Comme chaque semaine, découvrez l’analyse de nos experts sur l’actualité du marché de l’énergie (électricité, gaz, pétrole, charbon…) pour une clôture des prix au 3 mars 2023.
Marché de l’électricité
Les prix de l’électricité diminuent
Cette semaine, la courbe de long terme sur les marchés de gros de l’électricité en France a poursuivi sa tendance baissière. Malgré un niveau de demande élevé cette semaine à cause du froid, la tension sur le réseau semble avoir été limitée.
Les prix sont passés sous le support de 170 €/MWh qui semblait se dessiner. En effet, les prix du contrat CAL 24 Baseload ont diminué de -18,83 €/MWh en une semaine. Autrement dit, on observe une forte baisse significative de -10,79 % avec un prix de clôture de 155,67 €/MWh €/MWh ce vendredi 3 mars. L’amélioration du système énergétique français à long terme s’illustre également par les fortes baisses enregistrées sur les produits plus lointains avec des variations de -7,82 % sur le CAL 25 Baseload et de -8,10 % sur le CAL 26 Baseload.
Les températures baissent
À très court terme, le marché a été impacté par la hausse de la consommation provoquée notamment par des températures moyennes inférieures d’environ 3°C aux normales. D’après les données communiquées par RTE, la demande a été en moyenne supérieure de 10 GW à celle de la semaine précédente (atteignant ainsi les 70-75 GW). Conséquence de cet épisode de froid : les prix spot de l’électricité ont suivi une tendance haussière en accusant une variation de +3,34 % cette semaine.
La production nucléaire reste toujours inférieure aux prévisions
Dans le même temps, on apprend que la capacité nucléaire se retrouve une nouvelle fois inférieure de 1,7 GW aux prévisions d’EDF. La disponibilité nucléaire a baissé de 1,5 GW en une semaine pour atteindre 43 GW ce mercredi 22 février. On note 15 réacteurs à l’arrêt cette semaine, soit 29,1 % du parc national. EDF prévoit une disponibilité à la baisse la semaine prochaine (42,6 GW). Cela apparaît comme un facteur haussier du prix de l’électricité.
Avec la vague de froid et des niveaux de production nucléaire et hydraulique faibles, la France a été importatrice nette d’électricité cette semaine. Cependant à plus long terme, l’hiver 2023-2024 devrait être moins risqué que celui de 2022-2023 selon RTE. En effet, le gestionnaire du réseau de transport d’électricité estime que le plus gros de la crise énergétique pourrait avoir été surmonté. La consommation ne devrait pas retrouver son niveau d’avant-crise et la production nucléaire devrait être plus élevée qu’en 2022 permettant de soulager la tension. Enfin, RTE anticipe une augmentation conséquente de la production renouvelable après une année 2022 record en termes de nouvelles capacités installées (+ 5 GW).
Production nucléaire toujours inférieure aux prévisions
En parallèle, on note une nouvelle fois une capacité nucléaire inférieure de 2,9 GW aux prévisions d’EDF. La disponibilité nucléaire a baissé de 2,7 GW en une semaine pour atteindre 39,6 GW ce mercredi 1er mars. De nouveaux réacteurs ont été arrêtés cette semaine portant à 18 le nombre de réacteurs concernés. L’arrêt de 3 réacteurs supplémentaires signifie que 34,9 % du parc national est improductif à date. EDF prévoit néanmoins de redémarrer 5 réacteurs ce mois-ci ce qui devrait permettre d’avoir une disponibilité moyenne supérieure à 41 GW sur le mois de mars.
Le nucléaire : espoir européen pour l’indépendance énergétique
La filière du nucléaire semble être au centre de la politique énergétique européenne pour les prochaines années. 11 Etats de l’UE ont signé une « alliance » ce mardi 28 février afin de favoriser la coopération et de répondre aux enjeux de décarbonation. L’objectif est d’envoyer un « signal politique » fort auprès de la Commission européenne pour une meilleure prise en compte du nucléaire dans les prochaines évolutions réglementaires. En France, un retournement de trajectoire a été effectué : le gouvernement a supprimé les limites de production sur le nucléaire. Effectivement, l’objectif de réduire la part du nucléaire à hauteur de 50 % dans le mix-électrique français était désormais caduque face à la volonté de construire de nouveaux réacteurs.
