Nos experts vous présentent leur analyse complète de toute l’actualité sur les marchés de l’énergie à la date de clôture du 3 janvier 2025.
Marché de l'électricité
La vague de froid met le réseau sous pression
La France, face à une baisse annoncée des températures de 3,5 à 5,9 °C, voit sa demande électrique grimper, en particulier pour le chauffage. Avec une pointe à 74 GW et une moyenne de 65,5 GW, soit 4,3 GW de plus par jour, le réseau devra jongler avec l’approvisionnement transfrontalier, notamment depuis l’Allemagne.
Une tension supplémentaire pourrait émerger en cas de prolongation de ce froid, amplifiant la volatilité des prix électriques. Cependant, cette hausse de consommation, bien que significative, reste maîtrisable grâce aux interconnexions et à une meilleure gestion énergétique. Reste à voir si la vigilance du réseau pourra absorber ces variations sans accroc majeur pour les consommateurs.
À la une
France, championne européenne de l’électricité
La France a enregistré en 2024 un record historique d’exportations nettes d’électricité, atteignant 89 TWh, un sommet depuis 22 ans, selon RTE. Ce chiffre, en hausse de 37 TWh par rapport à 2023, reflète un spectaculaire redressement de la production nucléaire et hydraulique, couplé à une demande intérieure toujours modérée.
Cette dynamique a permis à la France de conforter son statut de premier exportateur net d’électricité en Europe, surpassant la Suède et la Norvège.
La compétitivité du mix électrique français, dominé à 80 % par le nucléaire et l’hydraulique aux coûts variables faibles, reste un atout majeur sur les marchés européens. Thomas Veyrenc, de RTE, souligne que cette électricité « est mobilisée avant les centrales thermiques de nos voisins ».
Avec 361,6 TWh produits par le nucléaire (+13 %), soutenus par des réparations efficaces et des arrêts maîtrisés, et une hydroélectricité bondissant de 27 % à 71,7 TWh, la production totale a atteint 527 TWh, un retour aux niveaux des années 2000.
Pour autant, ce succès cache un bémol : la demande française, bien qu’en légère hausse (+3,3 TWh à 428,4 TWh), reste contenue.
Selon Veyrenc, cette stagnation freine le basculement nécessaire vers l’électrification pour une décarbonation profonde, un enjeu crucial dans un contexte de transition énergétique. Si les exportations devraient rester stables en 2025, le défi demeure : concilier reprise de la production et transformation des usages, tout en maintenant l’ambition climatique.
Les tendances électricité de la semaine par notre expert
Entre excédents d’énergie et tensions géopolitiques
La Finlande, championne des prix horaires d’électricité négatifs pour la deuxième année consécutive, symbolise l’ambivalence des excès de production verte. Avec 721 heures sous zéro, la hausse de la capacité éolienne et une abondance hydroélectrique et nucléaire exacerbent un manque criant de flexibilité du réseau. La Suède, aux côtés de ses voisins nordiques, affiche également une abondance énergétique, modulant les prix à des niveaux historiquement bas : 36,07 €/MWh en moyenne, contre 56,45 € l’an passé.
Par ailleurs, sur le marché du carbone, l’appétit spéculatif a rebondi. Les positions longues nettes ont bondi à 4,6 millions de tonnes, soutenues par des paris haussiers, tandis que les prix du carbone atteignaient 74 €/t, dynamisés par la fin de l’accord de transit gazier entre l’Ukraine et la Russie.
Enfin, la demande d’électricité de l’UE, bien qu’en légère hausse (+1 % à 2 726 TWh), reste freinée par des gains d’efficacité énergétique et un ralentissement industriel, particulièrement en Allemagne. La Commission européenne prépare un Clean Industrial Deal pour réconcilier compétitivité et décarbonation.
– Helder FARIA RUBIO,
Responsable Vente Indirecte et Partenariats chez Capitole Energie
Marché du gaz
La fin du transit ukrainien agite les marchés européens
Du côté du gaz, le marché européen reste marqué par l’arrêt des flux de transit via l’Ukraine. Si l’impact direct sur les volumes semble limité, grâce à une diversification accrue des sources comme le GNL russe et les importations via gazoducs non ukrainiens, l’effet psychologique sur les prix demeure palpable.
Pourtant, les acteurs tempèrent ces inquiétudes, soulignant que la capacité d’importation, notamment depuis la Norvège et l’Allemagne, permet de maintenir la sécurité d’approvisionnement. Pour l’instant, le marché semble suracheté, avec des spéculations qui pourraient corriger les prix si les températures s’adoucissent. Néanmoins, l’hiver européen n’ayant pas dit son dernier mot, les enjeux stratégiques de l’énergie restent, plus que jamais, au centre des débats.
À la une
L’Europe face à une nouvelle flambée des prix
Le marché européen du gaz traverse une nouvelle phase de tension alors que le transit de gaz russe via l’Ukraine, interrompu depuis le 1er janvier 2025, provoque une flambée des prix.
L’accord de transit signé en 2019 entre Gazprom et les opérateurs ukrainiens a expiré le 31 décembre, mettant un terme à des flux qui représentaient encore récemment environ 42 millions de mètres cubes par jour.
