Nos experts vous présentent leur analyse complète de toute l’actualité sur les marchés de l’énergie à la date de clôture du 25 juillet 2025.
Marché de l'électricité
Électricité : signaux faibles, tensions sous-jacentes

Le marché européen du carbone (EUA) glisse doucement sous les 70 €/t, traduisant une demande énergétique affaiblie. Une météo plus clémente et des incertitudes sur les négociations commerciales transatlantiques pèsent sur les perspectives industrielles. Pourtant, le calme est trompeur : une météo plus fraîche ou de nouvelles régulations européennes pourraient réveiller une volatilité estivale. Des températures douces et une production renouvelable stable maintiennent la pression à la baisse sur les prix spot. Mais derrière cette tranquillité, le marché reste sensible : une vague de chaleur ou un creux de production éolienne peut, en quelques jours, renverser la dynamique. Le charbon européen (API2) flotte au-dessus des 100 USD/t, sans réel moteur. Les importations chutent, les stocks sont pleins et personne n’achète avant octobre. Mais attention : ces prix bas pourraient représenter une opportunité de couverture stratégique avant le redémarrage de la demande hivernale.
À la une
L’électricité flambe en Europe du Sud-Est
Une canicule tenace a mis sous pression les marchés électriques de l’Europe du Sud-Est cette semaine.
Avec des températures flirtant avec les 40°C, la demande en climatisation a bondi, propulsant les prix spot à des sommets inédits depuis plusieurs mois.
Le prix de base hongrois pour livraison jeudi s’est établi à 134,81 €/MWh, son plus haut niveau depuis mars, tandis que la Serbie atteignait 144,31 €/MWh, portée par un déficit de près de 1 GW dû à des arrêts imprévus et planifiés.
Un pic de demande, malgré le solaire
Selon Montel Analytics, la demande régionale a culminé à 33 GW, soit 1,3 GW au-dessus de la moyenne saisonnière. Et si le solaire a brillé, il n’a pas suffi à contrebalancer le « résidu de charge » – cette part de la demande que les renouvelables ne couvrent pas – qui reste élevé sur toute la journée. En cause : une climatisation qui tourne à plein régime.
Une détente attendue sur le marché
Mais l’embellie pourrait être de courte durée. Une baisse des températures attendue la semaine prochaine, couplée à un renforcement de 500 MW de la production nucléaire, oriente le marché à la baisse.
Le contrat hongrois pour livraison en août a déjà perdu 7,10 €/MWh cette semaine, à 100 €/MWh, soit 30 € de moins qu’en juin. Une correction logique après une surévaluation liée à la crainte d’un été brûlant.
Les tendances électricité de la semaine par notre expert
L’été chahuté de l’énergie en Europe
Alors que juillet s’achève sous un ciel frais et venteux, l’Allemagne bénéficie d’un coup de pouce inattendu : un vent généreux, bien au-dessus des normales saisonnières. MetDesk prévoit en moyenne 12,5 GW de production éolienne pour la semaine du 28 juillet, tandis que Montel table sur 10,8 GW, soit +0,7 GW au-dessus de la norme. Même tendance pour début août, avec 11,3 GW anticipés.
Côté solaire, l’histoire est moins rayonnante. Malgré quelques éclaircies, les prévisions annoncent une production en deçà des attentes : 12,8 GW contre 16,2 GW habituels, plombée par des pluies au nord. Un léger rebond pourrait s’amorcer début août, avec 13,5 GW escomptés.
Le déficit hydrologique persistant en Scandinavie maintient la pression sur les prix. Malgré des pluies attendues, les réserves restent inférieures de 7 à 8 TWh à la normale. Résultat : le contrat mensuel grimpe à 48,75 €/MWh. Le spot atteint même 55,55 €/MWh, un record depuis mai.
Les petits réacteurs modulaires (SMRs) suscitent l’intérêt, mais pas les investissements. Pour Jarand Rystad (Rystad Energy), ils restent hors-jeu économiquement. Coûts explosifs, délais interminables, normes de sécurité lourdes : aucune décision ferme n’a été prise. « Réveillez-moi quand ça devient réel », ironise-t-il.
– Helder FARIA RUBIO,
Responsable Vente Indirecte et Partenariats chez Capitole Energie
Marché du gaz
Gaz naturel : un répit fragile sous haute surveillance

La Norvège, premier fournisseur gazier de l’Europe, a prolongé la maintenance du gisement de Troll, amputant temporairement le continent de 22 millions de m³/jour. Malgré ce coup dur, les flux norvégiens restent solides à 311 millions de m³/jour. Mais cette stabilité cache une vérité gênante : l’équilibre est précaire. Une panne ici, une tension géopolitique là… et la mécanique pourrait gripper. L’Asie donne du souffle à l’Europe La demande asiatique, en particulier chinoise, marque le pas, libérant des cargaisons de GNL vers l’Europe à des prix attractifs. Une aubaine, certes, mais éphémère. Un simple rebond de l’Asie, et l’Europe pourrait perdre cet accès privilégié au gaz bon marché. L’ombre de l’hiver Les réserves européennes plafonnent à 65 %, loin des 83 % de l’an dernier à la même période. L’Allemagne, maillon central du dispositif gazier, n’affiche que 58 %, et son site stratégique de Rehden frôle la panne sèche avec moins de 7 %. Un hiver froid ou une rupture logistique pourrait faire bondir les prix.
