Les marchés du gaz sont sujets, depuis l’année 2021, a de très fortes augmentations, comme le souligne la CRE (Commission de Régulation de l’Energie). Les différentes actualités géopolitiques jouent un rôle décisif dans la régulation des prix du marché. Selon la CRE, la France (tout comme l’Europe) est dépendante à plus de 98% des importations de pays comme la Russie ou l’Algérie pour l’approvisionnement en gaz. Cependant, les dernières tensions risquent de mettre à mal cet équilibre précaire.
Ainsi, il est important, pour comprendre les tenants et aboutissants du marché, de s’arrêter sur différents points, que vous retrouverez dans l’article suivant.
Quel avenir pour le gaz naturel dans les prochaines années ?
De nombreux facteurs géopolitiques vont avoir un impact sur l’évolution de la demande de gaz naturel dans le monde. Nous reviendrons plus tard sur ces sujets. Cependant, plus encore que les caractéristiques géopolitiques mondiales, ce sont les évolutions climatiques qu’il faut observer de très près.
En effet, les prochaines années vont être fortement affectées par des variations de températures très importantes. Ces variations vont évidemment avoir des conséquences sur le marché. Sur le long terme, il est alors fortement probable de constater une très forte volatilité des prix.
Sur le marché gazier, la tendance reste à la hausse, le tout sur fond de fortes tensions géopolitiques entre l’Ukraine et la Russie.
Loic ARILAZA, Analyste Pricing
Quelles sont les tendances sur le marché du gaz ?
A l’heure actuelle, nos experts évoquent trois tendances qui se dégagent quant au marché du gaz naturel.
- On constate en effet une très forte volatilité des prix. Cette tendance risque de se poursuivre dans la durée puisqu’elle est principalement due à la faible proportion de stocks en Europe.
- De plus, certains acteurs du marché se rémunèrent grâce à des marges toujours plus importantes. Cela cause une augmentation des coûts de couverture, qui sont aujourd’hui très élevés.
- Enfin, le marché est tout simplement à la hausse. Les prix augmentent pour différentes raisons. A citer notamment, l’augmentation de la demande en fourniture de gaz en Chine. En effet, le pays entre dans une transition énergétique et se tourne donc vers le gaz pour délaisser le charbon.
Les besoins de gaz en France
En France, les actualités mondiales affectent fortement les prix. En effet, la consommation de gaz naturel y est équivalente à la demande en électricité. Cependant, comme le montre GRDF, la consommation de gaz – en comparaison avec celle d’électricité – y est très saisonnière.
En effet, la consommation de gaz en France dépend fortement de la température, la différence entre l’hiver et l’été n’est donc pas négligeable. On compte effectivement un ration de 1 pour 5 entre les deux saisons, contre 2 pour 3 pour la consommation d’électricité.
La gestion de l’approvisionnement
Puisque les besoins sont importants et l’offre parfois à la merci des actualités mondiales, des décisions ont été prises quant à la gestion des stocks et de l’approvisionnement. L’Etat a donc fait le choix de remplir les stocks français jusqu’à 95% de leur capacité. Cette vision dénote en Europe puisque la moyenne dans les pays de l’Union est d’environ 75%.
Afin d’avoir plus de contrôle sur les stocks de gaz en France, il est également possible de compter sur le système de régulation du stockage français. De plus, il existe en France un système de Zone Unique. Ce quadrillage du marché en une zone unique permet de réguler le marché et de garantir une unification des prix entre le Nord et le Sud de la France, qui n’ont pourtant pas les mêmes besoins.
Peut-on parler de solidarité européenne quant à la gestion des ressources gazières ?
Malgré les précautions françaises en terme de stockage des ressources, force est de constater que les prix flambent (cf. l’analyse de marché du 31 janvier 2022 réalisée par nos experts). Ainsi, la question se pose de savoir s’il est intéressant ou non d’instaurer des stocks à l’échelle européenne.
A l’heure actuelle, chaque pays à mis en place une stratégie qui lui est propre. La France par exemple, qui a choisis, comme on l’a vu, un système de régulation et n’a donc pas la même stratégie que l’Allemagne. Cette dernière ne peut compter que sur des stocks emplis à 70% à l’entrée de l’hiver.
Ainsi, les régulations des espaces de stockage sont nationales. Cependant, il est important de noter que les différents réseaux nationaux sont connectés les uns aux autres. A l’avenir, il sera peut être envisageable de prévoir un système de solidarité européenne quant à la gestion de l’approvisionnement. Des transferts peuvent en effet être assurés grâce à ces réseaux.