En France, il faut trouver un successeur à l’ARENH
Dans le même temps, l’Association française indépendante de l’électricité et du gaz (Afieg) a prévenu qu’un mécanisme de succession à l’ARENH doit absolument être trouvé avant la fin de l’année. En effet, les fournisseurs ont aujourd’hui du mal à proposer des offres à prix fixe à partir de 2026. Fortement critiqué, l’ARENH pourrait laisser place à des mécanismes de CFD ou de PPA sur l’électricité nucléaire. La France souhaite se baser sur la réforme du marché électrique européen qui est en cours de discussion.
Le marché continue de baisser à long terme traduisant l’amélioration des fondamentaux : une hausse des capacités de production d’électricité couplée à une baisse de la demande. Il est probable de voir les prix du contrat CAL 24 Baseload passer sous les 150 €/MWh au cours du mois de mars. En effet, RTE semble être confiant quant à l’hiver 2023-2024. Enfin, la filière du nucléaire semble prendre de plus en plus de place dans le cadre des projets énergétiques européens à long terme. Une augmentation des capacités de production nucléaire est sans aucun doute un facteur baissier du prix de l’électricité à long terme. En France, des discussions sont menées pour trouver un successeur à l’ARENH qui doit prendre fin au 31/12/2025. Verra-t-on un ARENH 2.0 ou la mise en place de CFD ou de PPA ? Il est encore trop tôt pour le dire, affaire à suivre…
Tristan BAUDU, Analyste pricing
Marché du gaz
Les prix du gaz retombent à leur niveau d’avant guerre
Comme observé ci-dessus, les différents produits calendaires de la bourse française de gaz se positionnent enfin sous la barre des 50€/MWh. Ce fait marquant est une excellente nouvelle, sachant que nous n’avions pas connu de tels prix depuis presque une année, soit juste après le début du conflit russo-ukrainien. Sachant qu’en temps « normal » les quantités de gaz en Europe s’échangeaient au prix de 15€/MWh, nous ne sommes plus très loin de retrouver un marché du gaz aussi compétitif.
Les contrats pour une livraison en 2024 ont donc clôturé à 48,791 €/MWh le 3 mars 2023, subissant une baisse assez conséquente de – 9,033 €/MWh sur la semaine.
Les pays européens souhaitent s’émanciper toujours plus
Depuis maintenant plusieurs semaines, le marché du gaz se refait une santé. La sobriété énergétique ainsi que l’offre de GNL confortable permettent de stabiliser les prix.
À plus long terme, les différents pays du monde poursuivent leurs efforts en accroissant les investissements dans le secteur énergétique. En effet, avec cette crise, nous nous sommes rendus compte que dépendre d’un seul pays pour l’approvisionnement en gaz n’était pas forcément une bonne idée.
C’est notamment le cas de la Grèce, par exemple, qui après s’être détachée de la Russie, accélère la mise en place de projets énergétiques. De ce fait, cette nation souhaite explorer son potentiel en hydrocarbures avec des études sismiques 2D menées au large de la Crète. Cela aurait pour but d’identifier les réserves potentielles de gaz dans le pays.
Des projets rentables mais contrariés
En Europe et dans le Monde, de nombreux projets sont en cours. Toutefois, ils sont contrariés par plusieurs facteurs.
Les contraintes environnementales
Cette nouvelle ère n’arrive pas forcément au bon moment étant donné que l’Europe est censée respecter un certain nombre de mesures environnementales. Cependant, en majorité, le gaz fossile est produit actuellement au détriment du gaz vert. Cela s’explique par le fait que celui-ci est plus rentable pour l’instant, étant donné que les infrastructures ne sont pas encore adaptées pour produire du gaz vert. Au Mexique, par exemple, le torchage de gaz augmente malgré les promesses de Pemex (entreprise mexicaine exploitant les hydrocarbures) de trouver une méthode d’extraction du gaz moins polluante.