Désormais, la Russie, évoquant l’absence d’un cadre technique et juridique, ne livre plus de gaz par ce corridor clé.
Dans un contexte marqué par les tensions géopolitiques persistantes, l’Ukraine affirme sa résilience.
Le gestionnaire ukrainien GTSOU a renforcé son réseau pour répondre aux besoins internes et maintenir le transit vers l’Europe, en s’appuyant sur des approvisionnements alternatifs.
Pour l’Union européenne, qui cherche depuis 2022 à diversifier ses sources énergétiques face à ce qu’elle qualifie d’« arme énergétique » russe, cette nouvelle donne met en lumière l’urgence d’une autonomie énergétique accrue. Entre bras de fer stratégique et ajustements logistiques, l’Europe entre dans une ère d’incertitudes énergétiques prolongées.
Les tendances gaz de la semaine par notre expert
L’Italie renforce sa sécurité d’approvisionnement
Le marché du gaz en Europe traverse une période de tensions sans précédent, marquée par la fin des expéditions russes via l’Ukraine, dont le dernier accord de transit a expiré début janvier. Cette rupture affecte particulièrement l’Autriche, qui se voit désormais fournir du gaz via l’Allemagne et l’Italie, avec des volumes compensatoires suffisant à maintenir la sécurité de l’approvisionnement. Toutefois, cette situation accentue les préoccupations sur la disponibilité des stocks européens, déjà en baisse par rapport à l’année précédente, avec des niveaux de stockage se situant autour de 72 % à la fin décembre.
Dans ce contexte, l’Italie se prépare à renforcer sa capacité d’importation de GNL avec la mise en service, prévue pour début avril, d’un second terminal flottant à Ravenne. Ce projet, porté par le gestionnaire Snam, devrait permettre au pays d’augmenter sa capacité de regazéification à 28 milliards de mètres cubes. Cependant, le récent rebond des prix du gaz en Europe, atteignant leur plus haut niveau depuis 14 mois, soulève des inquiétudes. Le ministre italien de l’Énergie a ainsi proposé des mesures pour maximiser les stocks de gaz et a exhorté l’UE à prolonger le plafonnement des prix du gaz au-delà de janvier 2025, afin de stabiliser les prix et garantir un approvisionnement sécurisé pendant la saison hivernale.
– Helder FARIA RUBIO
Responsable Vente Indirecte et Partenariats chez Capitole Energie
Zoom sur l'énergie verte
Industrie et décarbonation : comment l’État veut maintenir le cap malgré des contraintes budgétaires
Malgré des restrictions budgétaires importantes, l’État français entend maintenir son engagement envers la décarbonation de l’industrie, un pilier de la transition écologique et énergétique du pays. Lors d’une allocution récente, Roland Lescure, ministre délégué à l’Industrie, a réaffirmé cette ambition, insistant sur la nécessité de poursuivre les efforts pour atteindre les objectifs fixés, même en l’absence d’un budget spécifique supplémentaire pour 2024.
La stratégie repose sur deux principaux leviers : la mise en œuvre de projets concrets et l’activation de mécanismes de financement européens et privés. Parmi les initiatives phares figure le projet d’accélérer la transition énergétique dans les industries les plus émettrices, telles que la sidérurgie, le ciment ou encore la chimie. Ces secteurs représentent une part significative des émissions de gaz à effet de serre de la France et constituent donc un enjeu prioritaire.
Roland Lescure a également souligné que les aides d’État et les subventions européennes, notamment dans le cadre du Plan d’investissements France 2030 et des fonds européens comme le Fonds Innovation, pourraient être mobilisées pour pallier l’absence de nouveaux crédits nationaux. En complément, l’État souhaite stimuler les investissements privés en offrant un cadre fiscal incitatif et en renforçant le dialogue avec les industriels.
L’ambition est claire : atteindre une neutralité carbone pour l’industrie d’ici 2050. Pour ce faire, des technologies innovantes, telles que le captage et le stockage de CO₂, ou encore l’électrification des procédés industriels, doivent être adoptées à grande échelle. Cependant, ces transformations représentent des défis majeurs en termes de financement, d’innovation technologique et de formation des compétences.
Les syndicats et les acteurs de l’industrie restent toutefois sceptiques quant à la faisabilité de ces objectifs sans un soutien financier accru de l’État. Certains dénoncent une « contradiction » entre les ambitions affichées et les moyens alloués. D’autres appellent à une meilleure articulation entre les initiatives locales, nationales et européennes pour maximiser leur impact.
En dépit des critiques, le gouvernement mise sur une dynamique collaborative et sur la résilience des acteurs économiques pour faire avancer cette transition. Selon Roland Lescure, il s’agit d’un effort collectif où « chacun doit jouer son rôle » pour conjuguer compétitivité industrielle et sobriété environnementale.
Dans un contexte économique tendu, ce positionnement démontre la volonté de la France de ne pas dévier de sa trajectoire écologique. Reste à voir si cette ambition pourra se traduire en actions concrètes et en résultats mesurables à court et moyen terme.
– Helder FARIA RUBIO
Responsable Vente Indirecte et Partenariats chez Capitole Energie
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