Nos experts vous présentent leur analyse complète de toute l’actualité sur les marchés de l’énergie à la date de clôture du 02 mai 2025.
Marché de l'électricité
Électricité : le carbone fait de la résistance

Le marché européen de l’électricité a connu un léger regain de tension, avec des prix du carbone (EUA) en hausse, portés par une rare combinaison de facteurs techniques, météorologiques et géopolitiques. Cette embellie repose moins sur des fondamentaux solides que sur la rareté des enchères d’EUA, temporairement gelées par les congés, ainsi qu’un sursaut d’optimisme macroéconomique dopé par un PIB allemand en ligne avec les attentes.
Les fonds spéculatifs, pourtant, réduisent encore leur exposition : près de 60 millions d’EUA vendus depuis février, signe que la confiance reste fragile. Le signal est clair : le marché carbure à l’instabilité. Si la croissance déçoit ou si une récession mondiale se précise, les prix du carbone, eux aussi, risquent de flancher. Les traders restent donc suspendus aux indicateurs économiques et à toute annonce susceptible de déverrouiller ce marché en attente.
À la une
EDF cherche à rallumer la flamme industrielle
Bernard Fontana, fraîchement nommé à la tête d’EDF, a pris la parole devant le Sénat pour poser les jalons d’une stratégie résolument tournée vers la relance du nucléaire industriel. Son mot d’ordre : agir vite pour rassurer les industries énergivores et sécuriser leurs investissements dès 2026.
L’enjeu ?
Fournir à ces acteurs des contrats à long terme sur 40 TWh d’électricité, soit deux fois plus que les plans précédents. Un virage décisif, après le départ houleux de Luc Rémont, désavoué pour sa proposition controversée de mettre aux enchères une partie de la production nucléaire.
Cap 2030 : montée en puissance nucléaire
Fontana réaffirme l’objectif ambitieux d’EDF : atteindre 400 TWh de production nucléaire par an d’ici 2030. En ligne de mire également, la mise en service du premier des six réacteurs EPR2 d’ici 2038 — ou plus tôt. La feuille de route prévoit aussi un second palier de puissance de 13 GW, via huit nouveaux EPR2, sous réserve d’un feu vert de l’État d’ici fin 2026.
Hydroélectricité : ouvrir les vannes d’un compromis
Sur le front hydraulique, l’éternel bras de fer avec Bruxelles semble proche d’un tournant. Fontana soutient la proposition d’un transfert de propriété des barrages à EDF et Engie, en contrepartie d’une ouverture partielle de la production à la concurrence. Une formule de compromis qu’il juge « possible », à condition d’en fixer un juste prix.
Souffle de relance ou pari risqué ? L’avenir énergétique français entre dans une nouvelle phase décisive.
Dossier spécial
Blackout ibérique : chronique d’un effondrement électrique
Lundi dernier, la péninsule ibérique a vécu une panne d’électricité massive, plongeant l’Espagne et le Portugal dans le noir pendant plusieurs heures. Cet incident, d’une ampleur rare, n’est pas le fruit d’un dysfonctionnement unique mais plutôt d’un enchaînement complexe d’événements techniques – une sorte de tempête parfaite sur le réseau électrique. En cause, selon les premières analyses : une double perte de production (événement dit N-2), la déconnexion automatique de centrales d’énergies renouvelables, et la rupture des interconnexions avec la France.
Un événement N-2 aux conséquences en cascade
Dans les faits, l’Espagne a vraisemblablement subi deux pertes successives de production en très peu de temps. Or, la plupart des réseaux sont conçus pour encaisser un seul incident à la fois (événement N-1). Ce double choc a désynchronisé le réseau espagnol, provoquant son isolement du reste de l’Europe. Rapidement, les installations renouvelables – éolien et solaire – se sont mises en « autoprotection » face à la chute brutale de fréquence, aggravant la situation. Résultat : une perte foudroyante de 15 GW en moins de cinq secondes, suivie de l’arrêt automatique de l’ensemble du parc nucléaire espagnol, et même du réacteur Golfech 1 en France.
L’inertie du réseau, talon d’Achille du mix énergétique
L’incident met en lumière un point crucial : l’absence d’inertie suffisante au sein du réseau ibérique. L’inertie, assurée par des centrales synchrones (nucléaire, gaz, charbon), permet de stabiliser la fréquence électrique. Or, le mix espagnol du moment reposait essentiellement sur des sources non synchrones (19,3 GW de solaire, 3,4 GW d’éolien), avec seulement 5,6 GW produits par les centrales thermiques. Un déséquilibre qui a fragilisé la stabilité du système.