À la une
Des stockages bien orientés malgré un hiver difficile
À la mi-juillet, les réserves de gaz européennes atteignent 66% de leur capacité, soit 67 milliards de mètres cubes (Gm³). Un chiffre encourageant, même s’il reste en retrait de 18 Gm³ par rapport à l’an dernier.
La cause ? Un hiver 2024 plus long et rigoureux, ayant laissé les stocks à seulement 35 Gm³ au printemps.
Depuis le 1er avril, les injections reprennent à bon rythme : 315 millions de m³ par jour en moyenne, un niveau supérieur de 1% à la moyenne des cinq dernières années, selon Timera Energy.
Le GNL, moteur de la reprise
Cette dynamique est soutenue par une hausse significative des importations de gaz naturel liquéfié (GNL), en hausse de 8,1 Gm³ au deuxième trimestre, selon Kpler. À ce rythme, les stockages européens pourraient atteindre 81% d’ici le 1er octobre.
L’UE, qui vise 90% entre octobre et décembre, semble donc sur les rails, surtout avec les nouvelles règles autorisant une dérogation jusqu’à 15 points de pourcentage en cas de contraintes techniques ou de marché.
L’Allemagne, talon d’Achille du système
Mais l’ombre au tableau vient d’outre-Rhin. Le site stratégique de Rehden plafonne à seulement 5% de remplissage. La faute à des écarts de prix trop faibles entre les contrats d’été et d’hiver (EUR 1,44/MWh contre 5,08 l’an dernier), qui ne justifient pas économiquement les injections.
Résultat : les stocks allemands stagnent à 58%, contre 88% il y a un an. Une fragilité pour toute l’Europe.
Les tendances gaz de la semaine par notre expert
Gaz européen : l’hiver sera-t-il tranquille ?
Le marché du gaz naturel liquéfié (GNL) entre dans une phase d’expansion rapide. L’Agence Internationale de l’Énergie prévoit une hausse record de 7 % de l’offre mondiale d’ici 2026, tirée par les projets en Amérique du Nord et au Qatar. Une dynamique qui pousse l’espagnol Repsol à rester prudent : pas de prises de position longues sur le GNL, en attendant que le marché se stabilise. La société mise plutôt sur une montée en puissance de ses ventes au détail en Espagne, tout en réduisant la consommation de gaz dans ses raffineries.
Naftogaz a obtenu 200 millions d’euros pour acheter du gaz avant l’hiver. Insuffisant, selon les experts, qui estiment que l’Ukraine doit importer 1,8 à 2 bcm d’ici novembre pour sécuriser sa saison de chauffe. Les infrastructures restent vulnérables aux frappes russes.
Malgré un bénéfice net en recul (-21 %), TotalEnergies table sur des prix du gaz élevés (environ 12 $/MMBtu) jusqu’à l’hiver. En cause : des stocks à reconstituer, une offre toujours instable, et un contexte géopolitique tendu.
Le régulateur allemand BNA enquête sur des comportements suspects sur le marché de conversion du gaz. Depuis mai, ces manœuvres auraient coûté 60 millions d’euros, via des arbitrages douteux entre gaz L et H. Des sanctions sont en vue.
– Helder FARIA RUBIO
Responsable Vente Indirecte et Partenariats chez Capitole Energie
Zoom sur l'énergie verte
Énergies vertes : été calme, tensions à l’horizon
Hydro : chute des prix sur fond de vacances et de surabondance
Le marché européen des garanties d’origine (GO) de l’hydroélectricité connaît une accalmie estivale… et une baisse de prix notable. À EUR 0,75/MWh pour les GO 2025 (contre EUR 1 il y a deux semaines), la surabondance d’offre combinée à une faible liquidité, en grande partie due aux congés estivaux des traders nordiques, pèse lourd. Malgré une légère amélioration prévue de l’équilibre hydrologique dans la région nordique, la demande reste atone en cette période historiquement calme.
Directive verte : Bruxelles tape du poing sur la table
Le Danemark, seul pays à avoir transposé à temps la nouvelle directive sur les énergies renouvelables adoptée en 2023 évite les foudres de Bruxelles. La Commission européenne a lancé une procédure d’infraction contre 26 États membres pour non-transposition. Cette directive, essentielle pour atteindre les objectifs 2030, couvre l’ensemble du système énergétique et renforce notamment les garanties d’origine. Les pays épinglés ont deux mois pour se mettre en conformité.
EDF : cap sur le nucléaire, virage stratégique sur le renouvelable
Le géant français EDF revoit sa copie : moins d’investissements dans le renouvelable non-hydro (EUR 0,8 Md au premier semestre, contre 1,2 Md un an plus tôt), recentrage géographique et recherche de modèles moins gourmands en capital. Objectif : dégager des marges pour financer les six nouveaux réacteurs nucléaires EPR, dont la décision finale est attendue fin 2026. Le nucléaire redevient central dans la stratégie d’un groupe dont le bénéfice net a chuté de 22 % sur un an.
Solaire : un coup d’arrêt inattendu après l’euphorie
Après deux années euphoriques, le solaire cale. Pour la première fois en une décennie, les capacités installées vont reculer en 2025 (-1,4 %). En cause ? Une chute brutale des installations résidentielles, freinées par la baisse des subventions et des prix de l’électricité. Résultat : l’UE risque de rater son objectif de 750 GW de capacité solaire en 2030. Le segment industriel résiste, soutenu par les appels d’offres et PPA, mais les nouveaux contrats ont chuté de 41 % au T2. Le stockage et la flexibilité réseau deviennent désormais des enjeux majeurs.
– Helder FARIA RUBIO
Responsable Vente Indirecte et Partenariats chez Capitole Energie
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