Les contraintes de sécurité
Certaines nations ne peuvent pas exploiter tout le potentiel de gaz dont elles disposent car certains sites ne sont pas forcément sécurisés. C’est notamment le cas du sous traitant italien Saipem, (chargé du développement du projet gazier dans le nord du Mozambique pour le compte de TotalEnergies), qui prévoit une possible reprise des opérations dès juillet malgré les violences terroristes qui ont frappé la région.
À court terme, la tendance est toujours aussi baissière pour l’instant. Les températures agréables ainsi que l’offre de gaz confortent cette idée.
À moyen terme, la situation est toujours floue. L’état du marché dépendra principalement de la situation économique chinoise.
À plus long terme, l’apparition des différents projets gaziers permettrait d’atténuer les tensions sur le marché. Cependant, la majorité de ces projets ne respectent pas les mesures environnementales en vigueur. De ce fait, investir dans le gaz vert au détriment du gaz fossile, pourrait donc entraver l’objectif principal de l’UE. En effet, celui-ci consisterait à stabiliser au plus vite l’équilibre offre/demande de gaz. Cet objectif reste difficilement réalisable, sachant que les contraintes se font de plus en plus nombreuses.
Yanice MEGUENNI, Analyste pricing
Marché du charbon
Le prix du charbon augmente à nouveau
Cette semaine, le prix à terme de la tonne de charbon diminue notablement en Europe. Le produit ICE Coal API2 Cal 2024 clôturait la semaine à 136,05 $/t le vendredi 3 mars, soit 24,96 $/t de moins en une semaine (-15,50 % ) ! À court terme, la même tendance se retrouve, la tonne de charbon pour une livraison en avril 2023 clôturant à 131,75 $/t, soit en baisse de -25,35 $/t sur le vendredi précédent.
La tendance s’est inversée cette semaine après près de deux semaines de hausse continue. Pour le mois de février, les importations européennes ont été moindres qu’en janvier (-7,5%). Les stocks étant confortables (deux fois supérieurs à la même période en 2022), l’import des 6,8 millions de tonne sont à leur niveau le plus bas depuis le début de l’année 2022.
Par ailleurs, la hausse brutale du prix des droits à polluer en Europe rend l’usage du charbon très onéreux. En effet, le prix de la tonne de CO2 est passé au-dessus de la barre des 100 €/t le lundi 27 février (ICE EUA Dec. 23). Bien que les jours qui suivirent le prix s’est orienté à la baisse pour se négocier à 93,47 €/t en fin de semaine, la tonne de CO2 reste très chère, et pourrait continuer de tutoyer les 100 €/t.
Du côté des températures, le mercure reste globalement en-dessous des normales de saison. L’hiver est relativement doux, malgré des chutes de températures ponctuelles ici et là.
Le prix du gaz naturel continue également de chuter et devrait s’échanger à moins de 50 €/MWh. Cette nouvelle tendance gazière devrait relancer l’intérêt pour ce-dernier, et donc réduire la demande de charbon. Moins polluant, les deux produits restent substituables, et l’un est préféré à l’autre quand son prix d’achat devient plus intéressant.
Marché du pétrole
Le marché du pétrole continue d’évoluer dans l’incertitude
Cette semaine, le prix du brut (BRENT, pour une livraison en mai 2023) corrige légèrement à la hausse pour atteindre 85,83 $/barils le vendredi 3 mars, soit +2,67 $/barils de plus en une semaine (+3,21%).
Les cours du brut continuent d’être tiraillés entre signaux de reprise économique chinoise, faible niveau actuel de la demande, notamment aux Etats-Unis, et offre relativement abondante. Cette semaine, les cours sont donc restés volatils, même si une légère tendance haussière semble pouvoir se dessiner.
Le lundi 27 février, le marché débute pourtant la semaine à la baisse. En effet, les craintes concernant la réduction de la production russe avaient à ce stade pris le dessus sur les perspectives de reprise chinoise. Les signaux sont contradictoires : (1) aux Etats-Unis, l’indice PCE sur l’inflation augmente, (2) les réductions de production du Kremlin devraient porter leurs effets ces prochaines semaines/mois, (3) mais l’état des stocks commerciaux américains de brut continue d’être positif une semaine supplémentaire. L’incertitude reste alors le maître mot sur le marché.