L’Espagne nie un problème structurel
Les autorités espagnoles, tout en reconnaissant la gravité de l’incident, réfutent l’idée d’une crise systémique ou d’une responsabilité des énergies renouvelables. « Ce n’était pas une journée exceptionnelle », affirme le président de l’association des fournisseurs d’électricité, tandis que Red Electrica pointe des « facteurs exceptionnels » encore à identifier. En clair, le mix énergétique ne serait pas en cause, mais plutôt une série d’imprévus en chaîne.
L’Europe rassure, mais reste en alerte
Ailleurs en Europe, les gestionnaires de réseau veulent croire à la singularité de l’événement. En France, en Allemagne ou au Royaume-Uni, on rappelle que les infrastructures sont robustes, mieux intégrées et dotées de procédures de secours, comme l’îlotage des réacteurs nucléaires. Néanmoins, l’incident a servi de piqûre de rappel : la résilience des réseaux face à la montée en puissance des énergies intermittentes doit être une priorité.
Vers une réponse européenne
L’Espagne et le Portugal devront remettre un rapport détaillé à la Commission européenne d’ici juillet, dans le cadre des règles sur la sécurité électrique. Une task force indépendante analysera l’incident jusqu’en 2026. L’Union européenne, elle, pourrait en tirer des leçons en matière de coordination, de réserve de capacité et de réponse aux événements extrêmes.
Le mot de la fin
Ce blackout, bien que spectaculaire, ne signe pas l’échec des renouvelables, mais rappelle une vérité physique : le réseau électrique est un organisme vivant, et il faut en respecter les équilibres. À l’heure de la transition énergétique, l’enjeu n’est pas d’opposer solaire à nucléaire, mais de construire un système résilient, prévisible et flexible.
Les tendances électricité de la semaine par notre expert
Marché électrique : vers un nouvel équilibre
La Commission de régulation de l’énergie (CRE) l’affirme : le marché français de l’électricité connaît une « nette amélioration » de sa liquidité. En cause ? L’expiration imminente de l’Arenh, ce mécanisme instauré en 2012 qui permettait aux fournisseurs alternatifs d’acheter de l’électricité nucléaire à prix régulé (42 €/MWh). Cette page qui se tourne pousse désormais les acteurs à se tourner massivement vers le marché de gros. Résultat : un doublement des volumes échangés depuis début 2024, atteignant jusqu’à 40 TWh par semaine.
Ce regain d’activité devrait sécuriser les approvisionnements jusqu’en 2028. Toutefois, la dynamique reste timide sur les horizons plus lointains, notamment au-delà de 2029. Les prix des contrats pour 2026-2028, stabilisés autour de 60 €/MWh, restent parmi les plus compétitifs d’Europe.
Lundi, une panne électrique majeure en Espagne (perte de 15 GW) a entraîné l’arrêt automatique du réacteur Golfech 1, dans le sud-ouest de la France. EDF a réagi rapidement, activant des turbines à gaz pour compenser la perte. L’événement souligne la robustesse des procédures françaises, comme les tests d’« îlotage », réussis à 94 % l’an dernier.
Outre-Rhin, un refroidissement notable des températures est prévu dans les deux prochaines semaines, avec un regain d’éolien attendu. De quoi soutenir la production électrique, malgré un niveau encore légèrement inférieur aux moyennes saisonnières.
– Helder FARIA RUBIO
Responsable Vente Indirecte et Partenariats chez Capitole Energie
Marché du gaz
Gaz : l’abondance calme les prix

Le marché du gaz européen est tiraillé entre des fondamentaux durablement baissiers et des frémissements de hausse ponctuels. En cause, des températures bien au-dessus des normales saisonnières (jusqu’à +8°C), qui freinent la demande de chauffage sans encore stimuler la climatisation. Les niveaux de stockage gazier en Europe s’élèvent à 39%, inférieurs à l’an dernier, mais les injections progressent dans un climat de forte offre en GNL, notamment grâce à une baisse de la demande asiatique. Cependant, l’entrée en maintenance saisonnière des installations norvégiennes pourrait tendre légèrement l’offre à court terme.
À l’international, les tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine plombent la demande de GNL en Asie, en particulier en Chine où les importations ont chuté de près de 29%. En Europe, malgré la légère remontée des prix cette semaine, la pression reste baissière, avec un marché toujours influencé par la météo, la géopolitique… et une économie qui peine à reprendre souffle.
À la une
L’Europe fait le plein de GNL… pour mieux ralentir ?
La semaine dernière, les importations européennes de gaz naturel liquéfié (GNL) ont grimpé de 11 %, atteignant 3,47 milliards de mètres cubes (bcm).
