Nos experts vous présentent leur analyse complète de toute l’actualité sur les marchés de l’énergie à la date de clôture du 24 janvier 2025.
Marché de l'électricité
L’Europe sous pression entre fossiles et transition verte
Le marché de l’électricité illustre à quel point les dynamiques énergétiques restent étroitement liées aux bouleversements géopolitiques et aux conditions météorologiques. Tandis que les prix du carbone flambent, atteignant des niveaux records de 82 €/t pour les quotas européens (EUA), les facteurs techniques et spéculatifs alimentent cette tendance.
Cependant, l’arrivée de prévisions météorologiques plus clémentes pourrait limiter la poursuite de cette hausse, tout en apaisant les tensions sur la demande en électricité pour le chauffage. Par ailleurs, les fluctuations des prix du gaz, couplées à une faible production éolienne en Europe centrale, continuent de maintenir une pression haussière sur la demande d’électricité issue de sources fossiles
À la une
France : le rebond électrique d'une puissance énergétique
La France signe un retour en force sur le front de la production électrique, atteignant en 2024 un sommet inédit depuis cinq ans avec 536,5 TWh générés.
Ce regain s’explique par une reprise significative de la production nucléaire et hydroélectrique, ainsi qu’une dynamique toujours positive des énergies renouvelables. La production atomique, pilier historique du mix énergétique français, a bondi à 361,7 TWh, en hausse notable par rapport aux 320,4 TWh de 2023 et au creux historique de 279 TWh en 2022. L’hydroélectrique, quant à lui, affiche une production de 74,7 TWh, un niveau inédit depuis 2013, tandis que le solaire et l’éolien, bien qu’en léger retrait par rapport à 2023, confirment leur ancrage dans le paysage énergétique avec 70 TWh.
L’essor de ces filières a permis de réduire drastiquement la part des combustibles fossiles, tombée à un creux historique de 19,9 TWh, une première depuis les années 1950. Cette baisse s’accompagne d’un recul des centrales au gaz, charbon et fioul, illustrant une transition énergétique en pleine accélération. Toutefois, cette évolution ne gomme pas une dépendance persistante à l’égard des énergies fossiles importées, qui représentent encore 60 % du mix français.
Dans un contexte de demande domestique stable, ces performances ont propulsé les exportations électriques françaises à un record de 22 ans. Ces résultats, salués par les experts, démontrent que nucléaire et renouvelables peuvent coexister harmonieusement pour bâtir un modèle énergétique plus sobre et résilient, tout en renforçant le rôle de la France comme acteur majeur du marché européen de l’électricité.
Les tendances électricité de la semaine par notre expert
Chocs énergétiques en Europe
Au Royaume-Uni, les prix horaires pour mercredi dernier ont atteint un sommet inédit depuis décembre 2022, culminant à 979,99 GBP/MWh pour le créneau de 17h à 18h, en raison d’un froid inhabituel et d’une production éolienne quasi inexistante. Cette situation illustre la fragilité d’un système énergétique qui repose de plus en plus sur les renouvelables mais reste vulnérable aux aléas climatiques. Avec une capacité éolienne installée de 30 GW, le Royaume-Uni n’a pu générer qu’un maigre 1 GW mercredi, accentuant la pression sur les autres sources d’énergie.
En France, la dynamique est similaire. Les prix de l’électricité ont atteint 473,28 euros/MWh, soit un pic en deux ans, avant une accalmie attendue grâce à l’augmentation progressive de la production éolienne, qui pourrait passer de 2 GW à 13 GW d’ici vendredi. Ce répit révèle toutefois un besoin urgent de flexibilité dans un réseau où le nucléaire, bien que dominant, ne suffit pas à compenser le manque de vent.
Ces tensions s’inscrivent dans un cadre européen de plus en plus interconnecté. La France, au cœur des flux transfrontaliers, appelle ses voisins à cofinancer l’infrastructure nécessaire au transit de l’électricité renouvelable, notamment depuis l’Espagne. Sophie Mourlon, du ministère de l’Économie, insiste sur la nécessité d’une coordination accrue des États membres pour partager équitablement les coûts de cette transition énergétique.
– Helder FARIA RUBIO,
Responsable Vente Indirecte et Partenariats chez Capitole Energie
Marché du gaz
La fragilité des stocks européens au cœur de la tourmente
Le marché européen du gaz reste marqué par une volatilité exacerbée, entre tensions géopolitiques et défis logistiques. Les interruptions de flux norvégiens, en raison de pannes techniques sur le champ gazier de Troll, exacerbent une situation déjà fragilisée par des stocks limités à 57,6 % de leur capacité, un niveau préoccupant comparé aux 77,8 % de l’an passé. Ces déficits, combinés à une demande hivernale encore soutenue, font flamber les prix.
Parallèlement, la perspective de sanctions contre le GNL russe et les perturbations des exportations américaines accentuent les incertitudes sur les approvisionnements à court terme. Dans ce contexte, la transition énergétique de l’Europe est mise à l’épreuve. L’impératif de réduire sa dépendance aux énergies fossiles russes tout en garantissant une sécurité d’approvisionnement se heurte aux contraintes du marché.
À la une
L'Europe face à une tension énergétique persistante
L’Europe se prépare à une nouvelle dynamique sur le marché du gaz naturel liquéfié (GNL) en 2025, marquée par une hausse attendue de 16 % des importations, soit 21 milliards de mètres cubes supplémentaires, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE).
Cette augmentation vise à compenser l’arrêt prolongé des exportations russes via l’Ukraine, un bouleversement qui, malgré tout, ne devrait pas engendrer de rupture immédiate d’approvisionnement grâce aux capacités de stockage robustes et à l’accès des États membres au marché mondial du GNL.
