Nos experts vous présentent leur analyse complète de toute l’actualité sur les marchés de l’énergie à la date de clôture du 17 janvier 2025.
Marché de l'électricité
L’Europe électrique : entre décarbonation et résilience
Alors que les tensions géopolitiques exacerbées par la guerre entre la Russie et l’Ukraine ont mis à l’épreuve les approvisionnements énergétiques, le secteur électrique s’adapte pour réduire sa dépendance aux sources fossiles, notamment le gaz. L’interconnexion des réseaux et le développement des énergies renouvelables s’imposent comme des priorités, malgré des défis structurels et économiques. La production solaire et éolienne progresse, mais l’intermittence de ces énergies nécessite des investissements massifs dans les technologies de stockage et les infrastructures de réseau.
Par ailleurs, les prix de l’électricité, largement indexés sur ceux du gaz en Europe, restent volatils, alimentant un débat sur la réforme du marché électrique. Alors que les tensions sur le marché du gaz semblent s’apaiser, la décarbonation du mix électrique devient un impératif pour sécuriser l’approvisionnement tout en respectant les objectifs climatiques. Si l’Europe aspire à se détacher de sa dépendance énergétique extérieure, sa capacité à innover et à investir massivement sera décisive pour bâtir un avenir énergétique résilient.
À la une
La Baltique sous haute surveillance face aux risques de sabotage
Face à une série de sabotages récents dans la région de la mer Baltique, la Suède et l’OTAN redoublent d’efforts pour protéger les infrastructures critiques. Le gouvernement suédois a mobilisé son armée et ses garde-côtes pour renforcer la surveillance maritime, en collaboration avec l’OTAN, qui vient d’annoncer une initiative majeure pour sécuriser les infrastructures énergétiques et de télécommunications. Cette « garde sentinelle de la Baltique » combine frégates, avions de patrouille et technologies avancées, incluant des drones navals, pour surveiller des installations clés comme le câble Estlink 2 récemment endommagé entre la Finlande et l’Estonie.
Les incidents ciblant des infrastructures sous-marines, comme les gazoducs Nord Stream ou le Balticconnector, soulignent l’émergence du sabotage énergétique comme outil hybride de déstabilisation. Pour Pal Jonson, ministre suédois de la Défense, cette situation impose une vigilance renforcée, les attaques intentionnelles devenant une menace croissante.
Ces défis révèlent aussi une vulnérabilité longtemps sous-estimée par de nombreux pays baltes, selon Paula Kivimaa, experte en sécurité énergétique. Si les mesures actuelles visent à dissuader de futures attaques, elles risquent d’alourdir les coûts pour les consommateurs, prévient-elle. Dans ce contexte, la coordination internationale s’avère cruciale. L’arraisonnement en Finlande d’un navire suspect témoigne de la détermination des autorités à sanctionner fermement les actes malveillants, un signal fort envoyé à ceux qui menacent la stabilité énergétique et économique de la région.
Les tendances électricité de la semaine par notre expert
Le nucléaire entre promesses et dérapages
En France, l’EPR de Flamanville continue d’incarner un feuilleton industriel hors de contrôle. Avec un coût final révisé à 23,7 milliards d’euros – soit 1,1 milliard de plus que prévu en novembre dernier – le projet accumule 12 ans de retard, des dépassements budgétaires vertigineux et un rendement incertain. Malgré sa connexion au réseau, ce fleuron technologique n’entrera en service commercial qu’en 2026.
À l’international, le Royaume-Uni s’illustre par une stratégie d’innovation audacieuse. Londres investit 410 millions de livres sterling dans la fusion nucléaire, cette technologie prometteuse mais non encore maîtrisée. Avec un prototype prévu en 2040, le gouvernement mise sur une énergie propre, illimitée et neutre en carbone, tout en consolidant sa position de leader dans cette course technologique.
Enfin, dans le nord de l’Europe, la Finlande dénonce les ajustements unilatéraux du gestionnaire norvégien Statnett dans le système de couplage de marché électrique. Ces décisions, prises sans concertation ni préavis suffisant, fragilisent la sécurité d’approvisionnement et soulignent l’importance d’une coordination accrue pour garantir la stabilité des marchés énergétiques européens.
– Helder FARIA RUBIO,
Responsable Vente Indirecte et Partenariats chez Capitole Energie
Marché du gaz
Gaz en Europe : le GNL à la croisée des chemins
Le gaz occupe une place centrale dans la réorganisation énergétique européenne depuis la guerre russo-ukrainienne. L’Europe a rapidement accru sa capacité de regazéification pour diversifier ses approvisionnements en GNL, compensant la chute des importations via les gazoducs russes. Toutefois, cette expansion dépasse aujourd’hui les volumes de GNL effectivement importés, signe d’une demande affaiblie et de l’attractivité persistante du gaz par gazoduc, notamment depuis la Norvège et l’Algérie. Le marché du GNL est soumis à une pression économique : son prix demeure souvent moins compétitif que celui des alternatives, et les taux d’utilisation des infrastructures de regazéification ont oscillé entre 31 % et 55 % en 2024.
Avec des importations potentielles de GNL en hausse et une dépendance prévue à hauteur de 40 % de l’approvisionnement total en gaz, l’Europe semble inexorablement liée à ce marché mondial. Le défi réside désormais dans l’équilibre entre sécurité énergétique et compétitivité économique.
À la une
Ukraine-Russie : la propagande qui fait flamber les prix du gaz
La récente accusation selon laquelle l’Ukraine aurait attaqué la station de compression de Russkaya, essentielle au fonctionnement du gazoduc TurkStream, a suscité une onde de choc sur les marchés gaziers européens.
