Comme chaque semaine, découvrez l’analyse de nos experts sur l’actualité du marché de l’énergie (électricité, gaz, pétrole, charbon…) pour une clôture des prix au 20 janvier 2023.
Marché de l’électricité
L’hiver est là : correction haussière du prix de l’électricité
Cette semaine, la courbe de long terme sur les marchés de gros de l’électricité en France s’est retournée à la hausse après avoir atteint son plus bas depuis plus de 6 mois. En effet, les prix du contrat CAL 24 Baseload ont augmenté de +30,52 € en une semaine. Autrement dit, on observe une hausse significative de +17,10 % avec un prix de clôture de 209 €/MWh ce vendredi 20 janvier. Cette correction haussière induisant un passage au-dessus des 200 €/MWh s’explique notamment par l’arrivée du froid sur l’ensemble du territoire français avec des températures inférieures à la normale ainsi que par les mouvements de grèves.
Le système électrique français mis à l’épreuve
L’arrivée de l’hiver s’est matérialisée par des températures inférieures aux normales de saison cette semaine, se traduisant alors par une hausse de la demande d’électricité.
En effet, alors que la demande semblait plutôt stable aux alentours de 60 GW depuis le début de l’année, elle a dépassé les 70 GW en début de semaine et a frôlé les 80 GW. La hausse de la consommation a pour effet de pousser le prix de l’électricité à la hausse à court terme. La tension sur le réseau s’est vue être accentuée avec les mouvements de grèves initiés mercredi sur les centrales de production d’électricité.
Le marché de l’électricité a ainsi subi une baisse de production d’environ 9,2 GW au niveau des centrales nucléaires, des barrages hydroélectriques et des centrales à gaz. Le gestionnaire de transport RTE a souhaité rassurer le marché en garantissant la sécurité face à la superposition de ces évènements particuliers. Malgré la thermo-sensibilité française, l’équilibre entre l’offre et la demande a été préservé, notamment grâce à une amélioration des stocks d’hydroélectricité ainsi qu’à une meilleure capacité de production nucléaire.
État des lieux du parc nucléaire en France
La capacité nucléaire de la France s’établit à environ 44,1 GW ce mercredi 18 janvier (hors prise en compte des effets de ralentissements en raison de la grève nationale). La disponibilité du parc français est nettement plus élevée par rapport à la moyenne de décembre, cependant elle reste inférieure de 0,9 GW aux prévisions d’EDF.
Le 18 janvier, on comptait encore 13 réacteurs à l’arrêt, soit environ 27% du parc national. EDF prévoit une capacité nucléaire comprise entre 46 et 46,5 GW en moyenne pour les mois de février et mars 2023. L’amélioration de la disponibilité nucléaire devrait donc être beaucoup plus lente que sur la fin d’année 2022.
En parallèle, le Sénat souhaite supprimer l’objectif d’abaissement à 50% du nucléaire dans le mix-électrique de la France (initialement fixé à horizon 2035). Cela s’inscrit dans la volonté du gouvernement de développer cette filière, notamment au travers du projet de construction de 6 nouveaux réacteurs.
Vers une réforme du marché de l’électricité ?
Face à la hausse historique des prix en 2022 liées au conflit entre l’Ukraine et la Russie, les pays membres sont exhortés à mettre en place des mesures au niveau national destinées à soutenir les consommateurs. Des réformes au niveau européen sont également attendues : l’Allemagne, l’Espagne, ainsi que la France, semblent être sur la même ligne. Ces derniers proposent l’instauration d’un marché de capacité pour les centrales électriques fossiles adossé d’un système de « Contracts For Differences » pour les énergies renouvelables. De plus, une union Paris-Madrid semble se dessiner quant à volonté d’accélérer la construction d’interconnexions électriques. L’objectif final est d’avoir une meilleure correspondance des prix aux coûts de production, et in fine une baisse du prix payé par les consommateurs.
Les prix de gros de l’électricité ont atteint un plus bas le lundi 16 janvier avec un CAL 24 clôturant à 161,13 €/MWh. Après l’atteinte de ce prix, le marché n’a cessé d’être haussier cette semaine, terminant au-dessus de 200 €/MWh. À court terme, face à la ténacité des températures froides, il est difficile de prévoir une baisse de prix. La disponibilité du parc nucléaire continue d’augmenter mais la tendance ralentit. Les perspectives d’évolution des prix de gros sont plutôt haussières, le marché reste nerveux et sensible aux évolutions de températures et à une éventuelle reprise de l’activité industrielle.