À partir du mardi 28 février, dernier jour de cotation du contrat d’avril 2023, les deux indices mondiaux affichaient des gains. Les espoirs de reprise de la demande chinoise commencent à prendre de l’épaisseur. Les exportations chinoises sont tombées à leur plus bas niveau depuis huit ans le mois de février dernier. Ce constat laisse penser que la demande intérieure de carburant pourrait reprendre significativement. En milieu de semaine, la publication de l’indice des directeurs d’achat (PMI) du secteur manufacturier en Chine a permis de pousser les prix à la hausse. L’indice est en hausse en janvier par rapport au mois précédent, mais également aux attentes du marché. C’est un bon signal pour les investisseurs qui voient cette publication d’un bon œil.
Les stocks américains augmentent toujours
Aux Etats-Unis, la publication hebdomadaire de l’AIE sur l’état des stocks américains a montré une nouvelle hausse des réserves commerciales de brut, et ce malgré un record absolu des exportations américaines. Ces stocks ont progressé de 1,2 million de barils durant la semaine achevée le 24 février. Même si cette hausse est moindre que les anticipations (autour de 1,9 million de barils), c’est la 10ème semaine consécutive de hausse. Cette progression moindre a toutefois permis aux cours de se redresser, notamment du fait que ces anticipations aient été notablement plus optimistes que les faits.
Globalement, le marché reste incertain, mais de bon signaux de reprise chinoise pourraient continuer d’orienter les cours à la hausse. SI nous pensons que les gains devraient rester limités, la tendance semble pouvoir s’inverser ces prochaines semaines.
Nos perspectives restent donc optimistes, en tout cas avant l’observation de nouveaux éléments, que ce soit de la part de la Russie, de l’OPEP+, ou encore de la reprise économique chinoise.
Loïc ARILAZA, Analyste Pricing Team Leader
Marché des émissions
Le prix des émissions baisse pour la première fois cette semaine
Sur le marché des droits à polluer européen, la tonne de CO2 corrige globalement à la baisse après avoir atteint des sommets historiques. Le contrat de référence ICE EUA Dec. 2023 termine la semaine à 93,47 €/t, soit en baisse de -3,36 €/t sur le vendredi précédent (-4,03 %).
Le tonne de CO2 finit donc la semaine en baisse sur le vendredi 24 février, même si la volatilité a été importante cette semaine. Le lundi 27 février, la tonne se négociait à 100,23 €/t (settlement price, ICE EUA DEC. 23). Le jour suivant et jusqu’en fin de semaine, les quotas s’orientaient à la baisse pour finir la semaine à 93,47 €/t.
Des évolutions sont en cours au niveau du système européen
Le système européen continue d’évoluer, notamment avec la mise en place du futur mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) qui fixera un prix du carbone sur les importations de certains produits dans l’UE. Si les rouages de ce mécanisme doivent encore être débattus, l’objectif est de rendre plus compétitives les entreprises européennes et de capter la fuite actuelle de carbone vers les pays étrangers (délocalisation de la production).
Selon l’AIE, les émissions de GES liées à l’énergie ont atteint un nouveau record en 2022 (+0,9%). Néanmoins, cette hausse est moins élevée que prévu, grâce notamment à l’essor des énergies et technologies vertes. Toujours selon l’AIE, 550 millions de tonnes de CO2 ont ainsi été évitées par les nouvelles infrastructures d’énergies bas carbone.
La hausse du prix des quotas vise à réduire la consommation d’hydrocarbures dans le tissu industriel ainsi que dans la production d’électricité. Le prix du gaz observant une baisse, c’est une bonne nouvelle pour le marché des émissions. En effet, quand le charbon est privilégié, les pollueurs ont besoin de plus de quotas pour compenser le niveau de leurs émissions excédentaires. L’an dernier, ces émissions ont été alimentées par un recours accru au charbon en pleine période de crise énergétique. Quoiqu’il en soit, la tonne de CO2 devrait parvenir à se maintenir au-dessus de 90 €/t. La baisse de la semaine étant en partie imputable aux prises de bénéfices des acteurs spéculatifs du marché.
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