Cependant, la fin de l’hiver pourrait fragiliser cet équilibre, rendant la situation plus tendue pour la seconde moitié de l’année. Sur le front mondial, la production de GNL devrait progresser de 5 %, soutenue par de nouveaux projets nord-américains, comme Plaquemines LNG. Mais cette augmentation reste insuffisante face à la réduction des livraisons russes et aux besoins accrus en réapprovisionnement des stocks européens.
Cette tension, exacerbée par une concurrence renouvelée avec l’Asie, où les importations devraient croître de 2,5 %, pourrait maintenir les fondamentaux du marché sous pression, notamment au premier semestre.
Après une baisse notable de 18 % des importations européennes en 2024, liée à une demande affaiblie et à des conditions favorables sur les prix, 2025 s’annonce comme une année de fragilité persistante. Keisuke Sadamori, directeur des marchés de l’énergie de l’AIE, met en garde contre l’impact combiné de l’incertitude géopolitique et d’une offre limitée, laissant présager un marché globalement tendu et imprévisible.
Les tendances gaz de la semaine par notre expert
L’UE entre sanctions russes et pression américaine
La perspective d’un seizième paquet de sanctions européennes visant les importations de GNL russe marque une étape décisive dans la stratégie énergétique de l’UE. Alors que le bloc vise l’élimination totale du gaz russe d’ici 2027 dans le cadre de son plan RePowerEU, les analystes mettent en garde contre les défis d’approvisionnement. Anne-Sophie Corbeau, experte au Center on Global Energy Policy, souligne que les retards dans des projets majeurs de GNL combinés à des tensions persistantes sur les marchés, pourraient limiter les alternatives à court terme.
À cela s’ajoute une nouvelle inconnue politique : la présidence de Donald Trump. Le président américain fraîchement élu, fidèle à son slogan « Drill, baby, drill », a déclaré l’état d’urgence énergétique et accélère la production de GNL pour réduire le déficit commercial avec l’Europe. Si cette offensive peut offrir à l’UE une alternative au gaz russe, elle renforce aussi sa dépendance à une politique américaine volatile.
Par ailleurs, les menaces tarifaires de Trump, notamment contre l’Espagne, poussent Madrid à envisager une diversification vers le GNL qatari ou africain, même si l’Europe pourrait, par nécessité, se résoudre à payer davantage pour le GNL américain.Face à ces enjeux, la stratégie énergétique européenne semble suspendue entre ambitions climatiques, réalités géopolitiques et dépendances stratégiques.
– Helder FARIA RUBIO
Responsable Vente Indirecte et Partenariats chez Capitole Energie
Zoom sur l'énergie verte
Transition énergétique : entre rétractation américaine et tensions européennes
Le retrait des États-Unis de l’accord de Paris sur le climat marque une rupture significative avec l’engagement multilatéral pour lutter contre le réchauffement climatique. Dans un décret signé dès son arrivée au pouvoir, Trump a justifié cette décision en soulignant que l’accord ne correspondait pas aux valeurs américaines, affirmant que les États-Unis devraient être libres de promouvoir leurs objectifs économiques et environnementaux sans être contraints par des obligations internationales. Selon lui, les financements américains pour des pays qui n’en ont pas besoin étaient injustifiés. Parallèlement, il a déclaré une « urgence énergétique », visant à accroître la production de combustibles fossiles et à renforcer la position des États-Unis sur le marché mondial de l’énergie. Ce désengagement a provoqué des réactions critiques, notamment de Laurence Tubiana, architecte de l’accord de Paris, qui estime que l’Europe et ses alliés doivent désormais prendre les devants.
Ce retrait intervient dans un contexte européen marqué par des progrès notables dans la transition énergétique. En 2024, la part des énergies renouvelables dans la production d’électricité de l’Union Européenne a atteint un record de 50,4 %, tandis que celle des combustibles fossiles a chuté à 24,9 %. Toutefois, la demande d’électricité en Europe a continué de baisser, conséquence des prix élevés de l’énergie liés à la guerre en Ukraine. Cette réduction de la consommation pèse sur les industriels, notamment allemands, déjà fragilisés par des coûts énergétiques élevés.
En Norvège, un autre défi politique se profile, avec un désaccord sur l’implémentation du paquet énergie propre de l’UE. Le Parti du Centre menace de quitter le gouvernement si ce dernier persiste dans l’application de ces mesures, soulignant la tension géopolitique croissante entre Oslo et Bruxelles. Ce climat d’incertitude se reflète également dans le marché des contrats d’achat d’énergie (PPA), où les entreprises montrent moins d’enthousiasme face à la volatilité des prix et à l’augmentation des coûts liés aux nouvelles infrastructures énergétiques.
En France, l’ambition de transition énergétique est mise à l’épreuve. Les objectifs de développement de l’énergie solaire, notamment, sont de plus en plus critiqués dans un contexte où la demande d’électricité reste faible. En 2024, la consommation a légèrement progressé de 0,4 %, bien en deçà des objectifs nécessaires pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Face à cette réalité, le gouvernement envisage de lier les objectifs de production solaire à la demande électrique, une approche qui, selon certains experts, pourrait nuire à la transition énergétique. Le secteur photovoltaïque est d’ailleurs sous pression, avec des discussions sur une réduction des subventions aux petites installations solaires, une décision qui pourrait freiner l’élan de la transition verte en France.
– Helder FARIA RUBIO
Responsable Vente Indirecte et Partenariats chez Capitole Energie
Avis