En effet, la nouvelle a propulsé le prix du gaz, en particulier le contrat TTF de référence en Europe, à 47,14 EUR/MWh, soit une hausse de 2,13 EUR. Toutefois, le ministère ukrainien de la Défense a rapidement rejeté ces allégations, qualifiant les rapports russes de « propagande » et précisant qu’il ne commenterait pas les informations diffusées par les médias russes.
Les autorités russes, de leur côté, ont affirmé que l’Ukraine avait lancé une attaque à l’aide de neuf drones contre la station de compression de Russkaya, située dans la région de Krasnodar. Toutefois, selon le ministère russe de la Défense, les drones ont été abattus, et l’infrastructure gazétière a continué de fonctionner normalement, sans perturbation majeure.
Ce gazoduc, TurkStream, est actuellement la seule voie opérationnelle pour l’exportation de gaz russe vers l’Europe, après la suspension des flux via l’Ukraine en début d’année. Malgré les tensions et les affirmations contradictoires, les flux de gaz ont continué, confirmés par l’Entsog, avec environ 40 millions de mètres cubes expédiés chaque jour.
Les tendances gaz de la semaine par notre expert
Risques croissants pour l’Europe
Les récentes sanctions américaines visant deux petites installations de GNL russes, Portovaya LNG et Vysotsk LNG, ont soulevé des préoccupations sur l’approvisionnement en gaz en Europe, bien que l’impact immédiat reste limité. Ces deux installations, responsables de 3,1 milliards de mètres cubes de GNL exportés en 2024, représentent une part modeste des livraisons vers l’Europe et la Turquie. Cependant, ces sanctions marquent un tournant, en ciblant désormais des projets de GNL actifs. Si cette stratégie ne perturbe pas encore de manière significative les marchés européens, elle pourrait resserrer l’offre mondiale si d’autres installations étaient visées.
La Russie continue de profiter des exportations de GNL, avec des recettes record en 2024, malgré l’absence de sanctions européennes directes sur les importations de gaz naturel. Dans ce contexte, les acteurs se tournent désormais vers les actions du président élu Donald Trump, dont les décisions pourraient influencer l’approvisionnement en GNL russe, notamment en le rendant encore plus contraignant pour forcer l’Europe à acheter davantage de GNL américain.
Parallèlement, le marché mondial de GNL pourrait connaître une pénurie dès 2025, avec une demande européenne en forte hausse, notamment en raison de la réduction des flux russes. Cette situation devrait entraîner une hausse des prix, tout en augmentant la concurrence sur le marché mondial.
– Helder FARIA RUBIO
Responsable Vente Indirecte et Partenariats chez Capitole Energie
Zoom sur l'énergie verte
Énergies renouvelables : Entre crise financière, cybersécurité et lenteur des projets
Le secteur des énergies renouvelables en Europe traverse une période de turbulences marquée par plusieurs défis qui risquent d’affecter sa dynamique de croissance. L’une des premières préoccupations concerne Better Energy, un développeur solaire danois qui fait face à des difficultés financières sérieuses. La société, qui a récemment demandé la protection contre la faillite, traverse une crise en raison de la baisse des bénéfices, alimentée par une saturation du marché solaire au Danemark. Cette situation a des répercussions sur le marché des contrats d’achat d’électricité (PPA), instaurant un climat d’incertitude. Selon Mikkel Kring, partenaire chez Our New Energy, la faillite potentielle de Better Energy pourrait dissuader d’autres acteurs d’entrer sur le marché, notamment en raison de l’augmentation des risques de contrepartie. Cela pourrait aussi inciter les institutions financières à durcir leurs exigences, freinant ainsi la dynamique du marché.
Par ailleurs, les infrastructures énergétiques en Europe sont confrontées à un autre type de menace : les cyberattaques. Une faille de sécurité détectée dans des dispositifs de gestion de production d’énergies renouvelables, notamment des éoliennes et des parcs solaires, expose jusqu’à 40 GW de capacités à des risques. Cette vulnérabilité pourrait déstabiliser le réseau électrique européen, en particulier en Allemagne, où les attaques pourraient provoquer de graves perturbations. Les autorités allemandes, conscientes du risque, estiment cependant que les obstacles à une attaque à grande échelle restent élevés.
Dans ce contexte, l’Allemagne poursuit ses efforts pour accélérer la transition énergétique. En 2024, le pays a enregistré une augmentation significative des approbations de projets éoliens terrestres, avec un objectif ambitieux de 115 GW d’ici 2030. Cependant, la lenteur des autorisations et la réticence locale, notamment dans le sud du pays, restent des freins importants à la concrétisation des projets.
En France, les ambitions en matière de biométhane ont également pris un coup, avec des enchères infructueuses pour des contrats de biométhane. Bien que le gouvernement continue de soutenir la production de biogaz, les résultats de ces enchères ont été bien en deçà des attentes. Toutefois, la France reste déterminée à atteindre son objectif de 49 TWh de biométhane d’ici 2030.En dépit de ces difficultés, l’Union européenne continue de progresser dans le domaine de l’éolien. Bien que la capacité éolienne installée en 2024 ait été inférieure aux prévisions, l’UE demeure sur une trajectoire de croissance à long terme, avec l’objectif d’atteindre 350 GW d’ici 2030. Toutefois, la lenteur des procédures d’autorisation et des connexions au réseau demeurent des obstacles majeurs à la réalisation de ces objectifs.
– Helder FARIA RUBIO
Responsable Vente Indirecte et Partenariats chez Capitole Energie
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