Nos experts vous présentent leur analyse complète de toute l’actualité sur les marchés de l’énergie à la date de clôture du 18 juillet 2025.
Marché de l'électricité
EDF rassure, la CGT menace, Bruxelles rêve

EDF a annoncé le redémarrage anticipé du réacteur Civaux 2 dès le 22 juillet, bonne nouvelle après des mois d’arrêt dus à des microfissures. Pourtant, la rentrée s’annonce agitée : la FNME-CGT appelle à une grève reconductible à partir du 2 septembre pour exiger des hausses salariales de 9 % et protester contre l’augmentation de la TVA sur l’électricité et le gaz prévue le 1er août. Un mouvement qui, s’il devait toucher la production nucléaire, troublerait la couverture des besoins de septembre.
Sur le front européen, la Commission poursuit ses ambitions de flexibilité tous azimuts avec un projet de règlement visant à intégrer la réponse à la demande dans les marchés électriques. Enfin, Bruxelles rêve d’un opérateur unique de couplage des marchés day-ahead/intraday d’ici 2031, malgré l’opposition des bourses qui craignent un risque systémique. L’électricité européenne avance, mais sur un fil social et réglementaire.
À la une
EDF sécurise l’industrie française
EDF a signé un protocole d’accord avec Kem One, groupe chimique français, pour alimenter ses sept sites industriels en électricité pendant dix ans dès janvier prochain. L’accord définitif, prévu d’ici fin septembre, intégrera un partage équilibré des risques et des bénéfices. Pour
Pablo Barbieri, DG de Kem One, ce contrat offre une « visibilité à long terme sur [ses] coûts d’électricité », un levier stratégique pour la pérennité des activités industrielles dans un contexte de volatilité des prix.
Objectif gouvernemental : 30 TWh d’ici 2025
Le Premier ministre François Bayrou a annoncé que 30 TWh de contrats de fourniture d’électricité à long terme seront signés d’ici fin 2025. Ces accords, principalement des CAPN (contrats d’allocation de production nucléaire) comprenant une avance et un partage de risques, remplaceront l’Arenh qui s’achève fin 2025. Ce volume reste modeste (moins de 10 % de la production nucléaire annuelle), mais marque un cap pour renforcer la compétitivité industrielle.
Nucléaire et hydraulique : cap sur la souveraineté
L’ASNR a donné son feu vert début juillet pour prolonger jusqu’à 50 ans l’exploitation des 20 réacteurs de 1,3 GW d’EDF, après l’autorisation similaire délivrée en 2021 pour les réacteurs de 900 MW. Le gouvernement confirme son objectif d’allonger la durée de vie à 50 voire 60 ans et prévoit de relancer l’investissement hydraulique d’ici fin 2025. La France consolide ainsi sa stratégie d’une énergie « bon marché, abondante, souveraine et décarbonée ».
Les tendances électricité de la semaine par notre expert
Énergie : l’Europe affine ses connexions et sa vigilance
Depuis son départ de l’UE fin 2020, le Royaume-Uni opérait hors des structures européennes de gestion électrique. Un nouvel accord vient changer la donne : Entso-E (organisme des gestionnaires de réseaux européens) et Neso (opérateur britannique) ont créé une plateforme dédiée à la coopération. Objectif : optimiser l’utilisation des interconnexions trans-Manche, renforcer la sécurité des réseaux et planifier les futurs hubs offshore, notamment en mer du Nord. Un rapprochement stratégique qui concrétise la volonté politique, exprimée en mai dernier, de réintégrer le marché intérieur de l’électricité.2. Italie : prévenir avant de punir
En Italie, l’autorité de régulation Arera appelle à repenser la surveillance du marché électrique. Après une enquête révélant des suspicions de rétention de capacité par certains producteurs en 2023-2024, son président plaide pour des mécanismes proactifs, garantissant liquidité et concurrence, plutôt que des sanctions “ex-post”, lourdes et tardives. Face aux critiques de l’industrie, Arera défend la robustesse de ses méthodes, tout en prévenant : “Dans des systèmes complexes, les conclusions rapides sont souvent fausses.”3. Grèce : PPC muscle son trading
Enfin, en Grèce, PPC (Public Power Corporation) crée une branche dédiée au trading et à la couverture sur l’électricité, le gaz, les quotas carbone et les garanties d’origine, consolidant ainsi ses activités en Europe du Sud-Est. Présente en Grèce, Roumanie et Macédoine du Nord, PPC prévoit d’étendre ses opérations à l’Italie et la Bulgarie.
– Helder FARIA RUBIO,
Responsable Vente Indirecte et Partenariats chez Capitole Energie
Marché du gaz
Un calme norvégien qui cache la tempête

Le marché gazier européen a respiré grâce au retour des flux norvégiens après la fin des pannes à Nyhamna et Kollsnes, ramenant le TTF sous les 34 €/MWh, son plus bas de 10 jours. Mais cette accalmie n’est qu’un trompe-l’œil : les stocks européens n’affichent que 63,9 % de remplissage, loin des 81,6 % atteints l’an dernier.
Derrière la météo clémente et la faible demande asiatique, la fragilité structurelle reste intacte. L’arrêt imprévu d’Ormen Lange a rappelé cette vulnérabilité : un simple incident, et 60 millions de m³/jour disparaissent des flux.
Dans ce contexte, l’adoption par l’UE de règles assouplissant l’objectif de remplissage à 90 % d’ici décembre ressemble davantage à un aveu de faiblesse qu’à une stratégie volontariste. Avec une demande asiatique susceptible de rebondir en cas de canicule et un climat géopolitique incertain, l’été reste une fenêtre cruciale pour sécuriser les approvisionnements avant un automne potentiellement houleux.
