Nos experts vous présentent leur analyse complète de toute l’actualité sur les marchés de l’énergie à la date de clôture du 20 juin 2025.
Marché de l'électricité
Électricité : le signal d’alerte nucléaire est de retour

Côté électricité, les incertitudes s’accumulent. D’abord, une canicule précoce menace la production nucléaire : en France, EDF surveille la température du Rhône, cruciale pour le refroidissement des réacteurs comme Bugey. Ensuite, une nouvelle fissure de corrosion sous contrainte sur Civaux 2 vient raviver de vieux démons. Même si EDF temporise, la confiance est ébranlée. En parallèle, l’adoption par l’Assemblée du plan de relance nucléaire à horizon 2050 n’occulte pas les défis à court terme. Enfin, la hausse du charbon et la volatilité du marché carbone soulignent un retour opportuniste des vieilles solutions fossiles, faute de marges de manœuvre suffisantes.
L’été commence à peine, et les lignes de tension sont déjà bien visibles.
À la une
Cap sur 2050 : renaissance atomique
en marche
L’Assemblée nationale a voté en faveur d’une relance ambitieuse du nucléaire : 14 nouveaux réacteurs d’ici 2050, dont 6 à lancer avant 2026. Un projet stratégique, enfin débloqué après deux ans d’impasse politique.
Le gouvernement vise jusqu’à 27 GW de capacité nucléaire supplémentaire, pour sécuriser l’approvisionnement énergétique et réduire la dépendance aux énergies fossiles.
Un financement hors norme sous l’œil de Bruxelles
Le financement des six premiers réacteurs EPR2, estimé à plus de 70 milliards d’euros, repose sur un montage audacieux : prêt d’État sans intérêt sur 35 ans, puis taux de 3 % une fois les réacteurs en service. EDF vendra l’électricité via un contrat pour différence autour de 100 €/MWh, révisé tous les cinq ans.
La France a soumis son plan à la Commission européenne début juin, espérant une validation accélérée sous 18 mois, contre les 36 habituels.
EDF sur tous les fronts : austérité et arbitrages
Sous la houlette de son nouveau patron Bernard Fontana, EDF prépare un plan d’économies drastiques de 1 milliard d’euros d’ici 2030, incluant la vente d’actifs et un repli partiel sur les renouvelables. La priorité est claire : recentrer les moyens sur le chantier nucléaire.
Fessenheim, le retour impossible ?
Un amendement RN réclame le redémarrage de la centrale de Fessenheim, arrêtée en 2020.
Techniquement irréalisable selon EDF, cette proposition cristallise
Les tendances électricité de la semaine par notre expert
Coup de chaud sur les réseaux
Le 28 avril, l’Espagne a frôlé la panne généralisée. En cause ? Une combinaison de mauvaises prévisions et de défaillances techniques dans la gestion du réseau. Selon la ministre de l’Énergie Sara Aagesen, le gestionnaire Red Eléctrica n’a pas remplacé une centrale indisponible, pariant sur une stabilité qui ne s’est pas matérialisée. Résultat : survoltage, oscillations anormales et coupures en cascade, aggravées par une perte de l’interconnexion avec la France. Aucune cyberattaque, mais des “vulnérabilités” à corriger d’urgence.
Nouvelle alerte à Civaux 2 : EDF confirme des fissures de corrosion sous contrainte sur une soudure du circuit de refroidissement, déjà remplacée il y a deux ans. Si l’incident ne remet pas en cause les objectifs de production nucléaire (350-370 TWh/an), il ravive les inquiétudes sur l’état du parc français. L’inspection systématique des soudures se poursuit sur les 57 réacteurs du pays.
L’Europe muscle son mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (CBAM), tout en l’adaptant : 90 % des petits importateurs (moins de 50 tonnes/an) seront exemptés, pour alléger la bureaucratie. Les gros pollueurs, eux, devront acheter des certificats à partir de février 2027. Objectif : protéger les industriels européens face aux concurrents étrangers moins régulés. Un pas de plus vers une économie bas-carbone, sous haute surveillance réglementaire.
– Helder FARIA RUBIO,
Responsable Vente Indirecte et Partenariats chez Capitole Energie
Marché du gaz
Gaz naturel : l’équation géopolitique relance la volatilité

Le gaz naturel européen a renoué avec la nervosité, porté par une conjonction redoutable : tensions persistantes entre Israël et l’Iran, suspension partielle du champ Leviathan, et risque latent sur le détroit d’Ormuz, véritable artère du GNL mondial. Si aucune coupure majeure n’a été constatée, le marché joue la prudence, surtout avec une demande asiatique en embuscade et des stocks européens en retard (53 % contre 73 % l’an dernier).
Le tout, alors que la chaleur s’installe et fait grimper la consommation, en particulier dans le sud de l’Europe où les centrales à gaz assurent l’équilibre du réseau. Résultat : une concurrence exacerbée pour les cargaisons spot, et une prime de risque bien ancrée sur les prix.
À la une
Hormuz, le goulet d’étranglement
du gaz mondial
Le détroit d’Hormuz, par lequel transite environ 20 % du gaz naturel liquéfié (GNL) mondial, cristallise les inquiétudes géopolitiques.
