Comme chaque semaine, nos experts analysent pour vous les différentes actualités du marché de l’énergie (électricité, gaz, pétrole…). Dans cet article, ils vous font part de leurs perspectives d’évolution quant à la situation actuelle sur les marchés.
Marché de l’électricité
L’énergie au cœur du débat
En cette 14ème semaine de l’année 2022, la tendance haussière entamée il y a près de 2 semaines se poursuit sur les marchés électriques européens. La situation énergétique pose toujours questions, souvent les mêmes d’ailleurs, et l’avenir reste incertain à court, moyen et long terme. En France, la place du nucléaire en cette période électorale fait débat, mais il semble plus que jamais nécessaire, et cela a été proposé par le Président sortant Macron, de revoir/relancer la stratégie nationale pour permettre une nouvelle souveraineté énergétique nationale.
Le parc nucléaire français saura-t-il soutenir la demande ?
En parlant de nucléaire, EDF découvrait en milieu de semaine de nouvelles fissures dues à la corrosion sur les circuits de sécurité sur les réacteurs de Flamanville 1 et 2 (soit 2,7 GW de puissance installée). Ces annonces portent désormais à sept le nombre d’unités concernées par ces problèmes sur l’ensemble du parc français. Ces nouvelles découvertes pourraient poser problème et reporter l’arrêt de Flamanville 2, réacteur qui s’était déjà vu prolonger l’arrêt de deux mois et demi fin mars. L’état du parc nucléaire actuel a donc conduit le pays à enregistrer une production nucléaire extraordinairement faible, dans un contexte déjà très compliqué. Le jeudi 7 avril, la production s’élevait à 31 GW (27 unités sont à l’arrêt), soit une baisse de 6 GW par rapport à l’année précédente le même jour.
De nouveaux records atteints sur le marché français
Lundi dernier, l’on constatait une flambée encore jamais vue sur le marché spot infra-journalier français avec un prix atteignant 2 987,88 €/MWh pour une livraison lundi 04 mars entre 8h et 9h du matin, et un prix moyen journalier de 551,43 €/MWh. Ce record historique conduisait d’ailleurs l’UE à relever le plafond de prix de 3000 €/MWh à 4000 €/MWh. Ce changement réglementaire devrait prendre effet le 8 mai, et témoigne encore d’une situation énergétique critique sur tout le réseau européen.
Les prix de l’électricité continuent d’augmenter
Ainsi, sur un horizon lointain, les contrats pour une livraison en 2023 (Cal 2023 FR baseload) en France se négocient à 222 €/MWh le vendredi 8 avril, soit une variation de +14,07 €/MWh (+6,77 %) en une semaine. Pour les années suivantes, les contrats pour une livraison en 2024, 2025, et 2026 se négocient respectivement quant à eux à 139 €/MWh (+12,50 €/MWh), à 121,31 €/MWh (+13,31 €/MWh), et à 108,50 €/MWh (+2,25 €/MWh) le même jour.
L’hiver prochain s’annonce compliqué d’un point de vue distribution
La courbe de long terme reste donc très volatile, dans le sillage des prix du gaz naturel, et de l’évolution du conflit ukrainien. Les sanctions prononcées envers la Russie s’intensifient et l’hiver prochain risque d’être rude. En effet, plusieurs analystes s’accordent à dire que les prévisions de production d’EDF pour la fin de l’année sont largement surestimées par l’opérateur historique. En effet, on voit mal comment EDF pourrait faire un bond de près de 20 GW supplémentaires disponibles entre aujourd’hui et fin décembre. Le débat reste ouvert.
Le marché reste plus que jamais tendu et incertain. L’annonce de prolongations de maintenance supplémentaires sur le parc nucléaire français pourrait continuer de maintenir les prix à la hausse, alors même que l’on sort à peine de l’hiver. À court terme, le niveau de la demande devrait baisser avec l’arrivée du printemps, mais si la production renouvelable ne suit pas, une nouvelle tendance baissière pourrait prendre du temps à pointer le bout de son nez.
Loïc ARILAZA, Analyste Pricing
Marché du gaz naturel
La pression ne faiblit pas
Le marché du gaz naturel continu lui aussi à progresser depuis plusieurs semaines, alors même que l’on pensait avoir atteint un niveau déjà très élevé. La pression qu’exerce la guerre en Ukraine sur l’approvisionnement gazier, et donc sur les prix, ne faiblit pas. Les acteurs européens s’étaient déjà vus sommés de régler les transactions en roubles sous peine de coupure pure et nette de l’approvisionnement. Même si un délai avait été accordé, l’UE ne semble toujours pas être disposée à céder à de telles exigences du Kremlin alors même que son offensive en Ukraine ne faiblit pas.
Les actualités autours du charbon vont-elles impacter le marché du gaz ?