À la une
L’Europe ferme définitivement le robinet Nord Stream
Vendredi, l’Union européenne a adopté son 18ᵉ paquet de sanctions contre la Russie, marquant une étape historique : l’interdiction de toute transaction, directe ou indirecte, liée aux gazoducs Nord Stream 1 et 2.
Après des mois de blocage, la Slovaquie a finalement levé son veto, permettant un consensus.
Retour sur Nord Stream
Avant la guerre en Ukraine, 40 % du gaz européen provenait de Russie, transitant en grande partie par Nord Stream 1. Nord Stream 2, bien que finalisé, n’a jamais été mis en service.
Rappelons qu’en septembre 2022, des explosions mystérieuses ont endommagé trois des quatre conduites, les rendant inopérantes à ce jour, sans revendication officielle de sabotage.
Vers un sevrage énergétique complet
Outre Nord Stream, l’UE a abaissé le plafond du prix du pétrole russe, le faisant passer de 60 USD à 47,6 USD le baril, afin d’assécher encore davantage les revenus énergétiques de Moscou.
La Slovaquie, dépendante du gaz russe, avait exprimé de vives inquiétudes, mais la Commission européenne promet un dialogue constant pour accompagner sa transition énergétique.
Une décision avant tout politique
Ce nouveau train de sanctions confirme la volonté européenne de rompre durablement avec l’énergie russe, en misant sur la diversification et la souveraineté énergétique, un choix qui reconfigure la géopolitique continentale pour les années à venir.
Les tendances gaz de la semaine par notre expert
Gaz européen : l’hiver sera-t-il tranquille ?
Le Conseil de l’UE a adopté vendredi de nouvelles règles plus flexibles obligeant les États membres à remplir leurs stocks de gaz à 90% entre le 1er octobre et le 1er décembre. Les pays pourront aussi dévier de la cible jusqu’à 15 points selon la situation du marché ou des contraintes techniques.
L’Espagne continue d’attirer les cargaisons de GNL malgré un prix devenu inférieur au benchmark TTF. Avant la guerre en Ukraine, l’Espagne payait un premium pour concurrencer le gaz russe ; depuis, elle bénéficie d’un discount grâce à ses infrastructures amorties et ses stockages élevés (75% contre une moyenne UE à 63%).
Deux incidents non planifiés à Kollsnes et Nyhamna ont réduit jeudi les flux de gaz norvégiens de plus de 100 mcm/j. Ces deux usines, vitales pour l’Europe et le Royaume-Uni, devraient reprendre leur pleine capacité vendredi matin.4. Ukraine : un hiver sous tension
Enfin, l’Ukraine risque d’entrer en hiver avec un niveau de stockage “critique”. Malgré un remplissage en hausse à 13%, elle reste loin des 20% de l’an passé. Même en injectant à plein régime, elle atteindrait seulement 29% d’ici novembre.
– Helder FARIA RUBIO
Responsable Vente Indirecte et Partenariats chez Capitole Energie
Zoom sur l'énergie verte
Bruxelles muscle son jeu vert, l’Europe face à ses paradoxes
Bruxelles lance son Fonds pour la compétitivité verte
La Commission européenne a dévoilé son projet phare : un Fonds européen pour la compétitivité doté de 67,4 milliards d’euros sur la période 2028-2034, dédié à la transition énergétique et à la décarbonation industrielle. Objectif : financer rapidement des projets stratégiques, grands ou petits, renforçant l’autonomie du continent. Dans ce cadre, la Banque européenne de la décarbonation industrielle verrait le jour, sous la gouvernance du fonds, et pourrait lever jusqu’à 100 milliards d’euros pour soutenir technologies bas-carbone et énergies renouvelables. Parallèlement, Bruxelles veut quintupler le budget des infrastructures énergétiques transfrontalières à 29,5 milliards d’euros. Reste à obtenir l’accord des 27, souvent long et semé d’embûches budgétaires.
PPAs en berne : la fin du “green at any cost” ?
Les Power Purchase Agreements (PPAs) européens ont chuté de 26% au premier semestre 2025, à 6,08 GW. Pexapark souligne un recul marqué des PPAs corporates (-40%) et un repli notable du marché solaire allemand (-84% à 228 MW). À l’inverse, l’Espagne, plus résiliente, a vu ses PPAs solaires grimper de 51% à 462 MW.Le rapport note que l’ère du “vert à tout prix” s’estompe au profit d’une approche plus pragmatique et axée sur la gestion du risque, où utilities et batteries retrouvent leur attrait.
Allemagne : les renouvelables reculent malgré le boom solaire
En Allemagne, la part des renouvelables dans la consommation électrique est tombée à 54% au premier semestre, contre 59% l’an passé, principalement à cause de la faiblesse des vents. La production solaire, elle, a bondi de 23%, atteignant un record mensuel en juin (12 TWh).Face à l’essor des énergies intermittentes, le BDEW plaide pour des investissements dans la flexibilité et l’hydrogène vert, afin d’éviter un déséquilibre systémique.
Finlande : trop de renouvelables, pas assez de consommation
Enfin, la Finlande, forte de son mix bas-carbone (nucléaire, hydro, éolien, biomasse), voit ses excédents de production provoquer une volatilité extrême des prix. Si son dernier réacteur nucléaire (Olkiluoto 3) renforce l’autonomie énergétique, la demande peine à suivre. Résultat : le pays attire désormais les investisseurs en batteries pour absorber ces chocs.
– Helder FARIA RUBIO
Responsable Vente Indirecte et Partenariats chez Capitole Energie
Avis