entretiennent l’idée que la Fed soit proche de la fin du cycle de hausse de ses taux directeurs. Néanmoins, au moindre signe de ralentissement de la croissance, les cours devraient immédiatement être impactés par les mauvaises perspectives. Mardi dernier, le FMI avait d’ailleurs légèrement révisé à la baisse sa prévision de croissance mondiale pour 2023, ce qui laisse planer le doute sur l’avenir de la demande.
La demande mondiale devrait augmenter dans les semaines à venir
La possibilité de récession américaine, et mondiale, n’est donc pas totalement écartée. La prudence reste le maître-mot des investisseurs. En milieu de semaine, les cours ont tout de même été stimulés par les commentaires de la secrétaire américaine à l’Energie, Mme Jennifer Granholm, déclarant que les Etats-Unis souhaitaient bientôt revenir à des niveaux de réserves stratégiques proches de ceux d’avant la guerre en Ukraine. Même si les détails de ces achats futurs n’ont pas été donnés, cette annonce préfigure d’un rebond de la demande sur le marché pour les semaines/mois à venir.
L’Opep+, quant à elle, prévoit toujours que la demande mondiale augmentera de 2,3 millions de barils en 2023 par rapport à 2022. Cette progression de la demande devrait être encore plus tirée par l’Asie : par la Chine et l’Inde en tête. Pour les pays membres de l’OCDE, le niveau de la demande a été revu légèrement à la baisse, en prévision d’une baisse de l’activité économique pour les zones Amérique du Nord et Europe.
Ainsi, la tendance n’est pas tout à fait claire en ce mois d’avril 2023. Les cours sont toujours tiraillés entre resserrement du marché par un manque d’offre à venir (notamment de la part des pays de l’Opep+), une hausse de la demande mondiale tirée par l’Asie, ou encore les craintes de récession au niveau mondial. À ce stade, les prévisions du manque d’offre ne suffisent pas à orienter les cours à la hausse de manière significative. Cela est d’autant plus vrai que les exportations de pétrole russe ont atteint en mars leur plus haut depuis 3 ans, malgré les sanctions européennes suite à l’invasion de l’Ukraine. Affaire à suivre.
Loïc ARILAZA, Analyste Pricing Team Leader

Marché du charbon
Nouvelle semaine à la baisse pour le prix du charbon
Le prix à terme de la tonne de charbon corrige à la baisse une semaine supplémentaire en Europe. Le produit ICE Coal API2 Cal 2024 clôturait la semaine à 124,43 $/t le vendredi 14 mars, soit 11,42 $/t de moins en une semaine (- 8,41 %). À court terme, la même tendance se retrouve, la tonne de charbon pour une livraison en avril 2023 clôturant à 124,00 $/t, soit en baisse de -7,95 $/t sur le vendredi précédent.
La tendance baissière constatée depuis désormais plusieurs semaines se confirme donc une semaine de plus. En effet, la demande de charbon thermique continue d’être relativement faible, grâce notamment à une bonne production renouvelable en Europe (éolien, hydroélectricité, solaire). Dans le même temps, les importations européennes se portent bien. En Asie, la production domestique chinoise reste importante, et les exportations australiennes vers cette-dernière ont repris depuis plusieurs semaines, même si ce retour reste progressif.
Quelles sont les perspectives pour les semaines à venir ?
Les prix de marché du gaz naturel restent également à des niveaux stables, et toujours bien en dessous de ceux constatés au plus fort de la crise initiée par l’invasion de l’Ukraine par la Russie. L’afflux de GNL reste important en Europe, et contribuera au remplissage des stocks stratégiques ces prochains mois.
Concernant le marché européen du CO2, les cours des droits à polluer ont repris des couleurs grâce à la reprise de confiance du marché.
Globalement, la tendance baissière devrait se poursuivre, à court comme à long terme, même si elle ne sera pas sans fin. L’appel aux centrales à charbon devrait rester marginal cet été. Une bonne nouvelle pour le marché européen.
Loïc ARILAZA, Analyste Pricing Team Leader

Marché des émissions
Le prix du CO2 repart légèrement à la baisse
Sur le marché européen des droits à polluer, la tonne de CO2 recule légèrement cette semaine. Le contrat de référence ICE EUA Dec. 2023 termine ainsi la semaine à 93,84 €/t, soit en baisse de -2,82 €/t sur le vendredi précédent (- 2,92 %).
La courbe des prix semble s’être stabilisée
Si la tendance sur une semaine est bien légèrement baissière, le prix des EUA parvient à se maintenir à un niveau élevé (au-dessus de 90 €/t). Si l’on met de côté les fluctuations journalières, le prix de la tonne semble avoir trouvé une certaine stabilité ces trois dernières semaines (situé dans un corridor de prix compris entre 90 et 98 €/t).
La spéculation sur le marché reste importante, et il semble probable que quelques prises de profit aient contribué au léger recul des cours, l’offre devenant provisoirement plus importante que la demande.
Au niveau réglementaire, l’objectif de l’Union européenne en termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre reste élevé. Peu de nouvelles significatives à noter de ce côté, mais la tendance à la hausse observée sur le marché continue de s’inscrire dans cette stratégie européenne très ambitieuse.

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