Cependant, cela n’est pas encore prévu aujourd’hui puisque, comme nous le disions, chaque pays de l’Union à mis en place des mesures différentes.
La Russie et la production gazière
Le gaz : un moyen de pression dans le cadre du conflit russo-ukrainien
L’Allemagne mise aujourd’hui sur le réseau Nord Stream 2. Nord Stream 2 est un gazoduc de plus de 1200 km reliant la Russie à l’Allemagne, exploité par le russe Gazprom. A l’heure actuelle, le gazoduc n’a toujours pas été mis en service.
La mise en service de ce gazoduc implique différentes choses pour chaque pays. En effet, il s’agit là d’un moyen de pression pour les pays de l’Union Européenne et les Etats-Unis contre la Russie et ses projets contre l’Ukraine.
En effet, Nord Stream 2 permettrait à la Russie de transférer son gaz à l’Allemagne sans transiter par l’Ukraine ou la Pologne. Sans la mise en service de ce gazoduc, la Russie serait donc dépendante de ces deux pays pour la vente de son gaz.
Joe Biden et les Etats-Unis appuient une volonté de rendre inutilisable Nord Stream 2 en cas d’invasion de l’Ukraine par la Russie.
Les deux partis étant très interdépendants, une telle situation mettrait à mal à la fois la vente russe et l’approvisionnement européen. Aujourd’hui, la Russie ne fournit à l’Europe que le gaz nécessaire à la fourniture des contrats signés. Les prix sont donc très élevés.
L’Union européenne reste dépendante des exportations russes, et la compétition avec l’Asie pour attirer les précieux méthaniers pourrait reprendre de plus belle d’ici l’été.
Loic ARILAZA, Analyste Pricing
La Russie attaque le marché chinois
Si la Russie est le premier fournisseur de gaz naturel en Europe, son marché se développe aujourd’hui vers la Chine. En effet, la Chine se tourne désormais vers de nouvelles énergies dans l’amorce de sa transition écologique.
A l’heure actuelle, selon l’AIE (Agence Internationale de l’Energie), le pays est dépendant à plus de 60% du charbon pour sa production électrique. Cela signifie que pour compenser ces besoins, le pays va se tourner vers le gaz russe. Les besoins de la Chine étant très important, cela risque d’accaparer l’offre russe.
Qu’en est-il de l’approvisionnement en France ?
Cependant, il est important de ne pas surestimer les conséquences des actions russes sur l’approvisionnement français. En effet, la diversité d’approvisionnement en France est très développée. Pour ce qui est des importations de gaz, la Russie ne représente que moins de 20%. C’est la Norvège qui prend la place de premier fournisseur en France puisqu’elle représente 40% des importations.
Ainsi, la France – notamment grâce à ses systèmes de stockage – a su réduire les risques d’une trop forte dépendance à un seul acteur.
Vers une production renouvelable ou bas carbone
Le futur de la production de gaz en France
Il est à prévoir que le gaz devienne, à l’horizon 2050, renouvelable ou bas carbone. Dans ce cadre, le Président Macron a annoncé récemment vouloir augmenter la production de gaz renouvelable de 10% d’ici 2030.
Pour cela, des filières telles que le biométhane, l’hydrogène, le bio-GPL voire même la pyrogazéification sont à développer. Pour la France, l’enjeu se trouve alors dans la balance du mix entre ces différentes énergies.
L’importance du gaz dans la transition écologique
Dans la cadre de la transition écologique, le gaz jouera un rôle important. Des pays comme la Pologne, l’Inde ou la Chine dont nous avons déjà parlé, sont très dépendants au charbon. Ainsi, si ces pays passaient à une fourniture de gaz, leurs émissions seraient divisées par trois.
Le problème des fuites de méthane
Toutefois, le gaz ne peut représenter une solution durable dans le cadre de la transition énergétique si les problèmes de fuite de méthane (constatés en France et dans le monde) ne sont pas corrigés. En effet, dans certains pays les infrastructures ne sont pas suffisamment performantes pour éviter de telles fuites. Hors, il a été prouvé par le GIEC que les émissions de méthane sont responsables de la moitié de l’augmentation des températures ces 30 dernières années.
L’approvisionnement gazier en Europe reste donc sous forte tension. Les différentes actualités géopolitiques rendent incertain le futur de la production gazière, et difficile d’annoncer des perspectives d’évolution sérieuses Toutefois, si la production de gaz peut avoir un impact important sur la lutte contre le réchauffement climatique, il faut être très vigilant à ce qu’il n’en devienne pas une des causes principale.
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