Enfin, les négociations au niveau européen quant à une potentielle réforme du marché de l’électricité devraient bousculer le système actuel. Des mesures seront-elles prises ? Permettront-elles de baisser les prix de gros de l’électricité ? Affaire à suivre…
Loïc Arilaza, Analyste Pricing
Marché du gaz
La chute des températures se fait ressentir
Après plus de deux mois de baisse, le prix moyen du gaz naturel, toute temporalité confondue, repart légèrement à la hausse en cette 3ème semaine de janvier. Le principal facteur est bien évidemment la chute des températures. Les contrats pour une livraison en 2024 ont clôturé à 67,11 €/MWh le 20 janvier 2023, soit une hausse de -3,90 €/MWh sur la semaine. Les contrats plus long terme comme le PEG 2025, par exemple, sont impactés d’une manière moindre par les facteurs météorologiques.
Le conflit russo-européen, une guerre d’attrition susceptible de durer dans le temps
La guerre d’attrition vise à épuiser l’ennemi et ses ressources. Le vainqueur sera donc celui qui pourra tenir le plus longtemps, militairement ainsi qu’économiquement parlant. Au niveau économique, le peuple russe a considérablement réduit ses exportations de gaz vers l’UE dès l’année 2022. Avant 2022 en moyenne, selon Oxford Economics, les ressources de gaz naturel en Europe provenant de Russie représentaient environ 30%. En 2022, elles s’élèvent à 14% environ. Elles seraient susceptibles de se réduire encore plus pour les années à venir, et ainsi se positionner en dessous de la barre des 5%.
À ce stade, une réconciliation pourrait être prévue seulement si une de ces nations viendrait à être en difficulté financièrement. Au vu des informations dont nous disposons, cette situation n’est pas près d’arriver. Les pays européens continuent de diversifier leur approvisionnement, et à développer des projets gaziers au niveau local. Ce changement de fusil d’épaule aurait pour but de se détacher de leur dépendance énergétique envers la Russie. Côté russe, les stratégies économiques prennent aussi un autre tournant. Dans le but de compenser la baisse de leurs exportations de gaz envers l’UE, le géant GAZPROM se tourne progressivement vers l’Asie. C’est notamment le cas de la Chine ou de l’Inde où les consommations en gaz sont très importantes. Le Pakistan devrait aussi se joindre à la dance et commencer à importer du gaz russe.
Couper les ponts avec la Russie, un mal pour un bien ?
Comme nous l’avons expliqué ci-dessus, l’UE s’entête à trouver des solutions pour compenser les pertes russes. Le GNL représente un argument assez solide. En 2021, l’importation de celui-ci représentait 20% de l’offre de gaz naturel disponible pour l’Union Européenne. En 2022, celui-ci monte à 35%. Il devrait atteindre pratiquement 55% en 2026, toujours selon les perspectives publiées par Oxford Economics. Au vu de ces chiffres, il faudra donc attendre 2025 pour que la mise en service de nouvelles capacités de GNL permette de remplacer totalement le gaz russe.
Ce scénario pourrait donc profiter aux Etats-Unis, principal partenaire de l’UE concernant l’importation de GNL. À ce sujet, un terminal est en construction depuis 2019 et d’autres sont déjà en projet pour les années à venir. Ces investissements devraient permettre d’augmenter les capacités d’exportation de GNL, d’ici à 2025. On peut ainsi tirer l’hypothèse suivante : si le mécanisme de formation des prix n’est pas réformé prochainement, le marché du gaz sera toujours aussi instable.
Cela signifie que les efforts de sobriété énergétique devront perdurer dans le temps, afin de s’assurer que les différents produits gaziers n’atteignent pas des montants exorbitants, comme ce que nous avions pu connaître durant l’été 2022.
À court terme, les perspectives sont plutôt haussières. La baisse des températures générale cette semaine provoque une hausse de la demande. Cette action est donc susceptible d’engendrer des tensions sur les prix du gaz, notamment pour le produit CAL 2024. Ensuite, un autre mécanisme, intervenant à cette période de l’année, pourrait provoquer l’effet inverse. En outre, au début de chaque année, les stocks de gaz français se doivent d’être puisés dans des proportions raisonnables, afin d’assurer le bon fonctionnement des infrastructures. Cela signifierait qu’à court terme, on importerait moins à défaut de soutirer davantage nos capacités de stockages. Cela pourrait donc permettre d’atténuer les tensions sur le prix du gaz naturel à court terme.