À l’origine de ce sursaut : une demande asiatique en berne, notamment en Chine et en Inde, qui a libéré des cargaisons à destination du Vieux Continent. L’occasion, pour l’Europe, de renforcer ses stocks avant l’hiver prochain.
Les réserves européennes de GNL sont désormais remplies à 59 %, et les stocks de gaz, tous types confondus, à 38,4 % — une nette progression depuis un mois.
Un coup de frein dès cette semaine
Mais l’élan pourrait être de courte durée. Les prévisions annoncent une baisse marquée des arrivées de GNL cette semaine, à 2,52 bcm, soit un recul de 27 % en une semaine, au plus bas depuis six mois. Depuis début avril, les importations sont en baisse de 19 % par rapport à mars. Les plus touchés ? Le Royaume-Uni (-72 %), l’Italie (-22 %) et la France (-8 %).
Prix en chute libre
Cette accalmie dans la demande se reflète aussi sur les prix. Le contrat TTF, référence européenne, a chuté de 9 % sur la semaine, tombant à 32,33 €/MWh, au plus bas depuis juillet 2023. En Asie, le JKM a glissé à 11,27 USD/MMBtu (33,86 €/MWh), un plus bas depuis mai 2024.
L’Europe profite d’un moment de répit pour reconstituer ses réserves, mais l’équilibre reste fragile et étroitement lié aux soubresauts de la demande mondiale.
Les tendances gaz de la semaine par notre expert
Espagne : le retour du gaz pour sécuriser le réseau
Lundi dernier, une panne électrique massive a paralysé la péninsule ibérique. Résultat immédiat : Red Electrica, le gestionnaire du réseau espagnol (GRT), a dû réagir en urgence. Face à l’arrêt automatique du parc nucléaire espagnol, l’opérateur a réduit de manière significative la production éolienne (-4,5 GW) et solaire (-5 GW) tout en triplant celle issue du gaz, la portant à 3,5 GW.
Pourquoi ce choix ? Parce que seule la production synchrone — que fournissent les centrales à gaz et nucléaires — permet de stabiliser la fréquence du réseau en cas de choc. Ce renfort gazier, bien que temporaire, apporte plus de souplesse que le nucléaire en période de crise. Il assure une flexibilité « rapide » cruciale, surtout aux heures de forte production solaire.
Red Electrica réfute que les énergies renouvelables soient responsables de la panne, mais sans en identifier la cause. Pourtant, des experts évoquent la difficulté des renouvelables à absorber les variations brutales de charge. En parallèle, un groupe d’experts européens a été mandaté pour enquêter sur cette défaillance qualifiée d’« exceptionnelle et grave ».
Cet épisode relance le débat sur l’équilibre entre transition énergétique et sécurité d’approvisionnement. L’Espagne, en championne du renouvelable, est confrontée à une réalité implacable : sans inertie ni stabilité, pas de réseau fiable.
– Helder FARIA RUBIO
Responsable Vente Indirecte et Partenariats chez Capitole Energie
Zoom sur l'énergie verte
La météo, le marché et l’incertitude politique font tanguer l’Europe
Des garanties d’origine sous pression
Le marché européen des garanties d’origine (GOs), ces certificats attestant de l’origine renouvelable de l’électricité, s’enfonce un peu plus. Les prix, notamment pour l’hydroélectricité, reculent : le Cal 25 se négocie autour de 0,50-0,60 €/MWh contre 0,65-0,70 € la semaine précédente. En cause : des réservoirs nordiques bien remplis, une météo humide, et une demande atone. Résultat : un excédent d’offre persistant et un marché peu actif. À l’inverse des records de 2022, les fondamentaux d’aujourd’hui éloignent tout scénario de flambée à court terme.
Des prix négatifs en cascade en Europe du Sud-Est
Dans les Balkans, le printemps s’est accompagné d’un phénomène rare : six jours consécutifs de prix négatifs sur le marché de l’électricité. Avec des températures douces, une consommation réduite par les jours fériés et une production solaire abondante, les prix ont plongé jusqu’à -129 €/MWh. Une situation exceptionnelle qui devrait se stabiliser dès que la demande (notamment liée à la climatisation) repartira avec la chaleur estivale.
Éolien offshore aux États-Unis : Equinor sur le fil
Le géant norvégien Equinor vacille après l’arrêt soudain de son projet Empire Wind 1 à New York. Avec 30 % du chantier déjà achevé, la perte potentielle pourrait atteindre 4,5 milliards de dollars. Equinor conteste la légalité de la décision et tente d’ouvrir un dialogue avec Washington. L’affaire illustre les défis croissants auxquels font face les investisseurs européens dans les énergies renouvelables outre-Atlantique.
– Helder FARIA RUBIO
Responsable Vente Indirecte et Partenariats chez Capitole Energie
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