En milieu de semaine, la Commission européenne annonçait vouloir proposer une interdiction des importations de charbon en provenance de la Russie. Même si à ce jour la décision n’a pas encore été validée par les Etats membres, cette décision très forte ne devrait pour l’heure pas impacter le gaz naturel. En effet, l’Allemagne, très dépendante de ce dernier, n’est pas du tout enthousiaste à l’idée de se priver de cette source d’énergie vitale au fonctionnement de son économie. D’ailleurs, le charbon reste encore lui aussi une source d’énergie importante en Allemagne, qui importe près de 50 % de son charbon de Russie.
Des coupures pourraient être mises en place l’hiver prochain
Sur les marchés, on le sent bien, l’incertitude est le maître mot en cette période toujours très tendue. La stratégie de diversification des sources d’approvisionnement énergétique en Europe prendra du temps, et la dépendance russe restera forte pour encore un bon moment. La guerre ne semble pas prendre une fin rapide, et le risque reste important. L’hiver prochain demeure un sujet d’inquiétude fort, notamment en France où le gouvernement envisage de pouvoir réduire ou couper le gaz à environ 5 000 très gros sites industriels ayant consommé un volume cumulé de 240 TWh l’an dernier. Ce dispositif de dernier recours doit permettre d’éviter une panne sur le réseau gazier national et ainsi préserver les usages essentiels (tels que les hôpitaux, les installations militaires, les habitations, etc…).
Ainsi, sur un horizon lointain, les contrats pour une livraison en 2023 (PEG Cal 2023) se négociaient à 75,24 €/MWh le vendredi 08 avril, soit en hausse de 7,81 €/MWh en une semaine. Sur les années 2024 et 2025, la même tendance haussière s’observe. Le marché reste donc toujours très tendu, et l’avenir est plus que jamais incertain.
Les prix de long terme, comme de court terme, restent très volatiles. De semaine en semaine, le risque d’un bouleversement important des conditions de l’approvisionnement russe fait peser un poids important sur le sentiment d’insécurité énergétique global. Les prix pourraient se maintenir à ces niveaux très élevés ces prochains jours.
Loïc ARILAZA, Analyste Pricing
Marché des émissions
Sur le marché des quotas d’émission européen, la publication en début de semaine du rapport préliminaire 2021 des émissions de carbone en Europe accompagne une forte volatilité des contrats de référence DEC. 22. Même si toutes les données n’ont pas encore été recueillies, il semble nettement que les émissions de l’année 2021 soient supérieures à celles de l’année précédente (notamment dues à la forte reprise économique post-covid). La liquidité du marché reste par ailleurs très faible et les EUA cherchent toujours une direction claire, notamment sur l’avenir du conflit en Ukraine, et donc des potentielles coupures d’approvisionnement gaziers et pétroliers. Au regard de ces éléments, les EUA clôturaient la semaine à 80,09 €/t (+1,60 €/t par rapport au vendredi précédent). La volatilité devrait donc rester forte ces prochains jours, avec un marché du gaz naturel toujours incertain.
Marché du pétrole et du charbon
De grandes incertitudes recouvrent le marché pétrolier
Du côté du marché mondial de l’or noir, les prix mondiaux reculent légèrement cette semaine pour clôturer la semaine à 102,78 $/bbl (-1,61 $/bbl) pour le Brent (mois+1). En cause, la décision de pays membres de l’AIE (Agence Internationale de l’Energie) de puiser dans leurs stocks stratégiques en vue de contenir les prix dans un contexte d’incertitude sur le devenir de l’offre pétrolière russe. On parle ici de la libération de près de 240 millions de barils, ajoutés à une possible baisse de la demande chinoise en raison notamment du confinement de Shangaï. Il faut toutefois relativiser ces annonces. On ne sait en effet ni quand, ni précisément, si chaque pays se conformera à cette décision et combien de temps il faudra techniquement à chacun pour libérer des réserves parfois détenues par des compagnies privées. Quoi qu’il en soit, cette annonce donne une bouffée d’air à un marché qui en nécessite cruellement.
Le marché du charbon souffre des décisions prises à l’échelle européenne
Concernant le charbon, comme nous l’annoncions plus haut, le désir de l’UE d’exercer un embargo sur le charbon russe se retrouve sur la tendance de marché en fin de semaine. La volatilité des prix reste très élevée, et le potentiel futur manque de charbon russe au cœur de l’Union européenne n’aura pas le même impact pour tous les pays membres. La décision de sanction n’est d’ailleurs pas tout à fait actée à l’heure où nous écrivons. Certains pays, comme l’Allemagne, dépendent plus fortement de cette source d’énergie que d’autres. En tout cas, cette annonce suffit à faire peser une pression supplémentaire à un marché qui n’en manque pas. La Russie quant à elle doit se tourner de plus en plus vers la Chine pour continuer à vendre massivement son charbon. L’on a d’ailleurs déjà constaté les premières livraisons payées en Yuans. Il faudra suivre cette affaire avec attention ces prochains jours.
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