À long terme, selon Oxford Economics, nous devrions retrouver une stabilité d’ici à 2025, si aucune mesure n’est prise avant. En attendant, les prix des différents produits devraient osciller autour des 100 € le MWh, selon les mois de l’année où la demande n’est pas forcément la même.
Yanice Meguenni, Analyste Pricing
Marché du pétrole
Cette semaine les cours cherchent toujours une direction claire
Cette semaine, le prix de l’or noir (BRENT de la Mer du Nord, et pour une livraison en mars 2023) reste volatil et atteint 87,63 $/baril le vendredi 20 janvier, soit +2,35 $/baril de plus en une semaine (+2,76 %). Les prix du brut cherchent toujours une direction claire pour le 1er mois de l’année. Si l’attente d’une reprise économique chinoise rapide prend de l’épaisseur, les craintes de récession et donc de diminution de la demande sont toujours présentes. Les données économiques sont mitigées, même si ici et là les perspectives peuvent être meilleures qu’ailleurs dans certaines régions du monde.
Cette semaine reste globalement signe de volatilité, les cours faisant du yoyo un jour sur l’autre. Du côté de l’offre, peu de nouvelles notables. Les États-Unis ne puisent plus dans leurs réserves commerciales et stratégiques, et les stocks parviennent petit à petit à se reconstituer. Le dollar, quant à lui, a largement reculé (en tout cas en parité avec l’euro) depuis le début de l’année.
En France, la prime carburant est entrée en vigueur le 16 janvier, pour les travailleurs les plus modestes. En début de semaine, près de 3,75 % des stations-services françaises étaient en manque de carburant, mais a priori rien d’alarmant. On vous en parle plus bas.
Les perspectives de reprise chinoise tirent les prix à la hausse, mais …
Depuis la fin de l’année 2022, les perspectives de reprise économique chinoise sont réelles et prennent de l’épaisseur. Si dans les faits la demande ne flambe pas encore, une reprise de la seconde économie du globe, première importatrice de brut, oriente clairement les prix à la hausse depuis le début du mois de janvier. Les spécialistes s’accordent néanmoins à dire que si hausse de la demande chinoise il y a, elle sera progressive.
En début de semaine, le lundi 16 janvier, l’ouverture des marchés est pourtant baissière. Après plus d’une semaine de hausse (+8 % pour les deux références mondiales), ce lundi voit le BRENT perdre quelques plumes jusqu’à la fin de journée. Ce recul peut être imputable à la publication des nouvelles prévisions de croissance de la Banque mondiale, qui les ajuste à la baisse (à 1,7 %, contre 3 % pour ses prévisions de juin 2022). L’inflation persiste en effet, et les investisseurs attendaient la publication des perspectives de marché de l’OPEP+ dans son rapport mensuel sur l’offre et la demande.
Dès le lendemain, le mardi 17 janvier, les cours regagnent quelques points pour clôturer au-dessus du niveau de vendredi. Si le WTI gagnait quelques points de moins que le BRENT, en raison du long week-end aux États-Unis (Martin Luther King’s Day), les cours sont portés par un regain d’optimisme concernant la Chine. Par ailleurs, l’OPEP+ relevait mardi, dans son rapport mensuel, son estimation de croissance mondiale pour l’année 2022 : 3 %, contre 2,8 % précédemment.
En milieu de semaine, la publication des données économiques américaines a fait à nouveau replier les cours. La faiblesse de ces indices a limité l’enthousiasme du début de semaine, même si la demande mondiale est attendue en hausse pour l’année 2023. La consommation a pourtant bien été en baisse sur le mois de décembre aux Etats-Unis, synonyme habituellement de forte consommation pour les fêtes de fin d’année. Le ralentissement économique américain est donc palpable, les dépenses des ménages ayant baissé pour le 2ème mois consécutif. Sur le mois de décembre, la production industrielle est également en recul.
Globalement, la tendance n’est donc pas claire sur le marché. Les acteurs restent partagés entre bonnes perspectives de reprise économique chinoise, et des indicateurs décevants concernant les prévisions de croissance pour la nouvelle année.