Alors que le parlement iranien a voté en faveur d’une fermeture potentielle de cette voie stratégique, la décision finale revient au Conseil suprême de sécurité nationale. Ce scénario reste hypothétique, mais pas irréaliste.
Un choc qui ferait flamber les prix
Si l’Iran décidait de fermer — même partiellement — le détroit, l’impact sur les marchés serait immédiat : flambée des prix, ruée sur les cargaisons, et une Europe particulièrement vulnérable en phase de reconstitution de stocks avant l’hiver.
Pas (encore) de rupture, mais une nervosité palpable
Pour l’heure, aucun mouvement anormal n’a été observé sur les flux de GNL. Les exportations du Qatar et des Émirats restent stables, malgré une hausse des primes d’assurance maritime. Les États-Unis, après des frappes sur des sites nucléaires iraniens, ajoutent une dimension explosive à la crise. Une implication directe de Washington accroîtrait considérablement les risques de blocus.
L’ombre d’un conflit régional élargi
Avec la guerre ouverte entre Israël et l’Iran, et la pression sur Pékin — principal client pétrolier de Téhéran — l’équation énergétique devient globale. Le détroit d’Hormuz n’est plus seulement une route commerciale : c’est désormais un thermomètre de la stabilité énergétique mondiale.
Les tendances gaz de la semaine par notre expert
Le Jeu des Flux s’Intensifie
La France franchit une étape clé vers la décarbonation de son mix énergétique. L’European Energy Exchange (EEX) vient de lancer un registre national pour les Certificats de Production de Biogaz (CPB), une obligation fixée par la loi Climat et Résilience de 2021. Dès 2026, les fournisseurs de gaz devront justifier l’intégration de biométhane dans leur offre, via production directe ou achat de CPBs. À défaut, une amende salée de 100 € par certificat manquant les attend. Objectif : stimuler un marché du biométhane hors subventions et réduire la dépendance aux énergies fossiles.
Pendant ce temps, à l’Est, l’urgence énergétique monte. L’Ukraine doit impérativement injecter 5 milliards de m³ supplémentaires pour affronter l’hiver. Le couplage du corridor gazier vertical (VGC) avec l’interconnexion Grèce-Bulgarie (IGB) pourrait être une bouée salvatrice, en apportant 500 millions de m³ d’ici fin octobre. Problème : les capacités limitées et les coûts élevés des routes européennes compliquent la tâche, malgré un accord récent avec la Pologne pour doubler les transits.
Enfin, sur l’Adriatique, le terminal GNL de la Croatie fait carton plein pour 2030-2037, avec la vente totale de ses capacités supplémentaires (0,75 bcm/an). Moins d’engouement sur les périodes plus proches, mais l’appétit est là. Avec une extension attendue à 6,1 bcm/an d’ici 2026, Zagreb s’impose peu à peu comme un hub gazier régional
– Helder FARIA RUBIO
Responsable Vente Indirecte et Partenariats chez Capitole Energie
Zoom sur l'énergie verte
Vent de changement
sur l’énergie verte européenneEspagne : le blackout du 28 avril, déclencheur d’une nouvelle ère
Le blackout survenu en Espagne le 28 avril n’aura pas été qu’un incident technique. Il s’apprête à transformer profondément le secteur éolien du pays. En cause : un manque de contrôle de surtension, que seules les centrales thermiques ou nucléaires pouvaient jusqu’ici assurer. Le gouvernement, conscient des failles du système, promet désormais une réforme réglementaire pour intégrer les énergies renouvelables dans la gestion de la tension du réseau. Conséquence directe : les exploitants d’éolien vont devoir modifier leurs installations, à commencer par les parcs les plus anciens, qui nécessiteront des investissements lourds. Les projets en développement seront également impactés, selon Iberdrola.
Finlande : la règle de trop pour l’éolien ?
Coup de froid sur les ambitions vertes de la Finlande. Le gouvernement envisage d’imposer une distance minimale entre éoliennes et habitations équivalente à huit fois la hauteur des turbines, soit environ 2 à 3 kilomètres. Si elle est adoptée, cette mesure rendrait irréalisables près de 30 GW sur les 62 GW de projets terrestres prévus, selon le lobby Renewables Finland. Cela représenterait 90 TWh de production annuelle potentielle en moins et un manque à gagner de 42 milliards d’euros. La décision, motivée par des préoccupations locales, risque de faire fuir les investissements industriels, d’entraver la croissance de l’hydrogène vert et de faire flamber les prix de l’électricité.
Italie : record vert et baisse de la demande
En mai, l’Italie a franchi un seuil symbolique : 55,9 % de l’électricité consommée provenait des énergies renouvelables, atteignant même ponctuellement plus de 100 % de la demande. Cette performance est d’autant plus remarquable que la demande globale a reculé de 2,7 % sur un an, reflet d’une conjoncture industrielle contrastée. La production locale a couvert 86,5 % des besoins, réduisant les importations et la dépendance aux énergies fossiles. Toutefois, Terna, le gestionnaire du réseau, met en garde : si l’installation de nouvelles capacités ralentit et que l’hydroélectricité décline, une reprise de la demande pourrait créer des tensions futures.
– Helder FARIA RUBIO
Responsable Vente Indirecte et Partenariats chez Capitole Energie
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