USA : Les réserves de pétrole bondissent encore, mais les réserves stratégiques stagnent
Aux États-Unis, le gouvernement a lancé depuis décembre dernier son plan de reconstitution de ses réserves commerciales et stratégiques. Chaque semaine, les données relatives sur l’étai de ces stocks sont scrutés par les acteurs du marché, devant donner une indication de l’offre supplémentaire disponible, ou non. Le jeudi 19 janvier, l’Agence américaine d’information sur l’énergie annonçait que les réserves de pétrole brut ont de nouveau bondi, alors que les réserves stratégiques sont inchangées pour la première fois en 17 mois. La semaine achevée le 13 janvier, les stocks commerciaux ont progressé de 8,4 millions de barils, alors que les analystes attendaient une contraction de l’ordre de 3 millions de barils.
Cette nouvelle hausse est de nature à faire baisser les cours, du moins en théorie. Dans les faits, elle est nuancée par le signal clair de l’arrêt d’utilisation des stocks, ce qui prive donc en fait le marché de volumes supplémentaires. Dans le même temps, les exportations de brut ont quasiment doublé (+81%), alors que les importations ont augmenté plus modérément (+8 %). In fine, une réelle tendance est loin de se dessiner. Même si l’offre se contracte, la reprise (ou non reprise) économique chinoise donnera le ton sur le niveau de demande à venir. Affaire à suivre.
Marché du charbon
Le charbon repart à la hausse avec des températures en baisse
Pour le charbon, la courbe de long terme s’oriente légèrement à la hausse cette semaine. En Europe, le vendredi 20 janvier et pour une livraison en 2024 (Rotterdam API 2 Cal 2024), la tonne de charbon se négociait à 178,01 $/t, soit une variation de +10,99 $/t en une semaine (+6,58 %). A court terme, le produit pour une livraison en février (Rotterdam API 2 February 2023) gagnait quant à lui 9,80 $/t en une semaine, pour s’établir à 179,15 $/t toujours le 20 janvier.
Les températures moyennes sont en baisse en France et sur bonne partie de l’Europe. L’hiver semble vraiment débuter, après plusieurs semaines de températures relativement douces. La consommation d’électricité augmente donc, ce qui va automatiquement augmenter la demande de gaz naturel, et de charbon pour la production d’électricité. Même si ces dernières semaines le gaz est plutôt privilégié au charbon, le charbon reste important, en Allemagne notamment, le pays devant se passer massivement de gaz russe depuis l’invasion de l’Ukraine et les sanctions économiques imposées.
De manière générale, la consommation de charbon thermique est attendue en hausse pour cette année 2023. Si l’année 2022 a été marquée par des problèmes significatifs d’approvisionnement, notamment en Australie et en Indonésie (à cause de conditions climatiques défavorables et des problèmes liés au fret maritime), 2023 sera une année notable pour l’avenir du charbon. En Europe, la transition énergétique doit s’opérer plus rapidement, mais il devient difficile de se passer des énergies fossiles en période de crise géopolitique telle que nous connaissons actuellement. Les prix pourraient donc durablement s’orienter à la hausse, poussée également par la demande asiatique (Chine et Inde en tête).
Marché du CO2
Le prix de la tonne de CO2 remonte sensiblement cette semaine
Le marché européen d’échange de quotas d’émission s’oriente à la hausse une semaine supplémentaire. Le vendredi 20 janvier, le contrat de référence ICE EUA Dec. 23 clôturait la semaine à 85,08 €/t, soit 5,22 €/t de plus que le vendredi précédent (+6,54 %).
Cette semaine est synonyme de hausse notable sur le marché d’échanges de droits à polluer. Les discussions de l’Union européenne sur l’avenir du système se poursuivent, et semblent aller dans le bon sens. Comme nous l’évoquions fin décembre 2022, les quotas ne seront plus, à l’avenir, distribués gratuitement selon les émissions historiques. De plus, de nouveaux secteurs seront désormais concernés par le système, comme cela est déjà acté pour l’aviation et le transport routier.
Le marché semble néanmoins avoir trouvé une relative stabilité sur l’année 2022 : entre 80 et 100 €/t. Si les objectifs de réduction des émissions de GES restent ambitieux, il semblerait que ce prix ne soit pas encore à la hauteur des enjeux climatiques. À terme, d’ici à 2030, le prix des quotas devraient plutôt se situer aux alentours de 200 €/t, pour que l’impact sur les habitudes de production, et donc d’émissions de carbone, soit significatif. Le marché reste pour l’heure très volatil et soumis aux aléas des acteurs spéculatifs. À suivre.
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